Quand l’étranger frappe à nos portes… !

Réflexions sur l’accueil de l’étranger. (« Présence Mariste » N° 258, janvier 2009)

« Voici, au dedans de toi, tous les princes d’Israël usent de leur force pour répandre le sang ; au dedans de toi, l’on méprise père et mère, on maltraite l’étranger, on opprime l’orphelin et la veuve. » (Ez 22, 6-7 )

Ce titre est emprunté au document important des Évêques de France [1], daté de 2004, ainsi que le contenu des réflexions. Il nous situe d’emblée dans une dynamique de réflexion sur les étrangers qui frappent à nos frontières, celle de l’Europe, de la France.

C’est aussi l’étranger qui frappe à la porte de nos villes et de nos maisons, sans oublier celui qui frappe à nos volets et qui s’appelle le Christ.

Nos portes resteront-elles fermées ?


"Voici que je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi… » (Ap : 3, 20)

Il est bon de réfléchir et voir ce qui se passe aujourd’hui dans nos sociétés. Est-ce que j’entends frapper ? Et qui frappe ?

RÉFLÉCHIR ET REGARDER AVEC COMPASSION

L’immigration reste un sujet très présent au cœur du débat politique et social. Cependant, les opinions publiques sont souvent mal informées. Et nous réagissons avec notre affectivité qui peut fausser notre vision des choses.
Mais qui sont ces migrants, ces déplacés qui alimentent trop souvent notre insécurité, notre angoisse. Le malaise dans nos banlieues, le chômage, la présence de l’islam, l’échec scolaire, tout cela nourrit nos craintes et favorise des jugements hâtifs. Avons-nous bien fait les différences entre un demandeur d’asile, un sans papier, et un clandestin ? Ces migrants, plus de 80 % d’entre eux vivent chez nous depuis plus de 10 ans au moins ! La plupart sont nés chez nous et ont la nationalité française !
Que devenons-nous ensemble dans l’acceptation, la réciprocité du dialogue, de la rencontre ? Comment construisons-nous ensemble notre société française pour l’avenir ? Il s’agit bien d’aller vers une commune citoyenneté en passant de la multi culturalité au métissage.
Aujourd’hui, au niveau européen, on semble poser les questions beaucoup plus en amont, pour éviter les entrées, pour les maitriser davantage, sinon pour fermer un peu plus les frontières ici ou là. Les questions de l’intégration, du traitement équitable des personnes sont revenues au second plan. Que devient aussi le droit au regroupement familial. Toutes choses sont rendues plus difficiles. Et il faut bien être aidé pour sortir des arcanes de la loi et de ses complications administratives. Tout devient comme un parcours d’obstacles, depuis la demande de visa jusqu’à l’obtention d’un permis de séjour. Tout est fait pour signifier la fermeture et non la générosité dans l’accueil.

Rencontrer l’autre dans un dialogue ouvert, constructif

FAIRE UNE EXPÉRIENCE DE RENCONTRE HUMAINE

Parler de la migration, c’est parler de l’homme. Cette situation vient contester notre vision de l’homme ; elle vient nous parler de la différence, et nous fait entrer dans l’aventure migratoire. Je me re-pose la question : quel être en relation, je suis ? Quand il s’agit de la relation avec moi-même, avec le monde, ou avec l’autre dans une altérité paisible. S’il s’agit de rencontrer l’autre, l’étranger, quel dépassement je puis vivre dans un dialogue ouvert, constructif. Je me dois d’accueillir l’autre dans tout ce qu’il est, et dans toutes les dimensions de son être : culture, religion, morale, vie relationnelle, accents artistiques et esthétiques de sa vie…

La prière ouvre à Dieu et à l’autre


Suis-je capable de comprendre, d’entendre l’expérience de l’étranger dans son histoire éprouvante et traumatisante souvent. « Quand un émigré viendra s’installer chez toi, dans votre pays, vous ne l’exploiterez pas ; cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l’un de vous ; tu l’aimeras comme toi-même ; car vous-mêmes avez été des émigrés dans le pays d’Égypte. C’est moi, le Seigneur, votre Dieu » (Lv 19, 33-34)

Même notre chère République est interrogée sur ces principes fondateurs incontournables ; nous pensons à la Liberté, à l’Égalité, à la Fraternité. La fraternité humaine a quelques résonances évangéliques que le chrétien ne doit pas ignorer. La migration devient vraiment un chemin vers l’altérité, vers l’autre différent rencontré, accueilli et accepté.

DIEU SUR NOS CHEMINS D’HUMANITÉ

L’expérience d’accueil de l’étranger nous renvoie à notre expérience de Dieu. Notre foi est claire ; Dieu nous a rejoints en Jésus Christ dans la condition humaine. Et Jésus, habité par l’Esprit a parcouru notre chemin d’humanité. Ce chemin est un chemin de vie sur lequel Dieu vient nous dire qui il est ; et toute personne rencontrée nous dit quelque chose de Dieu.

Dans l’Ancien Testament, Dieu est expérimenté comme celui qui est proche, qui marche avec son peuple jusqu’à la libération et à travers mille obstacles, dangers, ruptures… Dieu fait alliance avec l’homme. Et cette Alliance prend son sens définitif en Jésus Christ, qui prend sur lui le chemin des hommes (avec ses lourdeurs et ses espérances). Jésus Christ, étranger dans son propre peuple, incompris, persécuté, Serviteur souffrant, enseignant à l’homme le sens de son pèlerinage sur terre avec les autres, ses frères.

Accueillir la culture de l’autre (communauté portugaise de St Etienne)

L’Église, dans sa tradition se sent toujours responsable des questions migratoires parce qu’elle voit que, dans ses mouvements et ses mobilités de toutes sortes, l’enjeu reste celui du rassemblement du troupeau dispersé, au cœur d’une Église servante et fraternelle. C’est le projet de Dieu sur la communauté humaine universelle.
C’est notre conversion qui est en jeu, notre changement de regard. Jésus, lui-même, a cheminé sur cette terre, il a appris à lever la tête vers l’étranger (le Samaritain, le Romain…).
Avec nous, dans nos engagements d’aujourd’hui, auprès des migrants, Jésus est le Dieu qui nourrit notre marche, éclaire notre perplexité, nos questions, nos débats et nos conflits intérieurs face à des situations extrêmes, lorsque la dignité de la personne est bafouée, lorsque la loi des hommes ne respecte pas cette dignité. L’Église va jusqu’à envisager le refus d’obéissance aux autorités civiles (Catéchisme de l’Église catholique, art. 2242).

J’étais un étranger et vous m’avez accueilli" (Mt 25–38)

Frère Maurice GOUTAGNY
(paru dans Présence Mariste N° 258, janvier 2009)

[1Documents Episcopats (7/8/2004)

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