Comment j’essaie d’éduquer à la civilité

Le témoignage intéressant d’un éducateur en aumônerie

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Frère Jean Louis Vialaton est aumônier dans un collège-lycée public de St-Etienne depuis de très nombreuses années. Il nous fait part de ses réflexions à partir de son expérience auprès des jeunes. Son point de vue d’éducateur en aumônerie constitue un point de vue original sur l’éducation à la civilité.

Manque d’éducation… Il semble que depuis quelques années, l’« éducation à la collectivité » laisse à désirer. Cela se manifeste par un sans-gêne inimaginable il y a encore une dizaine d’années.
En gros, seul l’individu a de la valeur. Ce qu’il ressent sur le moment fait office de loi ou de théologie ! Comme le sentiment… on se retrouve souvent dans des impasses ! On peut appeler cela de l’individualisme bien sûr, mais c’est bien plus qu’un défaut … c’est hélas un effet culturel.
On ne mesure pas suffisamment la portée de la révolution culturelle engendrée par l’utilisation du portable… Tous les éducateurs sont en guerre contre cet outil très utile lorsqu’il favorise la communication ! C’est aussi un excellent moyen d’excommunication ! De mise à l’écart, de dispersion tous azimuts… et de sans-gêne exaspérant !

La première attitude, qui me semble évangélique, c’est d’accueillir sans broncher, d’écouter et de faire discerner la source d’eau fraîche de cette pollution organisée ! Toujours prendre un peu de recul, pour ne pas réagir sur le même mode : celui du ressenti !
St Bernard disait : « Ce que tu fais, crie plus fort que ce que tu dis ! » La provocation dans le comportement « Je braille donc j’existe ! » « Je fais du bruit donc j’existe » etc.
Réagir au quart de tour ne mène à rien de constructif : si je marche dans le sens de mon vis-à-vis, nous allons vite tourner en rond ! Plutôt chercher la signification de cette attitude. Il m’est arrivé souvent de dire à un jeune : « Comment tu fais pour être aussi odieux ? » Volontairement, je n’ai pas commencé la phrase par « Pourquoi ». La conversation qui a suivi, était souvent intéressante !

Il y a aussi des gestes et des paroles qui sont des cris, des appels au secours : « Qu’est-ce que je pourrais bien inventer pour montrer que j’existe ?… »

Quand un jeune devant le collège se montre agressif sans raison, je lui fonce dessus, pour lui serrer la main en lui disant : « Alors chef, ça va comme tu veux ? » Le résultat n’est pas toujours extraordinaire, mais je marque un point : pas question de me laisser entraîner sur son terrain ! Les jours suivants, le sourire est au rendez-vous. Il voulait que je fasse attention à lui : c’est fait, mais pas avec ses manières !
Montrer qu’on n’est pas dupe, qu’on a compris le message, que celui qui est en face de moi existe et qu’on s’intéresse à lui ! Changer de conversation, s’intéresser à son quotidien. Et toi, comment vas-tu ?
Chercher toujours à entrer en relation avec le JE du jeune !
Pas avec sa périphérie !
Si l’on veut être respecté, même dans la pire des situations, pratiquer le respect !

Souvent des jeunes m’abordent d’une façon agressive. Ma réaction est déterminante ! Si un gamin revient, même après un premier contact qui a été dur, ça montre qu’il se sent accueilli et respecté. Sinon il fuit ! C’est le principe de l’éducation de rue : la libre adhésion.
Ensuite, il devient possible de se parler, d’écouter et d’être écouté ! Pas pour faire la morale, mais pour donner son point de vue d’adulte. « Moi je pense que… » ou alors « À ta place, j’essaierais ceci !… »

Aux prochaines rencontres, s’intéresser à la suite des événements : « Tu comptes pour moi, je m’intéresse à toi ».

Frère Jean Louis VIALATON
(paru dans Présence Mariste N° 265, octobre 2010)

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