La vie mariste aujourd’hui, en Afrique.

Fr. Théoneste Kalisa donne son point de vue sur plusieurs aspects de la vie mariste en Afrique. (« Présence Mariste » n°236, juillet 2003)

Frère Théoneste Kalisa est originaire de la République démocratique du Congo. Au dernier Chapitre Général de 2001, il a été élu au Conseil Général des Frères Maristes. Il est le premier Frère africain à occuper ce poste.Nous le remercions de donner son point de vue sur plusieurs aspects de la vie mariste aujourd’hui, en Afrique.

Fr. Maurice Goutagny : Spontanément, peux-tu donner quelques signes manifestant que nos Frères africains se prennent en charge ?

Fr. Théoneste Kalisa : Quelques signes évidents, pour moi de cette prise en charge de la vie mariste par les Frères africains : la joie et l’optimisme de voir la connaissance mutuelle s’approfondir entre Frères africains. C’est aussi une nouvelle génération de Frères bien formés qui de plus en plus assument les services de l’autorité et de la formation dans les unités administratives. C’est encore la consolidation des structures de dialogue entre les Frères africains. A ce propos, je veux citer la Conférence des Supérieurs du Continent africain qui s’affirme comme un lieu de réflexion, de partage et d’orientations commun.

Fr. Kalisa (à gauche) en compagnie de Fr. Seán Sammon,
Nairobi, octobre 2002

F. M. G. : Suite à la restructuration, les nouvelles unités administratives maristes ont engagé de nouveaux chantiers. Est-il possible donner l’un ou l’autre exemple qui montre qu’il y a comme une mobilisation nouvelle, un souffle nouveau ?

F. Th. K. : Actuellement, les nouvelles unités s’attèlent plutôt à la consolidation et à la réflexion sur les éventuelles restructurations internes. Toutefois il y a des signes tangibles d’un souffle nouveau, une nouvelle mentalité.

Au Congo, les Frères s’ouvrent beaucoup plus à l’éducation et à la formation non scolaire. Les après-midi, nos écoles se transforment en centres des jeunes et accueillent les non scolarisés pour toutes sortes d’activités.
Depuis la destruction de l’école de Goma par l’éruption volcanique, les Frères veulent créer un centre qui offre aux jeunes l’apprentissage des petits métiers et les loisirs utiles.

Au Rwanda, les Frères se sont lancés dans l’expérience de la pastorale des « enfants de la rue ». Ces enfants sont très nombreux dans les villes et leur nombre, toujours croissant, est un appel urgent de la société et une préoccupation majeure de l’Eglise locale. La modeste contribution des Frères du Rwanda est un pas décisif vers un grand apostolat de l’avenir.

Les jeunes Frères montrent un grand esprit missionnaire. Une des caractéristiques de la vie mariste sur le continent africain c’est la dispersion géographique. La restructurations des unités maristes fait connaître les faiblesses de certaines d’entre elles et leurs difficultés à survivre sans la solidarité des autres. L’enthousiasme missionnaire qu’on observe chez les jeunes est une réponse à cette situation difficile.

F. M. G. : Quand nous regardons la vie mariste en Afrique, nous sommes frappés par les immenses défis. Y a -t- il deux ou trois défis que la vie mariste va devoir affronter ?

F. Th. K. : Le premier défi, c’est la possibilité de répondre aux appels de la jeunesse. La jeunesse africaine est nombreuse et ses besoins sont immenses, variés et urgents.

En Afrique, les Frères doivent apprendre à travailler en milieu social troublé et bien souvent à haut risque pour la vie des Frères. Plusieurs pays d’Afrique sont en situation de conflit armé, d’autres sont sur le point de l’être. Les premières victimes sont toujours les jeunes. Comment préparer les jeunes Frères pour ce genre de situation ? Quel type d’apostolat peut-on exercer dans un tel contexte ? Autant de défis pour la vie mariste en Afrique.
Il y a aussi le défi des sectes.

Trois Frères étudiants au M.I.C. (Marist International Center)

F. M. G. : Parlons un peu maintenant de la formation des Frères. Quels sont, d’après toi, les points faibles et les points forts de cette formation ?

F. Th. K. : La faiblesse de la formation en Afrique c’est, je pense son caractère désincarné. La formation continue à être calquée sur un modèle conçu sans aucune référence aux réalités locales de l’Afrique. Je crois que le style vie dans les maisons de formation doit changer et que le contenu des cours doit être davantage orienté vers les réalités africaines.
La formation devra insister davantage sur le témoignage et les responsabilités spécifiques du consacré Mariste en Afrique. Pour ce qui est des forces de la formation, je soulignerais que les formateurs sont mieux préparés que dans un passé encore récent. Les Supérieurs Provinciaux, et les Frères en général, comprennent et acceptent que les formateurs aient besoin de formation et qu’il faille consentir à des sacrifices pour cela. Une autre force c’est la restructuration des maisons de formation. En ramenant les noviciats à trois et les scolasticats à un seul sur tout le continent africain, elle a permis de grouper le personnel de formation et d’offrir les meilleurs formateurs de chaque unité à tous.

F. M. G. : La vocation mariste, comme toute vocation, a besoin de solidité. Quels sont selon toi les points d’appui pour un bon enracinement de la vocation mariste en Afrique ?
Quels sont les motifs d’espoir pour la vie religieuse mariste en Afrique ?

F. Th. K. : Les points d’appui, c’est avant tout un bon choix des candidats et une formation sérieuse tant initiale que continue. Au niveau du recrutement, nous avons besoin de jeunes humainement équilibrés, généreux et qui aient un sens de la réalité religieuse. Plus tard, notre formation doit leur offrir le défi dont il ont besoin pour grandir et se dépasser pour Jésus Christ. Les éléments de formation dans les cultures traditionnelles africaines doivent nous inspirer afin que nous puissions avoir des personnalités religieuses maristes vraiment africaines.

Les motifs d’espoir de la vie religieuse mariste en Afrique sont grands. Les Eglises d’Afrique sont vivantes et engagées. Les jeunes sont nombreux à répondre à la vocation religieuse. Les champs d’apostolat, notamment les besoins en éducation chrétienne, sont immenses. En plusieurs endroits de l’Afrique ceux qui connaissent le Père Champagnat se disent :
« S’il était ici il dirait : Il nous faut des Frères ; il refonderait l’Institut. »

Frère Théoneste KALISA
(Propos recueillis par Frère Maurice GOUTAGNY)

(Publié dans « Présence Mariste » n°236, juillet 2003)

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