Les chariots des grandes ou petites surfaces qui veulent bien nous accueillir, après de multiples démarches, s’ornent de guirlandes et de pan-I cartes pour l’attention des clients.
Ici, c’est un magasin ultramoderne : une chaleur d’enfer, une bousculade incessante, des montagnes de marchandises qui défilent dans tous les sens. Nous sommes perdus dans ce tohu-bohu. Nous devons rester discrets. Pourtant, les jeunes, avec audace et politesse, présentent la liste des produits non périssables d’alimentation et d’entretien. Un ami passe et vient nous saluer. Ils n’ont pas vu le chariot. Mais miracle : un jeune couple avec deux petits enfants s’approche.
Ce sont les enfants hissés dans les bras des parents qui déposent un à un les produits souhaités. Ce sont les enfants qui reçoivent leur image. Ils remercient avec un sourire angélique. Là c’est une petite surface de la banlieue. Les caissières nous prient de rester dedans. Dehors il fait un froid sibérien. Mais il y a peu de place. Les filles de 3e restent dehors toute la journée, avec un sourire et une efficacité désarmants. Le soir ce sont elles qui disent merci.
Il faut dire qu’on a des surprises.
Je vois arriver sur une mobylette, casquée, mais les pieds nus, enflés dans des pantoufles, une pauvre femme. A la sortie, sans un regard, elle a glissé la moitié de ses achats dans un chariot.
D’autre part chaque groupe a passé au moins une heure à l’Asile de Nuit pour nettoyer, disposer les placards, les tables, les bouquets et aider à la préparation des repas.
Les parents ont fait la navette pour transporter jeunes et marchandises. L’Asile de Nuit est propre. Les jeunes, chacun selon ses aptitudes, apportent leur contribution ; les placards sont pleins, les nappes mises, les guirlandes accrochées. Tout ce beau monde se mélange autour d’un cacao, de gâteaux, de chocolats. Moment d’émotion ! Personne n’est pressé de partir. Pourtant il le faut : la nuit est tombée depuis longtemps.
Pendant l’année une poignée de volontaires mordus continuera ces visites à l’Asile de Nuit à raison d’une heure par mois le mercredi midi. Et en juin c’est la chorale tout entière qui viendra donner les meilleurs morceaux du concert. Un contact s’est établi, des liens se sont créés. L’amitié change le regard sur ces nécessiteux.
Pour l’équipe, Frère Joseph PERRET
(Paru dans « Présence Mariste » n°194, janvier 1993)