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Reconstruire

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« Notre maison a offert son toit en 2000, à des personnes en grande difficulté. Notre projet, en plus de l’accompagnement personnel affectif et social, voudrait permettre une remobilisation scolaire pour les plus en difficulté, en s’appuyant sur des méthodes éducatives à pédagogie alternative. » (Présence Mariste n°287, avril 2016)

Certains jeunes vivent des situations familiales dramatiques. Reconstruire leur personnalité et trouver la place dans la société prend du temps. Parmi les possibilités offertes à ces adolescents, souvent en rupture scolaire, l’existence de lieux de vie où ils se retrouvent en petits groupes accompagnés par une association reconnue, est une chance.

C’est par Gwendoline que j’ai découvert Roche-Lentier, la maison du couple Badet, à Vernoux qui est la base d’un « lieu de vie ». Gwendoline a participé en 2011, avec une dizaine d’autres lycéens du Cheylard, aux JMJ de Madrid.
Roche-Lentier accueille actuellement 7 jeunes filles de 14 à 21 ans. Quelques-unes suivent les cours aux lycées, général ou professionnel ou en apprentissage, les autres vivent leur scolarité sur place avec des intervenants en matières générales, langues, techniques professionnelles et sports.

Les débuts de l’aventure

Logo du « lieu de vie »

“Cette ancienne ferme, nous l’avons acquise en 1995. Après 20 ans d’activité intensive comme chefs d’entreprise, mon mari Philippe et moi, avons cherché le calme, tout en continuant le développement de notre activité. Ce lieu isolé au milieu des bois et des prairies semblait adapté pour aider Céline, notre fille à réaliser son rêve de moniteur équin. Restaurer la partie habitable nous a pris un certain temps.

Suite à un appel du Service de Probation, nous avons mis le pied dans le milieu social. Cette demande nous a interpellés. Nous étions heureux de pouvoir partager et offrir à d’autres la possibilité de s’épanouir, de se reconstruire dans un environnement calme et structurant.

« Les conditions d’accueil réalisées, notre maison a offert son toit en 2000, à des personnes en grande difficulté (primo-condamnés envoyés par les SPIP des départements voisins, jeunes toxicomanes par l’association Tempo et femmes victimes de maltraitance). En 2002, nous créons l’association USHAS (Unité de Services Humanistes et Associatifs de Savoir) qui cible plus le monde des adolescents. En 2006, nous obtenons l’agrément : lieu de vie pour 4 places. En 2009, on passe à 6 et, selon l’objectif final, en 2013, une capacité de 7 accueillis. »

Quels sont vos rapports avec l’administration ?

« Tout d’abord, l’admission dans notre lieu de vie se déroule en plusieurs étapes :

  • Prescription des jeunes par diverses instances référentes : services de prévention, éducateurs, assistantes sociales, maisons des solidarités, protection de l’enfance, juges pour enfants, etc.
  • Envoi du dossier complet par le référent (dossier scolaire et médical).
  • Après avis favorable de l’équipe éducative, rencontre du jeune dans son environnement afin de lui présenter le site et faire le point sur ses attentes et motivations.
  • S’il y a acceptation des deux parties, accueil du jeune sur le lieu de vie avec son référent, afin de finaliser le projet individuel d’accueil. Une période probatoire de trois mois est proposée au bout de laquelle un bilan est fait pour évaluer la pertinence du prolongement du séjour.
    Pour les jeunes en échec scolaire, une scolarité interne est prévue sur place.

Nos liens sont constants avec les services Enfance et Famille du Conseil Général et les services de Protection des mineurs qui nous confient ces jeunes. Pour chacun, il y a une évaluation régulière des progrès et un suivi psychologique. Notre projet, en plus de l’accompagnement personnel affectif et social, voudrait permettre une remobilisation scolaire pour les plus en difficulté, en s’appuyant sur des méthodes éducatives à pédagogie alternative.

Pour cela, nous sommes dans la démarche d’une formation au CAP jardinier-paysagiste car l’environnement de notre maison le permet. Une personne compétente est en cours de recrutement.? »

Les jeunes parlent-ils de leur famille ?

“C’est un sujet très délicat… Souvent le passé leur a laissé un goût amer. Pourtant, ils ne supportent pas que d’autres le dénigrent. Actuellement, tous ceux qui sont ici appartiennent à des familles monoparentales. À nous de leur faire comprendre que, plus tard ils auront une famille et devront, à leur tour, jouer le rôle de parents.

Dans notre projet éducatif, associer la famille est une nécessité. On a besoin d’eux pour remplir notre mission. Suivant les cas, les jeunes retrouvent leur famille ponctuellement ; les travailleurs sociaux jouent le rôle de médiateurs. Il est fort de constater, qu’un jour ou l’autre, dans pratiquement 95% des situations, tous ces jeunes reviennent vers leurs familles. Si le lieu de vie n’est pas une famille d’accueil, il instaure un climat familial dont la longévité et l’équilibre de notre couple est garant de cet esprit.?

Se ressourcer auprès des animaux
Photo MMme Badet

La vie au quotidien

“En plus des membres de l’équipe éducative, nous avons une “maîtresse de maison ? qui prépare de bons petits plats (c’est important !) et réalise l’entretien pour la bonne marche de la maison.

L’ambiance du groupe est capitale, même si, parfois, il faut savoir gérer quelques tensions inévitables. Des voyages et des sorties culturelles permettent à tous de refaire l’unité. C’est vrai qu’il m’est arrivé d’entendre : “Tu n’es pas ma mère !” … Il faut du temps pour s’apprivoiser. Les plus anciens peuvent aider les nouveaux à s’intégrer au groupe.
Notre vie de couple, 24 h sur 24, souvent dans l’urgence, souvent au téléphone pour résoudre un problème, est intimement liée à tout ce que vivent les jeunes. Philippe, mon mari, passe beaucoup de temps sur les routes pour les accompagner. Nous avons choisi cette forme de vie et ne regrettons rien, soutenus en cela par la foi en Dieu et l’espérance que chacun découvre sa voie. Dans notre association, nous sommes soutenus aussi par le P. Jean-Marie Petitclerc, membre actif. Il nous apporte aussi son charisme et sa foi.

Fernand de Ligny, qui a été un initiateur dans ce domaine éducatif, n’écrivait-il pas :
“Si tu ralentis, ils s’arrêtent… Si tu t’assois, ils se couchent… Si tu critiques, ils démolissent… Si tu doutes, ils désespèrent… Si tu te laisses faire, ils te méprisent… Si tu marches devant, ils te dépasseront… Si tu donnes la main, ils donneront leur peau… Si tu pries, ils deviendront des saints… ?”

Alors, pourquoi tout cela ?

« Pour l’Amour de ces jeunes. Cette force qui est en nous, n’est pas là par hasard. Nous-mêmes, nous ne la comprenons pas. N’est-ce pas la force de l’Esprit ? Notre action est confortée par ces appels téléphoniques plusieurs années après, qui viennent sonner pour dire leur réussite dans la société ou pour un nouvel appel au secours. Ils savent nous dire que ces moments passés au sein de la nature a été pour eux un repère important. »

Un grand Merci à Philippe et Brigitte Badet pour cette belle rencontre.

F. Jean Montchovet
(Publié dans « Présence Mariste » n°287, avril 2016)

P. Jean-Marie Petitclerc

Père Jean-Marie Petitclerc

Né en 1953, le P. Jean-Marie Petitclerc est salésien, la congrégation religieuse fondée par Don Bosco spécialement pour l’éducation. Lui-même éducateur de rue à Argenteuil, il a engagé sa vie au service des jeunes en difficulté : "J’ai suivi mon désir d’annoncer cette bonne nouvelle de l’Évangile aux jeunes”.

Depuis 30 ans, il partage son quotidien dans les quartiers difficiles de la région parisienne, où il veut être un homme d’espérance : “Je crois à la graine d’espérance semée au cœur de tous. Chaque jeune qui souffre est pour moi visage du Christ dont je sais la Résurrection après la Passion.”

Polytechnicien, il a été invité à 54 ans, en 2007, à travailler au sein de la politique de la ville, “pour ses compétences et sa connaissance des quartiers en difficulté et de la jeunesse”.

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