Rencontre avec un prof d’E.P.S.

Martine BERNICHON, est professeur d’EPS à N. D. de Valbenoîte (Saint-Étienne), elle précise sa façon d’enseigner sa discipline. (« Présence Mariste » n°256, juin 2008)

Martine BERNICHON, professeur d’éducation physique et sportive à N. D. de Valbenoîte (Saint-Étienne), précise sa façon d’enseigner sa discipline, et plus globalement, d’envisager la pratique du sport. Il s’agit plus d’une manière de faire, pour se connaître, pour jouer avec d’autres, que d’atteindre des performances en elles-mêmes.

Présence Mariste : Peut-on dire que tu es prof de sport ?
Martine BERNICHON : Le sport n’est qu’une partie de ce que j’enseigne. Notre objectif de professeurs d’éducation physique et sportive est de faire évoluer les jeunes en prenant comme base de travail leur corps, et comme moyen — entre autres — des activités sportives.
Ces activités sont adaptées aux jeunes et à ce vers quoi nous voulons les faire évoluer.

Comment es-tu devenue professeur d’E.P.S. ?
J’ai toujours voulu travailler avec des enfants, et j’ai toujours été très sportive. Mon métier m’a permis d’accorder les deux.

L’EPS inclut aussi la danse

Y a-t-il un lien entre ce choix de carrière et ta foi chrétienne ?
Je pense que si j’aime être avec les autres, c’est un reflet de l’éducation chrétienne que j’ai reçue. De plus le travail d’enseignant est aussi une activité où l’on peut offrir gratuitement beaucoup de son temps, ce qui est aussi une attitude chrétienne.

Comment as-tu débuté ta carrière dans l’enseignement catholique ?
J’ai reçu dès l’enfance une éducation chrétienne, mais en tant qu’élève, je n’ai jamais étudié dans un établissement catholique d’enseignement ; pourtant la carrière de mon père nous a obligés à de nombreux déménagements, j’ai donc connu beaucoup d’établissements.
Je suis arrivée dans l’enseignement catholique par hasard (je ne pouvais pas passer le CAPES pour des problèmes de dos).
Je suis venue dans le privé par défaut mais j’y suis allée sereinement car je trouvais dans l’enseignement catholique des valeurs importantes pour moi. J’ai d’ailleurs été responsable d’une aumônerie pendant plusieurs années.
J’ai découvert le projet éducatif des Frères Maristes en arrivant à Notre-Dame de Valbenoîte ; j’ai tout de suite été enthousiasmée par ce projet, qui correspondait tout à fait à mon idéal : l’ouverture vers les petits, vers ceux qui ont des difficultés, ainsi que la présence de Marie, tout cela a beaucoup d’importance à mes yeux.

Mettre en œuvre le plus d’actions possibles en direction du groupe

Comment mets-tu en pratique le projet des Frères Maristes ?
Je me retrouve totalement dans l’enseignement de Marcellin Champagnat, grâce, entre autres, au Frère Michel Fatisson, qui me l’a fait mieux connaître.
Par exemple, je n’accepte pas qu’on puisse dire à un élève : « Tu es nul ».
« Être à l’écoute du plus petit » est un acte que je vis au quotidien. Ça ne m’intéresse pas qu’un élève saute le plus haut possible, ni qu’il frappe le plus fort possible dans une balle. L’excellence, en sport, est donnée par les gènes, pas par l’enseignant.
En revanche, aider un enfant ou un jeune à s’accepter soi-même, c’est ce qui m’intéresse dans mon travail.

De quelle manière amène-t-on un enfant ou un jeune à s’accepter lui-même dans le cadre de l’enseignement de l’E.P.S. ?
Je précise tout d’abord que l’Éducation Physique et Sportive a désormais le nom de « Activités Physiques, Sportives et Artistiques » ; c’est ainsi qu’elle inclut par exemple des disciplines comme la danse, le cirque ou l’accro-sport, qui ont une composante artistique.
Par ailleurs, il faut souligner que nous n’évaluons pas des performances, mais des compétences. Au lycée, cela concerne cinq compétences liées aux mesures, à la confrontation avec l’autre (dans le duel), à l’aptitude à travailler en groupe, aux activités artistiques, et enfin à la pleine nature.

La sarbacane, très bon exemple pour vous redonner du souffle…


Quand je repère des élèves qui ont d’excellentes compétences au départ, je leur demande de m’aider dans mon enseignement aux plus faibles, et ils sont alors évalués sur leurs compétences d’entraîneurs.
En tout cas, nous ne recherchons pas la performance pour la performance ; ce qui m’intéresse c’est la façon, ou plutôt les façons de faire. Par exemple, au volley-ball, il existe plusieurs façons d’attaquer l’adversaire ; je cherche à les faire découvrir aux élèves, et à leur faire pratiquer celles qui mettent en œuvre le plus d’actions possibles en direction du groupe, au détriment des actions individuelles.
Autre exemple : le pentabond (saut en longueur en 5 bonds) : il est intéressant que l’élève saute le plus loin possible, mais il est bien plus important encore qu’il prenne conscience de son corps, qu’il soit capable d’élaborer une stratégie, de travailler sur sa concentration.

Comment le problème des handicaps physiques est-il pris en compte en E.P.S. ?
Depuis quelques années, nous avons mis en œuvre des actions visant à faire en sorte qu’il n’y ait plus aucun élève dispensé d’EPS ; le baccalauréat est un examen national, l’EPS y est évaluée, et il ne serait pas normal que le même diplôme soit délivré à des lycéens avec une matière en moins, d’autant que les dispenses d’EPS ont souvent pour origine des certificats médicaux de complaisance.

… et aussi de la précision


Au lycée Notre-Dame de Valbenoîte, nous évaluons donc les élèves qui ont un handicap provisoire ou permanent soit sur la marche pour ceux qui peuvent la pratiquer, soit sur la sarbacane, sport sans aucune contre-indication, qui, de plus, est lié à l’histoire locale, puisqu’à l’origine la pratique de la sarbacane avait été conseillée par un médecin aux mineurs qui souffraient de problèmes respiratoires.

Tu entraînes aussi des lycéens en badminton. La notion de compétition, avec ce qu’elle sous-entend d’agressivité ou de volonté de vaincre l’autre, n’est-elle pas antinomique avec les valeurs chrétiennes ?
Non, car on peut considérer la compétition avec deux états d’esprit différents : on peut vouloir écraser l’autre, bien sûr, mais on peut, au lieu de cela, vouloir se dépasser soi-même.
Au badminton, comme au rugby par exemple, on observe d’ailleurs beaucoup de fair-play entre les équipes, ce qui est, malheureusement, beaucoup plus rare dans un sport comme le foot.
Au badminton, les relations avec l’adversaire sont généralement très cordiales en dehors du match lui-même. La compétition, c’est une des manières de se comporter en tant qu’être humain.

Entrevue réalisée par Ghislaine BRUYAS
(publié dans Présence mariste n°256 Juin 2008)

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