La démocratie au cœur de nos pédagogies

La question de la démocratie par l’apprentissage lui-même. Que l’élève devienne autonome et responsable de sa formation (Présence Mariste N° 271, avril 2012)

Que ce soit dit : l’école n’est pas une démocratie ! Mais c’est un lieu où l’on s’éduque à la démocratie… Certes, dans tous les collèges, on forme les élèves délégués, et leurs électeurs pour le moment des élections ; ces délégués participent aux conseils de classe, ils organisent la vie de la classe, et prennent la parole dans les conseils d’établissement. Cette socialisation de jeunes est un objectif reconnu de tous les établissements scolaires.
Mais qu’en est-il avec cet autre objectif traditionnel de l’école qu’est la transmission des savoirs ? Que se passe-t-il au cœur même de l’acte d’enseigner ? Et pour les élèves, au cœur de l’acte d’apprendre ? Nos pédagogies forment-elles à la démocratie ?

[fuchia]Principes de réflexion sur la formation à la citoyenneté[/fuchia]

L’éducation se définit comme le passage de l’individu, entité solitaire, à la personne, être en relation. « L’individu se constitue par un mouvement de repliement sur soi, d’affaissement et de séparation, la personne au contraire par un mouvement d’ouverture aux autres, de dépassement et de communion. » (Emmanuel Mounier)

Jean Baptiste disait : « Lui, il faut qu’il grandisse, et moi que je diminue ! »

La démocratie donne les règles de ce passage : je dois aller jusqu’à renoncer à une partie de moi-même, pour faire mienne l’idée de l’autre exprimée par la majorité… pour un bien commun…

[fuchia]Au cœur de la pédagogie, quels sont les lieux et les moments où cette formation est possible ?[/fuchia]

Nous avons rencontré deux responsables lyonnais de l’enseignement catholique : Alain ROSAZ, ancien directeur de Saint Louis de la Guillotière et du Collège de la Xavière à Vénissieux, actuellement chargé du projet de création d’un nouveau collège à Saint Priest, et Michèle MAZOURENOK, directrice actuelle du Collège Saint Louis de la Guillotière. Tous les deux sont passionnés par cette question de l’éducation à la démocratie par l’apprentissage lui-même. Voici ci-contre quelques échos de cette rencontre, qui ne relèvent que quelques aspects des deux projets éducatifs… (articles ci-dessous)

[fuchia]Et dans nos établissements maristes ?[/fuchia]

Il serait bien que notre prochain numéro prolonge ce dossier par une longue liste d’exemples d’éducation à la citoyenneté, issus du cœur de nos projets éducatifs et de nos pédagogies.

Le travail en binôme très développé à Bourg-de-Péage

L’apprentissage à la démocratie par des pratiques d’apprentissage collectives

Dans le projet du futur collège La Xavière à Saint Priest, l’approche du savoir passe par « l’engagement de la personne de l’élève au sein d’un groupe de socialisation, car le »je comprends" résulte alors d’un travail tourné vers un projet commun, véritable apprentissage à la citoyenneté, et ciment de la mixité sociale." Voilà, tout est dit, mais il faut à présent le faire…

La variété de l’organisation du travail (travail personnel seul, travail en binôme, travail en groupe de quatre, travail en classe complète, cours magistraux à plusieurs classes…) vise toujours le même principe : la restitution de mon travail au groupe…

Le travail en groupe, démarche formative

Tout pédagogue s’est un jour trouvé confronté à la gestion difficile des groupes de travail… Comment garantir l’arbitrage entre des propositions différentes, le travail égal de chacun, les conflits de leaderships, ou éviter la mise en retrait de l’un ou l’autre des membres ? Comment passer de la rivalité à la coopération ? De la concurrence à l’émulation ? Du désir de gagner au plaisir de participer ? Du productivisme du seul résultat à la démarche formative ? Du leadership sauvage à la représentativité ?

N’est-on pas en face des interrogations mêmes de la démocratie ? Apprendre à choisir à plusieurs ! Quelquefois à l’encontre de ses propres propositions : quel sujet, quel plan, quelle partie traiter, qui parle ? Apprendre à renoncer éventuellement à une partie de soi-même pour faire sienne la parole de l’autre.

C’est bien lorsqu’il est confronté à des situations pertinentes, en élaborant des solutions et des réponses, dans la confrontation avec des idées différentes, que l’élève construit sa capacité à écouter, à comprendre, à critiquer, à se faire une idée, pour fabriquer son propre savoir.

La vie de classe à Saint-Louis de la Guillotière

C’est là qu’il se forme à la démocratie. Elle n’est pas l’objet d’un savoir, elle est dans l’acte d’apprendre lui-même, elle est dans la construction du savoir !

L’élève autonome et responsable de sa formation

Au Collège Saint Louis de la Guillotière, là aussi, l’éducation à la démocratie est poussée très loin. Le secret : le regard qui est porté sur l’élève l’est sur l’adulte qu’il sera dans 15 ans ! Professeur, je ne pense pas à la place de l’élève, je le rends autonome et responsable de sa formation, en quête d’outils de compréhension et de compétences plus que de connaissances. Et je paye de ma personne : pas de déphasage entre le dire et le faire, cohérence et vérité, écoute de la parole de l’élève …. Ne vient-on pas de donner les caractéristiques d’une véritable démocratie ?

Le reste n’est que conséquence :

 le choix des professeurs : eh oui, l’élève va pouvoir choisir l’approche pédagogique, et le cas échéant, le professeur, qui lui semble le plus convenir à sa progression.
 les temps de parole institutionnalisés : si l’on veut que l’école soit l’affaire des élèves – la res-publica -, il faut bien qu’elle leur assure des temps d’échanges pour réguler leur vie sociale, et proposer des améliorations pour la rendre plus agréable.
 le déplacement des matières : à chacun son rythme, à chacun son parcours d’apprentissage…Tout au long de l’année, une véritable éducation aux choix est mise en œuvre afin que l’élève choisisse.
 et même… la disparition des notes chiffrées. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a plus d’évaluation du travail des élèves ; mais c’est la cohérence poussée jusqu’au bout : compétences, implication et compréhension, autant que l’acquisition des connaissances sont au centre de cette évaluation.


Michel DUCHAMP
(Publié dans Présence Mariste N° 271, avril 2012)

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