Marcellin Champagnat et l’enfance en détresse

L’éducation des enfants : la grande priorité pour Marcellin Champagnat

« Dieu écrit droit sur des lignes tordues ».

Comment ne pas évoquer cet adage en considérant le parcours scolaire de Marcellin Champagnat, fondateur d’un Institut de Frères enseignants ?

Un jeune garçon timide revient de l’école de Marlhes, traumatisé dès le premier jour par la violence d’un maître brutal qui a giflé devant lui un camarade. Il déclare à ses parents ne plus vouloir y retourner. C’est ainsi, qu’entre dix et quinze ans, Marcellin sera à l’école de la vie, sous la conduite de son père qui l’initie aux travaux de la campagne. Cet apprentissage où il se plaît lui sera très utile quand il devra se faire menuisier ou maçon pour loger ses frères. Mais son retard scolaire rendra difficiles ses premières années d’études au petit séminaire.

Dès la fondation de l’institut, Marcellin Champagnat a accueilli les orphelins

En août 1816, il arrive à Lavalla, paroisse de 2 500 habitants dispersés en une soixantaine de hameaux dans le massif du Pilat. Tout dévoué à ses paroissiens, il n’en oublie pas pour autant de répondre à l’inspiration mariale de fonder une Congrégation de Frères enseignants. Il a toujours eu une prédilection pour l’enfance. « Je ne puis voir un enfant sans éprouver l’envie de lui dire combien Dieu l’aime », disait-il.

La charité pastorale du jeune abbé de 27 ans est ardente. Son biographe écrit : « Quand il fut placé vicaire à Lavalla, il trouva un certain nombre de parents pauvres et négligents qui laissaient leurs enfants dans l’ignorance… Il prit ces enfants, les plaça chez les Frères et se chargea de les nourrir et de les habiller. La première année, il en eut douze. Les années suivantes, ce nombre augmenta encore et il en reçut autant que la maison pouvait en contenir ». (Vie, p. 522, édition 1989)

« Seigneur, je n’ai personne… » répondit l’infirme de la piscine de Bethzatha à Jésus qui lui demandait pourquoi il ne plongeait pas dans l’eau pour être guéri. Le cœur d’apôtre de Marcellin connaît la détresse des petits campagnards “qui n’ont personne” pour les éduquer chrétiennement. Sans tarder, il leur donne des Frères catéchistes-instituteurs, formés selon la pédagogie des Frères des Écoles Chrétiennes. En adaptant les exigences relatives au salaire des Frères et à la gratuité des classes, il réussit à scolariser des milliers d’enfants de petites communes rurales. Dans la Règle de 1837, il écrit : « Le but de la Société des Frères est encore (outre les écoles) de diriger des maisons de providence ou de refuge pour les jeunes ». Plusieurs furent fondées de son vivant et nous savons qu’il préparait des Frères pour s’occuper d’enfants sourds-muets, à Saint-Étienne et au Puy. « Il voulait à tout prix avoir les enfants » déclare son biographe, le Frère Jean-Baptiste.

Les jeunes trouvaient là une famille

Ce même Frère nous a laissé un émouvant témoignage de l’amour que le Père Champagnat portait aux enfants abandonnés. Il s’agit du cas de Jean-Baptiste Berne. Lors d’une visite à la mère de l’enfant, malade, Marcellin « la trouva dans un grand dénuement… Il lui fit porter tout ce qui était nécessaire en aliments, en linge et en combustible. Il lui procura en outre une garde pendant le jour et pendant la nuit, et il engagea un médecin à la voir et à lui donner par charité les secours de son art. Cette femme étant morte, il se chargea d’un enfant qu’elle laissait ». (Vie, p. 523)

Jeanne-Marie Berne, meurt le 20 janvier 1820, au hameau des Fonts. Elle avait 34 ans et son petit Jean-Baptiste en avait neuf. Il n’avait pas connu de père et sa mère, à cause de sa mauvaise santé, n’avait pas pu donner à son enfant tout l’amour dont il avait besoin. C’est ce que révèle son comportement, à l’école des Frères.

« Les Frères, auxquels le Père le confia, ne le laissèrent manquer de rien, soit pour la nourriture, soit pour l’habillement. Ils lui firent suivre la classe, s’efforcèrent de lui inculquer les principes religieux, de le corriger de ses défauts et de ses mauvaises habitudes. Mais, au lieu de profiter des soins qu’on lui prodiguait et de s’en montrer reconnaissant, il ne répondit aux bontés qu’on avait pour lui que par des injures, par l’ingratitude et l’insubordination… » Découragés, les Frères dirent au Père : « Nous perdons notre temps avec cet enfant, et tôt ou tard, nous serons forcés de le renvoyer ».

Le Père, continue le biographe, dont le zèle était plus constant et plus indulgent, les engagea d’abord à prendre patience et à prier pour ce petit malheureux. Mais voyant qu’ils persistaient à demander qu’il fût congédié, il leur dit : « Mes amis, si vous ne voulez que vous débarrasser de ce pauvre orphelin, ce sera chose bientôt faite ; mais quel mérite y a-t-il à le jeter dans la rue ?… Nous avons adopté cet enfant, il ne nous est plus permis de l’abandonner. Il faut que nous le gardions, bien qu’il soit très pénible, qu’il ne réponde pas à nos soins… Au reste, prenez courage,… recommandez-le à Dieu et bientôt, j’en ai la ferme confiance, il vous donnera autant de consolation qu’il vous a causé de peines ».

De fait, la patience et la confiance du bon Père ne furent pas déçues. Avec le temps, le jeune Jean-Baptiste devint plus sage et plus docile. Il fit sa première communion avec ferveur et, quelques mois après, gagné par l’exemple des Frères, il demanda au Fondateur de l’admettre dans son Institut. Celui-ci l’admit sous le nom de Nilamon. Nous ne savons rien de sa vie de Frère, sinon qu’il mourut à 19 ans, en 1830, dans les bras du Père Champagnat, après l’avoir remercié de tout ce qu’il avait fait pour lui. (Cf. Vie, p. 525)

A Quevedo en Equateur, accueil de jeunes en grande difficulté dans les « casas familias » maristes

Le cas du jeune Jean-Baptiste Berne est emblématique, et nos Frères d’Australie ont eu l’heureuse initiative d’appeler “Berne Education Centre”, une école de Sydney qui accueille des enfants de la rue. En voici la description abrégée, selon Wikipedia : “Le Berne Education Centre est une école spéciale pour jeunes de 12 à 16 ans ayant des problèmes de caractère et de comportement. Ouverte en 1998, elle est dirigée par les Frères Maristes dont la tradition éducative se retrouve avec force dans la pratique pédagogique de l’équipe de direction et du personnel enseignant, tradition qui est la pierre d’angle de cette école. Sa devise : “Espoir toujours”, rappelle avec à propos que là où il y a vie, il y a espoir”.

Merci à nos Frères australiens d’avoir gardé vivante la mémoire de l’amour de Marcellin Champagnat et de ses premiers compagnons pour l’enfance en détresse.

Frère Alain DELORME
(Publié dans Présence Mariste n° 262, Janvier 2010)

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