Au Mali. Infirmière et solidaire !

Dès le début de mes études d’infirmière, j’ai eu envie de partir travailler dans les pays en voie de développement. C’est ainsi que j’ai atterri à Gao en janvier 1994, pour ma première expérience à l’étranger.Gao est une ville située au Nord du Mali, au bout de la grande route qui la relie à la capitale Bamako, distante de 1200 km, petite bourgade d’environ 40 000 habitants, le long du fleuve Niger.

Le service des malades

La mission catholique est une grande concession, dominée par l’église, puis par le bâtiment central où habitent les Pères (J.P. Delpech, Guy Vuillemin, Benoît Bernard). De l’autre côté, se trouve le dispensaire et les cases des infirmières. Le dispensaire existe depuis 1950, créé à l’initiative des Pères Blancs. Il a pour objectif de répondre aux besoins de santé de la population défavorisée de Gao et ses environs, et de développer son rôle d’éducation et de prévention sanitaire. Depuis 1987, les Pères font appel au CEFODE : Centre de Formation pour le Développement, siégant à Strasbourg, pour envoyer des infirmières.

Les premières appréhensions (peur de l’inconnu, peur de ne pas être à la hauteur, peur de ne pas s’adapter…) sont vite remplacées par l’enthousiasme d’un travail nouveau et passionnant, et par une nouvelle vie à découvrir. Une période d’adaptation de deux à trois mois est nécessaire pour se sentir à l’aise dans ces nouvelles fonctions. Il est indispensable d’être deux infirmières expatriées pour se soutenir. J’ai beaucoup apprécié de travailler et partager avec Sylvie Gérard, infirmière québécoise, arrivée à Gao en mai 93. Elle a été d’une grande aide pour faciliter mon intégration.

Le travail d’infirmière en Afrique est différent
de celui que l’on exerce en France.

C’est une autre façon de soigner, un autre regard sur les malades et les maladies. Là-bas, nous sommes « médecins », nous auscultons, nous posons des diagnostics, nous prescrivons, en plus des soins curatifs, des remèdes éducatifs et préventifs. Notre pouvoir médical est immense, nous ne sommes plus seulement exécutrices, mais nous sommes les « grands marabouts blancs », qui détiennent le pouvoir, la puissance et le savoir. Tout en sachant reconnaître nos limites !

La population soignée est représentée en majorité par les songhais et les bellahs (noirs tamasheks) venus de brousse, depuis les grandes sécheresses. Cette population est pour une grande partie analphabète et déshéritée. Les gens viennent de plus en plus loin, car les autres centres de santé sont dépourvus de personnel, suite à la rébellion débutée en 90. Les consultants sont en majorité des femmes et leur nombreuse progéniture. Les enfants soignés sont sous-alimentés et ont un poids inférieur à la normale, donc plus sujets aux infections. Les maladies sont aggravées par le manque d’hygiène, l’insalubrité et le manque de moyens fianciers, entraînant une consultation tardive. Le manque de connaissances, les croyances et traditions sont des facteurs aggravants.

UNE AIDE SOCIALE URGENTE

Le dispensaire est ouvert du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 13 h 30, 14 h 30 maxi : consultations intensives ! Il y a deux équipes de travail : constituées d’une aide-soignante malienne et d’une infirmière expatriée. Une éducatrice malienne se charge de l’éducation à l’hygiène et nutritionnelle, deux à trois matinées par semaine. Les après-midi sont occupées au travail de gestion, comptabilité, statistiques, rangement de la pharmacie lors de la réception des colis, visite à l’hôpital ou de certains malades, animations dans les quartiers.

Mais du fait de la promiscuité (notre logement est à côté du dispensaire), nous sommes dérangées pour des ordonnances ou des soins à toute heure et même les week-ends. Depuis le dévaluation du franc CFA en janvier 94, le nombre de consultations a nettement progressé, dû au fait que les prix des consultations et les tarifs des médicaments ont beaucoup augmenté en ville. Cette inflation a eu comme impact, de ne pas prioriser les soins de santé, chez les personnes déjà déshéritées, dont la première préoccupation est de trouver de quoi se nourrir chaque jour.

Nous nous approvisionnons en médicaments au GIE Santé pour tous, grâce à la commission santé. C’est une commande annuelle groupée de tous les dispensaires de l’Eglise Catholique. Mais le système n’est pas encore au point. Le délai entre la commande et l’arrivée des médicaments reste trop long, et il y a souvent des ruptures de stock. Ceci nous oblige a effectuer des commandes chez d’autres fournisseurs, comme Médéor, organisme allemand. Nous sommes conscientes que cela va à rencontre du développement. Nous recevons également des échantillons de médicaments provenant d’organismes français, que nous vendons à des ordonnances provenant d’autres centres de santé, à un prix correspondant à 50 % du prix en pharmacie. Ceci permet un revenu non négligeable pour contrebalancer le petit apport venant des consultations et équilibrer le budget. Malgré cela, le dispensaire n’est pas autonome, ne prenant pas en charge le salaire du personnel. Nous faisons appel à des organismes étrangers pour financer le salaire des aide-soignantes. Celui des infirmières est pris en charge par le Secours Catholique Français.

En plus de ces activités, nous avons un rôle d’aide sociale : nous orientons les nécessiteux à la Caritas de Gao, nous aidons les indigents pour leur ordonnance et leur frais d’hospitalisation, nous aidons le centre antituberculeux en servant de nombreuses ordonnances… Nous essayons dans la mesure du possible de résoudre leurs problèmes, avec l’aide de la Caritas.

PARTAGER L’ESPOIR

Je suis partie avec l’intention de donner deux ans de ma vie aux plus démunis, partager un peu de leur vie, leurs conditions. Même s’il n’y avait rien de comparable entre ma vie et la leur. Je mangeais à ma faim, je vivais dans du dur, sous un toit lorsqu’il pleuvait, alors qu’ils n’avaient parfois même pas de natte pour s’étendre et pas de quoi faire un repas quotidien. J’ai voulu partager mon savoir, tout en apprenant beaucoup d’eux, découvrir un pays, un peuple et ses coutumes… J’espère avoir apporté un peu de soulagement, d’espoir et de réconfort auprès de ceux qui souffrent.

Isabelle BARRALON

(Paru dans « Présence Mariste » n°210, janvier 1997)

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