En Europe, la compétition économique fait rage et l’école, de la maternelle à l’université risque d’en être victime, tandis que la mondialisation poursuit sa marche conquérante. Alors comment, dans un tel environnement, annoncer la Bonne Nouvelle en éduquant ?
En avril 2001, au Congrès Mondial de l’OIEC à Brasilia, Monsieur Etienne VERHACK, Secrétaire Général du CEEC (Comité Européen de l’Ecole Catholique) fait une analyse de la situation qui nous invite à la lucidité et au courage.
Voir les pièges qui nous menacent
Comme ils sont nombreux, nous ne retenons que les quatre principaux :
Les offensives de la qualification
Chacun se doit de démontrer « son employabilité » sous peine d’être réduit au chômage perpétuel. Oui, pour garder notre valeur sur le marché de l’emploi, nous avons tous à être sans cesse capables de « re-conversion ». Et nous voici soumis au régime impératif de la formation continue et de l’apprentissage tout au long de notre vie. Comme cela commence très tôt, on comprend l’angoisse de très jeunes enfants et de leurs parents qui redoutent l’échec scolaire et le risque d’exclusion sociale qui en découle.
L’éducation instrument de survie
Mais le naufrage est toujours menaçant. Alors il faut être en état de guerre durant toute sa scolarité. On entre ainsi dans une culture de rivalité et de concurrence sans merci. A l’école, on apprend non pas à travailler en équipe, à s’entraider mais à éliminer l’autre qui pourrait prendre la place. Le système des concours et des classements au mérite ronge secrètement notre pédagogie du respect de chacun, surtout du plus défavorisé.
L’éducation asservie à la technologie
On voit bien que c’est elle qui conditionne tout, dès le commencement. Pour garder ou ravir des parts de marché, les entreprises doivent sans répit perfectionner leurs techniques, dans tous les domaines afin de rendre leurs produits, quels qu’ils soient, compétitifs. Cela exige de chaque acteur économique, d’énormes qualités d’adaptabilité, d’agressivité, de résistance au stress… L’école se doit de les faire acquérir aux enfants et aux adolescents, futurs compétiteurs économiques et, par suite, déjà, futurs esclaves de la technique.
La menace pour l’identité personnelle
On voit bien que si, dès le jeune âge, l’enfant est éduqué dans ce contexte de concurrence féroce et de guerre économique, il sera très bien conditionné pour devenir flexible, indéfiniment adaptable et toujours prêt à mener le combat économique, sur tous les fronts, bref à introduire sa propre personnalité sur le marché. Mais alors quel genre de femmes et d’hommes l’école prépare-t-elle, sinon des robots sans humanité ?
Ces quatre dangers, s’ils ne sont pas combattus avec clairvoyance et détermination, par tous les responsables politiques et éducatifs, risquent à la longue, d’engendrer la commercialisation des écoles et aussi de transformer chaque élève en produit économique.
On le voit bien, nous sommes loin, très loin, des conditions éducatives harmonieuses, susceptibles de créer un climat favorable à l’annonce de la BONNE NOUVELLE. Allons-nous rester les bras croisés ?
Tribune des orateurs au Congrés de BRASILIA
Promouvoir une école évangélisatrice
C’est évident, il ne s’agit pas de se cramponner à l’idée de restaurer une « école de chrétienté », réservée à une clientèle de « vrais chrétiens »et, pas davantage, une école hautement élitiste. Non, mais donner ses chances à chacun, pour qu’il puisse découvrir des valeurs qui le conduiront vers sa propre liberté et le sens de sa vie.
C’est un projet audacieux qu’il convient de mettre en œuvre en ce début de XXIe siècle, indiquer des repères clairs pour ne pas oublier les questions essentielles :
Faire preuve d’imagination spirituelle
Contrairement au monde économique et commercial, l’Ecole Catholique est appelée à proposer une vision qui intègre les grandes questions que se posent les femmes et les hommes d’aujourd’hui. Notre foi ne peut être séparée de la justice, de la solidarité, du respect de la nature créée par Dieu. La spiritualité évangélique est concrète et claire. Elle s’incarne avec courage dans les luttes de ce temps pour que l’humanité se sauve en sauvant le monde de la destruction.
Reconvertir la perspective
« On ne peut pas porter une grenouille à la mer si on l’a pas sortie de son étang au moins une fois au préalable », dit un proverbe chinois. Cela signifie que nous devons engager les jeunes à rechercher le Christ, LE CHEMIN, LA VERITE, LA VIE, parmi leurs frères en humanité, sur la terre et non pas dans les nuages. Et cette recherche traverse tous les programmes aussi bien de philosophie que d’économie ou de sciences de la vie et de la terre.
Poser la question du POURQUOI
Ces démarches amèneront les élèves à soulever la question du POURQUOI et cette question, l’Ecole Catholique se doit, non seulement de l’accueillir mais surtout de faciliter les voies qui mènent vers des réponses. Elle doit aussi faire une OFFRE aux jeunes d’entreprendre quelque chose à leur niveau. Ici pastorale et pédagogie sont intimement associées.
Donner vie à une communauté
Au congrès du Comité Européen pour l’Enseignement Catholique, à Rome en avril 2001, Jean-Paul II disait :
« Prenant appui sur la richesse de vos traditions pédagogiques, vous êtes invités à chercher avec audace les réponses appropriées aux défis posés par les nouveaux modes de pensée et de comportement des jeunes d’aujourd’hui, afin que l’école soit un lieu d’éducation intégrale, avec un projet éducatif clair qui a son fondement dans le Christ ».
La communauté éducative est ce « lieu d’éducation intégrale » si tous les partenaires adultes vivent la Bonne Nouvelle et aident les jeunes à en vivre dans un climat éducatif animé par la Charité.
Les situations peuvent varier d’un pays à l’autre mais le problème de fond reste le même : éduquer à un regard universel. Les ASSISES de l’Enseignement Catholique de France en décembre 2001 nous le redisent :
« …Nous devons former des personnes aptes à explorer la globalité des situations et à agir au singulier de chaque personne ».
Frère Maurice BERGERET
(d’après le texte remis par M. Etienne VERHACK)
(Publié dans « Présence Mariste » n°235, avril 2003)