Un autre islam ?

Paul BISSARDON, Frère Mariste, est engagé depuis 13 ans dans le dialogue islamo-chrétien. Un autre regard qui « fait du bien » à entendre… ( Présence Mariste n°274, janvier 2013)

Sans en avoir reçu la mission, je ne me serais pas engagé dans le dialogue entre chrétiens et musulmans. À Mulhouse, en 2000, il m’a été demandé d’instaurer ce dialogue. Nos premières rencontres ont été des visites de nos lieux de culte respectifs. Les musulmans sont venus dans nos églises et temples, nous nous sommes rendus dans leurs lieux de prière. Ces visites ont été des mines de questions soulevées, d’explications, d’échanges. J’ai vite observé que le dialogue m’amenait à réfléchir à ma propre foi, à l’approfondir.

Gaïc

Cherchant à m’appuyer sur une structure, j’ai choisi de travailler en lien avec le Gaïc  : Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne. Je souligne le mot « amitié » car le Gaïc privilégie la relation.

Une musique différente mais une recherche d’harmonie
fr Paul Bissardon

Dans la société, Chrétiens et Musulmans sont affrontés aux mêmes problèmes : l’éducation des enfants, la transmission de la foi et des valeurs culturelles, la vie en société, la santé, l’emploi…
Voilà le terrain où le dialogue peut s’établir entre personnes qui, avant d’être croyantes, habitent une même cité, un même pays et entendent apporter leur contribution au mieux vivre ensemble.

Ayant perçu les enjeux, du dialogue, j’ai souhaité le poursuivre à Paris où j’ai découvert une autre réalité. Le Gaïc à Paris comporte beaucoup d’ateliers.

J’évoque plus longuement l’un d’eux, appelé « Itinéraires spirituels » . Un musulman, un chrétien sont invités à dire comment leur foi a grandi, s’est nourrie, développée. Quand chacun a terminé son témoignage, il y a dialogue entre les deux témoins :
« Dans ce que tu as exprimé voilà ce qui m’a particulièrement marqué. »

Suit un échange avec l’assistance et l’animateur veille à ce qu’il n’y ait pas de comparaison. Cet atelier caractérise le dialogue qui peut exister entre croyants de religions différentes. Écouter sans juger, sans exprimer le désir de ramener l’autre à son point de vue. Véritables témoignages où la foi de chacun s’enrichit, se conforte.

Pas l’Islam des médias

Entendant alors les informations, les médias, les réflexions autour de moi, j’ai le sentiment de débarquer d’un autre monde.
« Vous dialoguez avec les musulmans ? Regardez ce qui se passe pour les chrétiens, dans les pays où ils ont le pouvoir. Regardez la situation de la femme musulmane. Ceux qui pratiquent le dialogue sont des naïfs. »

Il m’arrive de m’interroger sur le bienfondé de mon engagement dans le dialogue. Et si je m’étais engagé sur une mauvaise piste ? Peut-être ont-ils raison ? Il y a du vrai dans ce que j’entends. Faut-il poursuivre ?

Amitié avant tout
fr Paul Bissardon

Alors j’appelle au secours.

Le Concile a produit un document particulier sur le sujet. Lors de son récent voyage au Liban, Benoît XVI s’est adressé aux jeunes musulmans présents aux côtés des jeunes chrétiens :
« Il faut que l’ensemble du Moyen-Orient, en vous regardant, comprenne que les musulmans et les chrétiens peuvent vivre ensemble sans haine dans le respect des croyances de chacun pour bâtir ensemble une société libre et humaine ».

Si je suis naïf, je ne suis pas le seul. Des personnes ont donné leur vie pour avoir, coûte que coûte, voulu maintenir le dialogue : F. Henri Vergès, Mgr Claverie, les moines de Tibhirine… et bien d’autres… Alors je continue.

F. Paul BISSARDON
(Publié dans « Présence Mariste » n°274, janvier 2013)

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