PM 281

« Je suis tzigane et je le reste »

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« Certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche et n’ont qu’à demander pour obtenir. Ce ne fut pas mon cas. Ma vie et celle de mes racines furent, sont et resteront un éternel combat » (Présence Mariste n°281, octobre 2014)

Ce livre raconte le parcours d’Anina, jeune fille rom de 22 ans, qui depuis toute petite n’a connu que les camps de Roms, la manche dans les rues, l’insalubrité, les critiques et injures, les voyages, mais qui a décidé de prendre sa vie en main et de montrer que son peuple malgré tout ce que l’on en dit, est capable aussi du meilleur. Elle fera des études, obtiendra son bac et s’inscrira à l’université prestigieuse de la Sorbonne à Paris pour devenir magistrat.

Nous n’étions pas des gens comme il faut

Marie-Françoise Poughon

« Certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche et n’ont qu’à demander pour obtenir. Ce ne fut pas mon cas. Ma vie et celle de mes racines furent, sont et resteront un éternel combat, vivre, c’est avoir le droit de faire les choses librement, sans contrainte. Mais, dans mon parcours, dans la vie de mes proches, je me suis rapidement aperçue que tout cela n’était que belles paroles. Depuis quinze ans, je vis en France, pays d’Europe, pays sans frontières. Aux yeux des autres, nous n’étions pas des gens civilisés, pas des gens comme il faut, pas des gens à fréquenter. Pour eux, nous les Roms, ne faisons que voler, mendier, être sales et malhonnêtes ».

Alors qu’elle a 7 ans, elle arrive avec ses parents, après avoir payé un passeur, dans la banlieue de Rome à Casilino, un campement sordide où vivaient des Roms roumains, serbes ou autres et après de nombreuses tergiversations pendant plus de six mois pour acquérir une vieille voiture, la famille en plein hiver, se rend en France… Lyon, Valence puis Bourg-en-Bresse plus tard. _ « Maman était folle de joie, papa chantait, mes sœurs rigolaient. Moi aussi peut-être. Je me souviens surtout qu’il y avait de la neige partout…Mon père nous a alors dit : Respirez l’air de la France, sentez comme il est pur ! »

Je me suis passionnée pour l’apprentissage du savoir

Couverture du livre
Photo Marie-Françoise Poughon

« À mon entrée en CE1, je parlais correctement le français, mais je n’étais pas encore à l’aise à l’écrit… L’école me plaisait réellement, le français et l’histoire notamment, je me suis vite passionnée pour l’apprentissage du savoir. Comme tout fonctionnait bien, que mes notes et appréciations étaient bonnes, j’ai même sauté le CM1 ».

« En juin 2006, j’ai eu le brevet avec mention TB et j’ai été admise au lycée Edgard Quinet pour préparer un bac S. Je continuais à me consacrer pleinement à mes études, au grand dam de quelques garçons qui tentaient bien de me faire des avances. Au sortir de mon bac, j’ai choisi de faire des études de droit. Le droit civil et le droit pénal m’ont tout de suite intéressée parce qu’ils mettaient en jeu les personnes ».

… Et maintenant la Sorbonne

Après l’obtention de sa licence, la jeune fille intègre la Sorbonne le 17 septembre 2012 pour la plus grande joie de sa famille :
« J’aimerais aussi que mon parcours arrive jusqu’aux oreilles des Roms de Roumanie. J’aimerais les persuader qu’ils ne doivent pas se résigner à leur vie, ils ne doivent pas se contenter d’une existence médiocre, ils ne doivent pas avoir peur de se forger de grands rêves et de les mener à bien. Avec du travail, on peut réussir. Avec un peu de chance et un peu d’aide aussi. Je veux aussi leur dire de cesser de se complaire dans cette image infâme qu’on leur a façonnée. Ils doivent fournir deux fois plus d’efforts que nécessaire pour prouver qu’ils méritent le respect normalement dû à chacun du simple fait de sa nature humaine ».

Marie-Françoise Poughon

Extraits tirés du livre « Je suis tzigane et je le reste », écrit avec Frédéric Veille (City-Poche 2013).

(Publié dans « Présence Mariste » n°281, octobre 2014)

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