PM 281

Commençons donc par les plus pauvres !

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Tout homme est une histoire sacrée. Nous sommes tous d’une même humanité. Vivre ensemble dans ce monde, c’est naître, vivre, mourir comme programme commun. (Présence Mariste n°281, octobre 2014)

Dire quelque chose sur le vivre ensemble est un défi extraordinaire et j’ai à cœur de pouvoir dire d’emblée que, tel le Bon Samaritain, nous ne choisissons pas notre prochain. Vivre ensemble ne consiste pas à être tous dans le même panier, tels les 101 dalmatiens de Walt Disney mais, au fil du temps, trouver sa place, faire place à l’autre, s’ajuster, créer les conditions de la paix dans des institutions justes.

Les uns auront besoin d’aller au bout du monde pour lutter contre l’injustice tandis que d’autres s’attacheront à transformer, améliorer les conditions de vie autour d’eux pour qu’advienne un monde plus fraternel et que d’autres aussi, ne sont pas du tout intéressés par ces propos. Tous pourtant, nous sommes appelés à prendre part à la vie des hommes de notre temps.

Vivre ensemble dans ce monde, c’est naître, vivre, mourir comme programme commun, mais comment ?

Blaise Kopp Françoise

Naître dans une famille, un foyer comme il était dit dans les années 50 du XXe siècle, est évidemment une chance dont tous les enfants ne bénéficient pas ; la cruauté des situations où les populations souffrent de guerre, de famine, d’exil, frappe beaucoup les enfants qui le découvrent dès leur plus jeune âge sans comprendre encore. Les jeunes eux, sensibles à l’injustice, peuvent se révolter, ou se refermer aussitôt sur leurs privilèges, ou s’ouvrir au monde et accepter la nécessité de se former pour concevoir des outils adéquats pour répondre aux épreuves de leur temps.

Les adultes, eux peuvent aussi se mobiliser ou fermer les yeux ou même tirer profit des situations inhumaines. Les personnes âgées, elles, pourraient accepter de comprendre le monde à partir de l’analyse des conséquences des choix faits par elles dans leur période active, mais le plus souvent les plus âgés décrochent et s’intéressent moins à ce qui n’est pas leur propre univers. C’est dommage car leur sagesse issue de l’expérience serait utile à tous, à condition de les écouter un peu… sagesse de reconnaitre les erreurs, les imprévoyances, les risques inutiles, les sécurités « enfermantes », les progrès et les réussites aussi.

Comme le bon Samaritain nous ne choisissons pas notre prochain

Tout homme est une histoire sacrée

Le vivre ensemble nécessite que nous nous intéressions les uns aux autres même si nous focalisons nos loupes, nos projecteurs sur des domaines pointus et spécifiques, nous avons besoin de penser comme une évidence commune que l’exclusion des verts, des rouges ou des bleus (pour ne citer personne) ne peut être une solution ni durable, ni satisfaisante. Tout homme est une histoire sacrée à partager dans la Grande Histoire de l’humanité. Il n’y a pas deux humanités ; lors de mon dernier poste professionnel, j’ai été amenée à faire visiter l’ancienne prison Saint Paul de Lyon, vouée à devenir université en 2015.

Elle était pour l’occasion, parsemée d’œuvres d’art et le circuit préparé proposait des haltes commentées que des personnes de l’Université catholique assuraient. La belle formule de Victor Hugo - « ouvrez une école, vous fermerez une prison » - trouve dans ce projet la perspective de sa réalisation.

Se refermer sur soi ou s’ouvrir aux autres
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Nous sommes tous d’une même humanité

J’ai eu l’occasion de dire que « dans ce lieu d’enfermement, les personnes qui y ont vécu n’étaient pas d’une humanité différente de la nôtre et dans les circonstances de vie de celles-ci, nous ne savons pas ce que nous, nous aurions fait » ; la plupart des visiteurs comprenaient mais quelques exceptions étaient, à mon étonnement, outrées de pouvoir risquer d’être confondues avec cette humanité-là ! Quelle tristesse pour elles ! Certes, la société se protège pour son vivre ensemble, de la délinquance au sens large en ayant institué la prison, de la folie en ayant institué l’hôpital psychiatrique. Nous sommes tous concernés par l’état de nos lieux d’enfermement et nous savons bien que le chemin le plus long à parcourir dans toute vie est le chemin qui mène à soi-même et ce chemin passe par l’autre, par les autres.

Les relations qui vont favoriser cela ne sont évidemment pas symétriques c’est à dire égalitaires, mais profondément asymétriques et si nous convenons avec sagesse que le petit d’homme est une personne dès son enfance, que la personne âgée est souvent une personne vulnérable, il nous faut entendre qu’être une personne ne signifie pas être un adulte responsable, capable de décision appropriée et que tout adulte ne l’est pas forcément d’ailleurs… Le vivre ensemble doit tenir compte des personnes, là où elles en sont pour oser s’atteler avec elles à la recherche du Royaume qui vient, qui est déjà là mais pas encore.

Ouvrez une école, vous fermerez une prison
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Commençons donc par les plus pauvres dans chaque circonstance, au moins nous serons sûrs de n’oublier personne (P. Joseph Wresinsky, fondateur d’ATD Quart Monde).
Il s’agit de faire route ensemble et pas du haut d’un mirador ou assis dans une voiture climatisée ; cette expérience de vie dans la complicité d’une réciprocité se décline à l’infini du quotidien de nos vies, elle est une source inépuisable de richesses immatérielles comme le disent les économistes, de joie profonde celle que personne ne pourra vous ravir et qui construit au fil du temps l’humanité celle qui parle des hommes et des femmes de Parole.

Françoise Blaise-Kopp
Le Sappel

Le Sappel

Il a été fondé en 1989, par deux couples qui étaient alors volontaires du mouvement ATD Quart Monde pour permettre aux plus démunis d’être acteurs dans la société. Devant la forte demande spirituelle des familles du Quart Monde, ils choisissent de fonder la communauté du Sappel qui tire son nom d’un domaine situé dans l’Ain, à Labalme-sur-Cerdon, acquis en 1973 par ATD-Quart Monde pour y accueillir de petits enfants.

(Publié dans « Présence Mariste » n°281, octobre 2014)

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