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Les sourds muets et le silence

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On n’est pas enfermé dans un ghetto et malgré cette barrière de l’oralité, on peut vivre comme les entendants et partager avec eux grâce aux traducteurs. (Présence Mariste n°304, juillet 2020)

Il y a en France plus de quatre millions de sourds ou sourds-muets de tous âges. Nous avons voulu savoir ce que pour eux, représente la notion de silence. Grâce à l’aide d’une traductrice de langue des signes, Gérard ? Monica, Etienne, Anouk et Joseph nous expliquent comment eux vivent leur surdité.

MONICA  : Moi, je voudrais d’abord dire que la vie quotidienne d’un sourd est loin de pouvoir être qualifiée de silencieuse car « notre silence » est multiforme puisqu’il s’épanouit dans le langage des signes, la langue écrite, l’art, les SMS et tout cela fait du bruit dans nos cœurs et nos têtes.

Aphabet du langage des signes

ÉTIENNE  : Les gens qui entendent, paradoxalement disent souvent que nous, mal entendants, on fait beaucoup de bruit quand on est ensemble. Nous, on parle avec la langue des signes et ce langage mimique est un mode de communication très particulier qu’apprend le bébé sourd dès sa naissance.

ANOUK : La surdité est invisible pour les gens de la rue, nous on est aussi intégrés dans la société pour faire comme tout le monde : marcher, lire, aller au supermarché, pratiquer un sport etc mais quand on est dans une situation d’oral, c’est compliqué, parfois les gens font un effort pour nous comprendre ou se faire comprendre mais très vite ils oublient notre cas.

ÉTIENNE  : Comme vous pouvez l’imaginer, tout cela fait du bruit et des interrogations dans nos têtes et donc le silence n’existe pas. On n’est pas enfermé dans un ghetto et malgré cette barrière de l’oralité, on peut vivre comme les entendants et partager avec eux grâce aux traducteurs.

JOSEPH : En ce qui concerne notre foi, on peut aussi entendre l’appel du Seigneur pour chacun de nous, car Dieu nous parle comme à tout le monde dans le silence de nos cœurs. Isaïe n’a-t-il pas dit que les sourds entendront ?

MONICA  : Oui ! dans nos têtes et nos cœurs, s’il y a un certain silence il y a aussi beaucoup de bruits. Vous, les entendants, vous tendez l’oreille pour écouter mais nous, nous écoutons par la vue et chacun de nous devient sa propre source de sons tout en étant hélas privés de la beauté musicale et autres aspects de la culture, c’est pourquoi on se regroupe dans des associations ou clubs qui travaillent dans le but d’y remédier.

Merci à nos amis sourds, et pensons à ce que disait au XVIIIe s, l’Abbé de l’Épée, créateur de la langue des signes :« Il faut faire monter par la fenêtre, ce qui ne peut entrer par la porte, donc faire passer par les yeux ce qui ne peut passer par les oreilles »

Interview réalisé par Marie-Françoise POUGHON
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Charles Michel de l’ÉPÉE, né à Versailles en 1712, institua l’enseignement des sourds-muets en 1760. Il mit en place la recherche sur une langue des signes méthodique utilisable par les sourds, afin de lier ces signes avec le français écrit. Après avoir voulu assimiler la structure syntaxique du français à celle de la gestuelle des sourds, il apprend des sourds et muets eux-mêmes. Le regroupement des élèves sourds dans son institution et le besoin de communiquer entre eux favorise et perfectionne la langue des signes française (LSF), la langue naturelle des sourds.
Il meurt en 1789 et en 1791, l’Assemblée Nationale l’inscrit dans la liste des bienfaiteurs de l’humanité.
(Publié dans « Présence Mariste » n°304, juillet 2020)

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