Par l’intermédiaire de Frère Lazaro, Frère mariste espagnol de la Communauté de Las Garzas à Lima, notre Association française « Pour les enfants du Pérou » est entrée en collaboration depuis quelques années déjà, avec Carmen Cortez, l’ange de Pamplona, présidente et fondatrice de l’Association « Perú Niñez ».
Nous travaillons avec elle maintenant pour essayer de subvenir modestement aux multiples besoins des enfants des rues, abandonnés ou orphelins dans les bidonvilles de Pamplona en plein centre de Lima, à Abancay, Ica et Chicha Alta, avec l’aide aussi d’une soixantaine de jeunes bénévoles péruviens.
CARMEN, peux-tu te présenter un peu ?
Je m’appelle Carmen Cortez, une Péruvienne à qui, j’en suis chaque jour davantage persuadée, Dieu a donné des mains pour lutter pour ceux qui ne peuvent pas le faire, une bouche pour demander en leur nom et des jambes pour aller toujours plus loin dans les bidonvilles et les aider. Malgré un très grave problème de santé, puisque j’ai plusieurs hernies discales inopérables, je porte constamment un gros corset de plâtre et souffre beaucoup. Je dois parfois même me déplacer en fauteuil roulant, j’essaye d’être aussi un peu « le refuge » des si nombreux enfants abandonnés, malades et spécialement du sida, violés ou exploités.
Avec ma famille qui, en son temps, a aussi vécu la misère, la pauvreté et les problèmes multiples, j’ai créé « Perú Niñez » pour héberger tous ces enfants, leur donner un peu à manger, les éduquer, les aimer, les soigner et essayer toujours davantage de faire respecter les droits des enfants.
As-tu des enfants à toi et que pensent-ils de ton action, ainsi que ton mari ?
Oui j’ai trois enfants biologiques, Vanessa vingt ans, Jaime, dix-neuf et Valéria, six ans et puis nous avons adopté Leny six ans, très gravement brulée à 97% puisqu’elle avait été jetée dans un feu par son père qui ne la voulait pas car il avait déjà huit filles et quatre garçons.
Mon mari qui n’est pas toujours avec nous dans l’action humanitaire, à cause de son travail, est un homme merveilleux. Il m’aime beaucoup, il est très bon et sérieux. Souvent quand il part pour raisons professionnelles, il m’appelle et me dit : « Chérie, j’ai laissé quelque chose sous la cafetière pour tous "nos" enfants ».
Quant à mes quatre enfants, ils sont aussi extraordinaires, très compréhensifs, connaissent et appuient ce que je fais. Ce sont eux mon moteur, ma force pour être avec au moins les deux cents autres enfants des rues. Avec eux, j’ai appris qu’il ne faut pas désespérer, que rien n’est impossible, qu’il faut toujours avoir foi et confiance en Dieu qui nous aide toujours. Si je suis découragée car je me sens si impuissante devant tant de problèmes, ils me poussent, me disent de continuer, d’avancer.
Que fais-tu avec « Perú Niñez » ?
En leur apportant au moins trois fois par semaine un chocolat chaud et une petite galette, ce qui sera, très souvent, l’unique nourriture des enfants des rues, j’essaie d’apporter un peu de joie et de réconfort dans des lieux d’une misère qu’on ne peut imaginer en Europe où les chiens qui y vivent, sont mieux traités que les enfants délaissés d’ici, disent ceux qui viennent nous voir. Quand un enfant est gravement malade, nous le conduisons à l’hôpital où, bien sûr, on ne le garde pas, alors avec ma famille, nous l’hébergeons chez nous. Actuellement nous soignons dix enfants très mal et deux sont morts chez nous la semaine dernière.
J’ai aussi à la fois la chance et la responsabilité d’avoir des bénévoles pour m’aider, souvent, ce sont des jeunes qui ont été hébergés, nourris et soignés chez nous, qui viennent nous donner un coup de main. Ils me disent « Mamà Carmen, tu as mal au dos, nous, nous allons monter dans les bidonvilles pour la répartition de la nourriture, des médicaments et vêtements, repose-toi ! »
Carmen, pour ton action, ton association est-elle aidée ? Y a-t-il des subventions de la Municipalité de Lima, du gouvernement ou d’autres provenances ?
Non personne ici au Pérou ne nous aide. Parfois, en période électorale, nous recevons la visite de quelques hommes politiques ou d’artistes, mais malgré les promesses faites devant les caméras, il n’y a rien après. De plus, cela fait plus de vingt deux ans que je demande de l’aide aux institutions de ce pays mais jusqu’à présent je n’ai que le silence comme réponse. Les seules aides que nous avons proviennent de l’étranger. Un artiste belge nous a envoyé le produit d’un récital qu’il a organisé pour « Perú Niñez » et puis l’Association française « Pour les Enfants du Pérou » travaille avec nous, aussi bien sur le terrain ici, que depuis la France pour nous envoyer de l’argent pour acheter nourriture et médicaments, et des containers de vêtements récupérés ou tricotés par des personnes âgées et/ou handicapées ainsi que du petit matériel pédagogique.
En conclusion, que voudrais-tu dire à nos lecteurs ?
Malgré la misère et la pauvreté, il faut multiplier et intensifier l’amour du prochain aussi bien chez celui qui donne que chez celui qui reçoit.
Je veux aussi dire merci à tous ceux qui nous aident ou nous aideront. Nous savons qu’hélas nous ne pouvons pas tout solutionner positivement et trop souvent le travail de notre association finit avec l’enterrement d’un enfant. Quand nous ne pouvons pas sauver une vie, nous faisons tout pour qu’il y ait une mort digne d’un être humain même si les conditions de vie étaient complètement inhumaines. Et puis, il faut toujours demander au Seigneur de nous aider et il faut affirmer comme Mère Teresa : « Il faut prier mais il est aussi important d’aider un malade, de lui soigner ses blessures, de lui caresser le front parce que joindre les mains c’est bien, mais les ouvrir c’est encore mieux ».
Interview réalisée par Marie-Françoise POUGHON
(Publié dans Présence Mariste N° 260, janvier 2012)
[fuchia]P. S. Si vous souhaitez aider Carmen et « Perú Niñez », merci de joindre M. F. POUGHON à l’adresse
marie-francoise.poughon chez orange.fr[/fuchia]