Tarare : L’apprentissage du « vivre ensemble » au collège

Marie-Agnès Berthilier, Bernard Verchère parlent du vivre ensemble au collège. (« Présence Mariste » n°249, octobre 2006)

Madame Marie-Agnès Berthilier, Conseillère Principale d’Education au lycée Notre Dame de Bel Air à Tarare et Monsieur Bernard Verchère, Directeur du collège St Thomas d’Aquin d’Oullins ont amicalement accepté de donner leur point de vue sur le sujet.

Quelle impression générale à Bel Air ?

Le vivre ensemble à Bel Air est plutôt positif, me semble-t-il. Je retiens en particulier un événement. A la veille de Noël, tous les professeurs qui le souhaitaient ont participé à un repas dont le menu était constitué par ce que chacun apportait. Pas question de venir avec des idées, des plans de réflexion, comme c’est l’habitude entre prof. La « confrontation » était gustative, chacun ayant le souci de l’agréable qui ferait plaisir, de la simplicité, mais où l’originalité avait droit de cité. …

Savoir se détendre ensemble

La vie apporte son lot de différences, de convictions qui s’opposent parfois. Il n’est pas facile d’harmoniser et de combiner. Le « vivre ensemble » a besoin de catalyseurs ; la bonne ambiance et la détente sont des éléments efficaces. Cette rencontre m’a prouvé notre volonté de construire notre vie ensemble.

Quel constat global à St Thomas ?

Je reçois des professeurs qui se plaignent de l’agressivité, du manque de respect, des moqueries. J’entends des élèves dire que la moquerie est fréquente à propos des marques de chaussures pas à la dernière mode, des voitures des parents trop anciennes.
Le paraître est si important qu’il engendre parfois le mépris. Le fossé entre le langage des jeunes et des adultes s’accentue. Le rap gagne du terrain. On ne se comprend pas toujours.

Sur le chemin d’Oullins : l’accrobranches

Une journée a été organisée pour faciliter la connaissance et l’intégration des élèves de 6e. Parmi les activités retenues : l’accrobranches qui a permis, entre autres, de mettre tout le monde sur le même pied, y compris celui qui avait ses béquilles. On s’est aperçu que des petits étaient plus habiles que des grands, que tel jeune réservé faisait des commentaires.

Accrobranche : occasion de faire connaissance

Le risque proposé a fait ressortir des qualités : le « vivre ensemble » fonctionnait.
Lorsque l’activité commune enlève la compétitivité, on se fait confiance, on est sur le même pied. Les personnes sont valorisées, la moquerie n’a pas lieu, la fierté de faire la même chose aplanit les rugosités, les oppositions, les faiblesses. L’activité ludique a tissé la paix, le dialogue, l’écoute.

Face à l’échec : le contrat individuel

Lors d’une activité sportive à St Thomas, nous avons été confrontés au manque de respect des règles, à des demandes de dérogation de la part de quelques jeunes.
Nous avons mis en place un accompagnement individuel qui a permis d’aider le jeune à constater les échecs, les analyser et comprendre la nécessité des règles pour bien « vivre ensemble »  ; le langage a repris du sens. La clarté a permis la cohérence.

Tranches de votre vie où vous êtes intervenus

  • Dans une famille, nous avons aidé un enfant brimé par les autres. Nous l’avons aidé à chercher les raisons des brimades, les questions que cela lui posait et à construire une défense juste et argumentée.
  • Avec tel autre parent d’origine étrangère, il a été nécessaire de découvrir la richesse de nos différences pour aboutir à une règle commune, celle de l’Etablissement.

Par le sport : apprendre les règles et se respecter

  • De grands lycéens, à Tarare, ont choisi l’internat en semaine. Ils sont associés par deux ou trois dans un logement. La propreté de l’habitat, la nourriture à gérer, l’espace à organiser, … autant d’aspects qui obligent les jeunes à s’organiser et vivre de concert.
  • En seconde, à Bel Air, nous instaurons le tutorat. Des élèves acceptent d’aider un(e) camarade dans tel ou tel domaine scolaire. C’est une façon d’apprendre à donner son temps, son savoir faire, sa patience, sa fidélité à l’engagement pris.
  • De nombreux clubs sont proposés aux secondes au plan sportif, culturel ou encore pour des apprentissages d’une discipline. L’engagement, l’assiduité, l’autogestion sont nécessaires. On découvre beaucoup de qualités que les programmes scolaires ne font pas apparaître. Vécues dans la détente et la bonne humeur, ces activités sont hautement constitutives de ce qu’il faut pour établir de bonnes relations avec les autres, cultiver le respect admiratif.

Marie Agnès, quels sont vos regrets et
vos souhaits à propos de ce rôle précis de l’école ?

Un de mes principaux regrets est de n’avoir pas assez de temps pour faire le suivi, ne serait-ce que de mesurer la véracité des faits… Je me rends compte que dans beaucoup de situations, j’agis dans l’urgence. Je trouve, si je peux, une solution rapide et immédiate. Il faudrait revoir le jeune plusieurs fois, faire le point ; parfois, être plus catégorique…

Un autre aspect de mes difficultés, c’est l’espace. Je reçois, souvent, les élèves en présence d’autres personnes, je ne suis pas seule dans mon bureau. Le jeune ne peut pas toujours dire librement ce qu’il pense.
Il y a trop d’oreilles pour certaines questions très personnelles.

Une autre difficulté : le refus de coopération du jeune. Des "oui« dans mon bureau sont des »non" dans la réalité. Décider est assez facile, durer l’est beaucoup moins.

Accueillir la différence

Le « vivre ensemble » peut, bien sûr, s’imposer par la force, mais tant que l’on ne passe pas sur le terrain du « vouloir » et de la décision personnelle, de l’acceptation des différences de point de vue, de l’acceptation de soi-même, on reste sur le chemin du permis/défendu, du « pas vu - pas pris » ou de l’autorité qui impose la loi.

En feuilletant le Bulletin Officiel de l’Education Nationale

En parcourant le B. O. de l’Education Nationale, je note que l’éducation civique - devenue « vivre ensemble », en 2002 - est l’affaire de tous les membres d’une institution scolaire ; toutes les disciplines sont concernées.
L’éducation à la citoyenneté, l’apprentissage du « vivre ensemble » s’appuient sur l’idée que « l’on ne naît pas citoyen mais qu’on le devient ».
Les actions entreprises doivent favoriser « la formation d’un citoyen responsable, autonome, capable d’exercer une pensée critique dans la vie de la cité ». Il s’agit d’aider les jeunes à devenir des adultes libres, autonomes et acteurs. L’acceptation et le respect de l’autre permettront le « savoir-vivre ensemble ».

Les programmes tracent les lignes qui invitent les jeunes à réfléchir à des questions telles que : exercice de la citoyenneté et devoir du citoyen, justice, égalité, construction de l’Europe et du monde.

Au plan religieux, il sera nécessaire de prendre toute la dimension de l’égale dignité de tous et de garantir la liberté d’exercice. Pour lutter contre l’intolérance, on apprendra à connaître l’autre, ses coutumes, sa religion. La laïcité ne se conçoit pas sans une lutte déterminée contre toute forme de discrimination. Elle suppose une meilleure connaissance réciproque.

Propos recueillis par Frère Albert DUCREUX

(Publié dans « Présence Mariste » n°249, octobre 2006)

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