TOUTE LA VIE Ados : Des portes closes et des nuages sombres Troupe : Non ! |
15 janvier 2015,
les « Enfoirés » dans la droite ligne de Coluche, et sous la direction de Jean Jacques Goldman, dévoilent leur chanson de l’année, « Toute la vie » .
Dans le clip, un groupe de jeunes s’adresse aux Enfoirés :
« Vous aviez tout : liberté, plein-emploi. Nous c’est chômage, violence et sida ».
Les chanteurs leur répondent en chœur :
« Tout ce qu’on a, il a fallu le gagner, à vous de jouer, mais faudrait vous bouger »
« Vous avez raté, dépensé, pollué »,
rétorque la jeune génération.
« Je rêve ou tu es en train de fumer ? »
répondent les Enfoirés. Avec pour refrain :
« Vous avez toute la vie, c’est une chance inouïe. (…) C’est à ton tour et vas-y ! »…
Tollé sur les réseaux sociaux !
Jean-Jacques Goldman, anti-jeune ? Comment le chanteur peut-il méconnaître à ce point la situation de la nouvelle génération, comment peut-il limiter à un « il faudrait vous bouger » son message au monde d’aujourd’hui !
Malgré le soutien de près de 75 % de la population
aux chanteurs des Restos du Cœur, le cadre est donné. Les jeunes veulent secouer le joug que font peser sur eux leurs aînés, aux manettes aujourd’hui !
Mais de quels jeunes parle-t-on ?
Le plus grand nombre, ceux que nous connaissons dans nos écoles pour la plupart, ne restent-ils pas à l’aise dans le système mis en place et leurs défis ne reçoivent-ils pas aisément réponse de notre société en général et de l’école en particulier ?
L’article premier de la loi d’orientation de 1989
reconnaît à chacun le droit à l’éducation « afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle et d’exercer sa citoyenneté, tout en contribuant à l’égalité des chances. »
Mais il y a les autres ?
Tous ces « Montagne » que Champagnat trouverait au fond de nos classes ou au détour de nos banlieues, et qui n’ont rien à faire de notre éducation nationale, souvent champ de bataille où se disputent revendications des parents, tentations de retour en arrière, alignements sur les normes Pisa, expérimentations pédagogiques, formation des futurs managers… et bien souvent, résistances des principaux intéressés ?
Ce sont les défis de ces jeunes-là
qu’avec Marcellin, nous recevons en pleine figure et qui relancent la mission de son Institut… Défis non formulés, pas plus que ceux de Jean-Baptiste Montagne, mais défis qu’on peut essayer de classer, pour mieux les définir et leur apporter réponse.
- 1 - Le premier défi, c’est d’abord de reconnaître que, collectivement, nous avons laissé se développer une société qui nous a échappé, et qui est à présent sous la mainmise de systèmes qui asservissent l’homme, et qui broient impitoyablement les propres rêves d’avenir de notre jeunesse…
Reconnaître que pour ces jeunes, la vie est plus difficile qu’elle l’a été pour nous ! Et cesser de les stigmatiser comme les problèmes de cette société dont ils sont les premières victimes…
- 2 - En corollaire, il nous faut un peu d’humilité ! Nous regardons la jeunesse avec une telle condescendance, qu’elle n’en peut plus de nous entendre ! Acceptons que le vrai monde soit celui qui se présente, celui dans lequel ils vivent et non celui que nous n’avons de cesse de vouloir faire revivre… Tournons la page !
- 3 - Entendons dans tout cela un besoin d’accompagnement dans la confiance. Les jeunes manquent de confiance en eux ! Ce n’est pas de la faiblesse, mais une vraie demande d’accompagnement pour assumer leurs responsabilités. Soyons disponibles, lorsqu’ils en ont besoin ! Faisons leur confiance ! Ne soyons pas avares de nos compliments.
- 4 - Le droit au projet. Quel avenir proposons-nous à nos jeunes ? Un futur à l’image d’un présent où l’on se plait à souligner tous les avatars et tous les points noirs ! Un avenir qui ne leur propose pas de perspectives ! Faisons ressortir les possibles, et la beauté du monde que nous vivons ! Ecrivons la maxime de Teilhard de Chardin : « l’avenir est plus beau que tous les passés » sur le fronton de nos écoles, pour que nos jeunes puissent se projeter, et y trouver du plaisir…
- 5 - Le besoin de modèles… Nous l’avons compris, nos jeunes n’ont pas besoin de donneurs de leçons ; mais ils veulent des exemples à suivre. Ils nous aiment vrais, et nous demandent de nous appliquer à nous-mêmes les grands principes que nous promouvons, principe de justice et d’égalité. Oui, c’est l’exemple qu’ils attendent… En tant qu’enseignants, que notre vie et nos pratiques soient en conformité avec notre discours !
- 6 - L’aspiration à la sécurité. « La cour de récréation est l’école de la vie », entend-on parfois, comme pour justifier la violence qui y règne ! Non, ça ne doit pas être une fatalité ! Le monde est violent, de la première des moqueries aux carnages les plus barbares, en passant par les harcèlements, les coups et blessures, les exclusions, les racismes et les vols quasi-légalisés… Refusons cette fatalité du mal ! Préparons inlassablement le terrain pour que le « présenter la joue gauche » ne soit plus l’amorce des sourires condescendants de nos compatriotes !
- 7 - Le dernier défi recouvre tous les autres : aider les jeunes à donner du sens à leur vie . Le fait d’avoir sa vie devant soi ne suffit pas ! Encore faut-il avoir une raison d’être suffisamment valable pour se sentir utiles à la société, y relever des défis et s’y engager. Les jeunes sont demandeurs ! Comme tout le monde, ils ont besoin d’être aspirés par leur avenir ! Sous peine de se réfugier dans des chimères ou dans les mirages de "djihadismes" de tout poil. Donner du sens, c’est remettre l’homme à sa place, lutter contre les individualismes, contre l’immédiateté de principe et contre le profit à tout prix… Dans ce monde qui a sombré dans le relativisme, la vérité est pour chacun celle qu’il se fait ! Aidons nos jeunes à se retisser des principes de vie et à retrouver autour d’eux un monde de valeurs…
À chacun de nous sa propre lecture des attentes de cette jeunesse aux défis non-formulés, mais ponctués quotidiennement par des actes forts qui interrogent nos certitudes… Laissons-nous interpeller, avec humilité, mais avec la conviction que là est sans doute la mission actualisée de nos fondateurs…