Frère Pau Fornells est d’origine catalane. Il a fait partie de la communauté de Sucumbíos, en Equateur, depuis mai 2000 jusqu’en mars 2006.
Depuis il est à Rome, comme responsable du Bureau des laïcs Maristes pour tout l’Institut. En janvier 2007, il a participé à la Rencontre provinciale sur la Mission qui s’est tenue à l’Hermitage.
50 ans de présence mariste en Équateur :
quelques repères historiques
Le 10 novembre 1957, quatre Frères originaires de l’ancienne Province Mariste de Léon (Espagne) arrivaient à Catacocha, province de Loja, pour fonder la première communauté mariste en Équateur. Nous fêtons, donc, les Noces d’Or de la dite présence.
Repérage de l’implantation de la communauté à Sucumbíos
Au début des années 60, pour offrir un lieu de mission aux Frères expulsés de Cuba, le Conseil Général a décidé d’envoyer un bon nombre d’entre eux en Équateur, en laissant la direction de la naissante œuvre mariste équatorienne aux mains de la province d’Amérique centrale.
Pendant le triennat 1994-96, le Conseil Provincial a proposé aux Frères un discernement sur le style de vie personnelle et communautaire, et sur la projection de l’avenir de la mission mariste en Équateur. Les conséquences les plus visibles de ce discernement ont été les suivantes : transférer ou fusionner quelques œuvres, passer la direction des autres aux mains des laïcs et ouvrir de nouvelles présences, surtout d’insertion, dans les milieux indigènes et populaires.
Actuellement, en 2007, après la restructuration avec la Colombie et le Venezuela pour créer la nouvelle Province Norandina (2003), on compte : 8 communautés en Équateur, avec 26 Frères (18 Espagnols, 5 Équatoriens et 3 Colombiens).
Création d’une communauté parmi les indigènes de Sucumbíos
En octobre 1997, une des réponses concrètes aux résultats du discernement provincial, est l’ouverture de la première communauté mariste d’insertion dans une réalité indigène équatorienne.
Il faut savoir que les indigènes forment 25 % de la population de l’Équateur. Cette communauté se trouve dans la forêt amazonienne, au nord du pays, à 20 km du Lago Agrio, capitale de la province de Sucumbíos.
Il s’agit d’une communauté « mixte », formée par des Frères Maristes, des Sœurs Carmélites du Sacré Cœur et des volontaires laïcs appartenant aux deux congrégations.
Trois intentions ont guidé la Province dans cette insertion.
La recherche de nouveaux modèles de vie consacrée mariste, en accord avec la « refondation », demandée maintes fois par les autorités de l’Institut.
Le travail avec les enfants et les jeunes les plus abandonnés du pays : les indigènes.
Partie de la commmunauté des religieux et religieuses
L’expérience profonde d’une Église, Peuple de Dieu, (Vicariat de Saint Michel de Sucumbíos) où on privilégie la communion, les ministères laïcs et l’option préférentielle pour les pauvres.
Les Frères, les Sœurs et les Laïcs vivent dans une communauté indigène kichwa, avec le même salaire que tout autre membre de la pastorale du Vicariat (100 $), essayant de vivre une austérité qui les rapproche le plus possible de leurs destinataires, travaillant manuellement et utilisant les mêmes rares moyens de transport public.
La phase d’inculturation
Pendant les sept premières années, ils se sont chargés de l’animation et de la coordination pastorale d’environ 40 communautés indigènes, très dispersées géographiquement : visites aux communautés, coordination des catéchistes, aide à l’organisation communautaire et à ses problèmes (rapport avec les compagnies pétrolières et marchandes de bois, légalisation des terres, santé, éducation, insécurité frontalière par la présence de groupes armés incontrôlés, etc.).
Pendant ces années d’inculturation à tous les niveaux (climat, alimentation, maladies tropicales, langues indigènes, mythes et coutumes indigènes, pensée culturelle, modèle d’Église, etc.), la communauté fait un examen de discernement sur une demande explicite de la direction indigène et de l’Église de Sucumbíos : appuyer l’éducation secondaire indigène de la zone. Très peu de jeunes continuent d’étudier après l’enseignement primaire. Le système éducatif interculturel bilingue commence à peine et se trouve soumis à un enchevêtrement complexe de problèmes politiques, économiques, culturels et pédagogiques.
La prise de conscience des besoins de la population
La communauté a fait en sorte que les autres membres de la pastorale de l’Église ainsi que les dirigeants indigènes, les parents et les professeurs bilingues entrent peu à peu dans la même réflexion. L’appel de Dieu est devenu plus clair : il n’y a pas d’avenir possible pour les enfants et les jeunes indigènes sans une éducation qui unisse niveau académique, aide culturelle et expérience saine de l’interculturalité, le changement de quelques habitudes culturelles qui permettent de faire face à une culture métisse - occidentale déprédatrice, une éducation qui rattache la spiritualité profonde indigène aux valeurs chrétiennes et ne soit pas paternaliste, mais qui se préoccupe de favoriser la « productivité » des familles et des communautés par des projets de développement économique.
Groupe de jeunes élèves cofanes
La réponse à ces besoins
Après bien des contacts et des ébauches de projets, le Projet Éducatif Interculturel Bilingue de l’Église de San Miguel de Sucumbíos fut approuvé. Il comprend trois aspects.
L’ouverture d’un collège secondaire (12-18 ans) pour des jeunes des deux sexes, appartenant aux cinq ethnies indigènes de la province, avec le régime d’internat (nécessaire pour les longues distances des communautés), dans une modalité de cours sur place à mi-temps : 15 jours au collège - internat et 15 jours dans leurs communautés, où ils réalisent un microprojet agricole (maïs, riz, haricot, pomme, etc.) qui leur permet de payer leurs frais éducatifs et d’internat.
La création d’un Centre Culturel et de recherches Indigènes pour le paiement et la divulgation des cultures indigènes amazoniennes de la province (kichwa, shuar, cofán, siona et séquoia).
Le lancement d’un programme de formation des professeurs bilingues des écoles primaires (la majorité polyvalente) des communautés indigènes.
L’expérience actuelle…
Avec l’aide d’institutions nationales et internationales, le Collège Interculturel Bilingue « Abya Ya-la » a ouvert le 17 septembre 2005, avec les 60 premiers élèves (30 filles et 30 garçons), appartenant à près de 30 communautés et aux cinq ethnies de la province.
Frère Pau Fornells, au premier plan en canoë
pour rejoindre un des centres de la mission
Pendant l’année 2006-07, les Frères, les Sœurs et les Laïcs maristes ainsi que les carmélites continuent de construire, avec l’aide de Dieu et de beaucoup de personnes amies, le grand miracle d’une famille éducative qui réussit à harmoniser des cultures sans les uniformiser, en ouvrant les horizons d’un avenir plein d’espérance à ces jeunes indigènes qui se sentent fiers de leur identité et de leur collège.
De nombreux problèmes subsistent : les retards récurrents du Gouvernement à payer les salaires des professeurs, les ambitions de quelques dirigeants indigènes, le manque de Frères, de Sœurs et de Laïcs qui acceptent de travailler dans une zone que les « media » du pays qualifient de « rouge » : violence de la guérilla et des paramilitaires colombiens, séquestrations, vols (récemment tous les ordinateurs du collège ont été volés), la contamination de l’environnement introduite par les compagnies pétrolières, les conditions climatiques difficiles, les maladies, etc.
Mais le « rêve de Marcellin » continue d’accompagner les Maristes présents :
« Qu’aucun enfant ne reste sans savoir combien Jésus-Christ l’aime ! ».
Frères, Sœurs et Laïcs présents le leur rappellent par leur présence.
Frère Pau FORNELLS
(Publié dans « Présence Mariste » n°252, juillet 2007)