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Aux captifs la libération

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Non offrir nourriture ou vêtements mais aller avec son cœur vers ces exclus, les mains nues. Créer des liens. Être à l’écoute, permettre à la personne de formuler ses besoins, ses désirs, de retrouver confiance, de se relever, d’exprimer sa foi. (Présence Mariste n°294, janvier 2018)

F. Henri VIGNAU

Ayant arrêté la catéchèse et les heures d’échange avec les jeunes en collège, j’ai cherché à m’investir dans le domaine de la précarité dont la réalité est si criante à Paris. Cela m’a conduit à prendre contact et à m’engager auprès des frères de Mère Teresa et au sein de l’association « Aux captifs la libération » fondée par le Père Patrick Giros, vicaire près des Halles à Paris, lieu de rencontre de tant de paumés, de toxicomanes et de sans domicile fixe et dont l’église côtoie sex-shops et prostituées.

Non offrir nourriture ou vêtements mais aller avec son cœur vers ces exclus, les mains nues. Créer des liens. Être à l’écoute, permettre à la personne de formuler ses besoins, ses désirs, de retrouver confiance, de se relever, d’exprimer sa foi. Se situer en vérité, d’homme à homme, d’homme à femme. Redoutable école de dépouillement et d’humilité. Se défaire des multiples préjugés sur les gens de la rue. Ne pas s’arrêter aux odeurs, aux vêtements sales et déchirés, aux sacs pleins de choses hétéroclites, aux propos souvent peu compréhensibles ou déroutants. S’approcher de ces personnes souvent avinées ou sous l’effet de la drogue, en manque de regard bienveillant, de parole chaleureuse.

Se défaire de ses préjugés sur les gens de la rue
Photo : F. Henri Vignau

Mais quel émerveillement quand on découvre la culture d’Aaron et de Martine, l’endurance au froid, à la faim, à l’insécurité, à la violence chez Pascal, Jenny, Mohamed, la profondeur et la foi exprimées par Gégé et Anton lors d’un temps de célébration autour d’un « pot » disparu. La joie de Michel et Moussa à leur retour de Rome où le pape François a demandé pardon aux pèlerins du jubilé des gens de la rue, l’ouverture et la joie de Terah, Pablo, Rachid au cours de quelques journées passées dans une abbaye pour cueillir des cerises… 

Créer des liens, être à l’écoute …
Photo : F. Henri Vignau

Avec eux, pas de faux semblant, mais des sentiments à nu : l’évocation discrète d’un fils, l’abrutissement vécu en prison, l’absence de reconnaissance dans sa vraie identité de femme, le plaisir de la boisson et du shit, les astuces pour dérober nourriture, parfums, vêtements… Également avec les jeunes adultes roumains ou maghrébins en situation de prostitution, la personne est première au-delà des propos parfois agressifs, grossiers dans un français très pauvre : Vassile, Boulok, Nicolaï, Noureddine… Une douche, leur linge lavé, un casier pour ranger quelques effets, une partie de dominos, un café, quelques pâtes dévorées… des échanges simples, cordiaux.

Je suis ému quand je vois Janik qui a 30 ans de vie dans la rue, avec son fils qui a perdu son emploi, mais gardé son ordi qu’il utilise dans des lieux où l’accès à internet est libre, entourés de 15 sacs comme pour assurer leur zone privée, attendre deux heures du matin pour pouvoir fermer l’œil dans leur duvet près de la fontaine des Innocents aux Halles…


Tout homme, toute femme est un « mystère » !
Tout homme, toute femme est une « histoire sacrée » !

F. Henri Vignau
(Publié dans « Présence Mariste » n°294, janvier 2018)

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