St-Pourçain/Sioule : Chef d’Etablissement : la profonde mutation d’un « métier »

« C’est en 1982 que m’a été confiée la direction d’un collège … Depuis lors, je n’ai jamais regretté d’avoir tenté si passionnante aventure. »

C’est en 1982 que m’a été confiée la direction d’un collège de huit classes près de Clermont-Ferrand. C’était en pleine tourmente politique.
C’est dans ce contexte que j’ai franchi le cap, innocence et foi de la jeunesse.
Depuis lors, je n’ai jamais regretté d’avoir tenté si passionnante aventure…
Cet article sur la mission d’un Chef d’Etablissement se limitera à l’approche de l’évolution de cinq pistes significatives qui ont marqué ce quart de siècle.

La gestion

Elle doit être moderne et rigoureuse. Le choix des membres siégeant dans les OGEC (Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique) est le ressort essentiel qui permet de mobiliser un groupe désintéressé dans une aventure commune au service de la Mission.

M. Portefaix félicitant Annie Girka
lors de son départ de l’établissement

Combien de fois ai-je admiré cette complicité confiante à instaurer avec le Président d’OGEC qui doit être assuré que les comptes sont en règle, les factures et charges payées, les réparations faites, les conventions collectives respectées, les 35 heures bien appliquées, et les salles balayées…

Le Chef d’établissement est aujourd’hui, par délégation, le directeur d’une entreprise dans toute sa complexité.

La Formation et la Représentation

Théoriquement, aujourd’hui on n’apprend plus sur le tas. Après une période de réflexion, les futurs cadres de l’Enseignement Catholique sont envoyés en formation. Et les Chefs d’Etablissement en exercice bénéficient de modules de formation continue.

La représentation… Combien de fois entend-on cette ritournelle : « Il est encore absent. » Humour ! Ces réunions mènent à la Direction Diocésaine, au syndicat, à la Tutelle, à l’Inspection Académique, au Rectorat, aux collectivités territoriales, à des organismes divers liés à l’Enseignement Catholique (ADDEC, UDOGEC, UDAPEL, FORMIRIS…).

C’est le travail, le devoir du Chef d’Etablissement d’y aller. C’est au cours de ces rencontres que se prennent des décisions, que s’échangent des pratiques, que se mettent en place des stratégies, que se mutualisent des moyens, que se créent aussi des liens qui donnent ce sentiment d’appartenance à ce corps vivant qu’est l’Enseignement Catholique. Chaque établissement ne vaut et ne vit que par les autres.

Les élèves et les parents

Les gens venaient chez nous par tradition religieuse, par choix de rigueur éducative, pour la qualité de l’enseignement.
Or, en trois décennies, n’est-on pas passé de la confiance absolue à la confiance relative ? Moins de 10 % des élèves sont aujourd’hui dans l’Enseignement Catholique par pure conviction religieuse. Effet Zapping !

Nécessité pour le chef d’Etablissement de maintenir
les installations en bon état

De plus, les parents paient et veulent des résultats. On met trop souvent en avant la notion de droits plutôt que la notion de devoirs.
Le parent ne deviendrait-il pas client, se dédouanant de sa responsabilité première dans l’acte éducatif ?
Le juridisme ne s’immiscerait-il pas dans des situations où le seul bon sens devrait l’emporter ?
Ne laisserait-on pas accroire que tous les enfants sont identiques : on a supprimé des filières et on s’interroge aujourd’hui sur la pertinence de l’apprentissage à 15 ans.
N’a-t-on pas tendance à donner aux enfants tout ce qu’ils veulent sans efforts ni sacrifice ?
N’est-ce pas parfois trop facile ?
N’est-il pas illusoire de les armer ainsi pour affronter les rigueurs de la vie ?
Pourquoi vouloir octroyer aux enfants les mêmes droits qu’aux adultes ?
Où sont les limites ?

Il faut instaurer des lieux d’écoute et de dialogue afin de maintenir une qualité de relation avec les parents. La notion d’école des parents est significative des dérives amorcées. Mais il faut souligner le formidable et continuel travail réalisé par les Associations de Parents d’élèves qui œuvrent vaillamment pour des exigences éducatives en lien très étroit avec les projets des établissements au service de la tolérance, du respect, de la qualité ; en un mot du vivre ensemble l’apprentissage de la citoyenneté.

La Pédagogie

Cette notion recoupe aujourd’hui la prise en charge globale d’un élève sur la totalité du temps passé à l’école. Il faut veiller à la formation continue des personnels, à l’uniformité des comportements éducatifs en lien avec les objectifs fixés, à une constante approche de la qualité professionnelle, à susciter l’implication de tous les adultes (danger de quelque fonctionnarisation rampante…), à encourager ceux qui, nombreux, sans compter leur investissement, loin de gémir face à la tâche, assument loyalement une mission difficile. Là, c’est une nouvelle facette du métier de Chef d’Etablissement : accompagner.

La Pastorale

C’est la Mission essentielle. Dans le respect de la liberté de conscience, c’est la volonté de porter un témoignage et de proposer des temps de catéchèse, de réflexion ou de culture. C’est faire émerger et vivre une communauté chrétienne ouverte, authentiquement visible. Cela passe par une relation forte avec le tissu paroissial, l’installation d’aumônerie et d’animateurs en pastorale.
Là, l’évolution est capitale : tout a été à négocier, à inventer, à mettre en œuvre.
Et aujourd’hui : il faut sans cesse innover, s’adapter…

Grandeurs et servitudes du métier

Discipline, soutien, aide, exemple, accoucheur d’idées, technicité, justice, équité, capitaine, écoute, bienveillance, exemple, polyvalence, respect, disponibilité… liste non exhaustive de ce que l’on attend d’un Chef d’Etablissement !

En un quart de siècle, ce métier a bien changé. Il comporte de nombreuses facettes et ne connaît jamais l’ennui. Charme de la diversité. Mais il faut bien doser et réguler ces diverses activités pour préserver le temps de la réflexion et d’un équilibre de vie personnelle et familiale.

Beaucoup de sujets abordés dans cet article ne se posaient pas ou étaient posés différemment il y a 30 ans. La fonction était alors assez fermée : chacun se débrouillait dans son coin : « individualiste ».

Aujourd’hui, cette lourde responsabilité (qui engage l’avenir des autres) est avant tout personnelle mais elle s’assume dans un cadre de collégialité et de mutualisation d’idées et de moyens. Ainsi se sent-on moins seul quand il faut agir !

J’ai toujours souhaité garder des heures d’enseignement ; cela évite de devenir trop facilement chef d’entreprise, cela permet de garder le contact avec les enfants et de partager le quotidien des éducateurs.
Choisir d’être Chef d’Etablissement, c’est partir sur un « chemin de Damas », jalonné de certitudes, parfois, et de doutes, souvent. Et, soudainement, illuminé. Puis, constamment éclairé par ces mots de Paul Malartre, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique : « Passion d’Eduquer, Raison d’Espérer ».

Jean Luc PORTEFAIX

Quelques sigles

  • ADDEC = Alliance Des Directeurs de l’Enseignement Chrétien
  • UDOGEC = Union Diocésaine des Organismes de Gestion de l’Enseignement Catholique
  • UDAPEL = Union Départementale des Associations des Parents d’Elèves de l’Enseignement Libre.

(Publié dans « Présence Mariste » n°249, octobre 2006)

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