PM 289

Que tes œuvres sont belles, Seigneur, tu nous combles de joie !

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« Le souffle de Dieu couve la création comme la colombe couve son nid avec attention et un soin maternels » « La création est une naissance, et une perpétuelle renaissance » (Présence Mariste n°289, oct 2016)

Bernard Faurie

Quiconque entreprend de lire la Bible commence évidemment par son premier chapitre. Ce texte de la Genèse est donc bien connu, mais pas toujours bien interprété. C’est peine et temps perdus que de s’entêter à le considérer comme un document nous expliquant comment le monde aurait été créé.
Un chrétien croit et proclame que “Dieu est créateur du ciel et de la terre”, mais le texte ne prétend pas expliquer « comment » s’est faite cette création, pour satisfaire notre curiosité. Car c’est un texte poétique, un magnifique poème inspiré à son auteur par les récits de création qu’il entendait réciter dans la Babylonie où il était exilé, exil qui a suivi la destruction du petit royaume de Juda et de sa capitale Jérusalem en 587 avant notre ère. Ce poème est un hymne à la joie qui nous dit l’amour de Dieu pour sa création qu’il a voulu si belle. Et qui nous invite par conséquent à en prendre le plus grand soin.

L’amour de Dieu pour sa création

La création révèle la puissance de Dieu :
“Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains. Le jour au jour en prodigue le récit, la nuit à la nuit en donne connaissance”
(Ps 19).
Plus encore, la création révèle l’amour de Dieu pour ce monde qu’il crée par sa seule parole, et pour l’humanité appelée à y vivre. “Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux”. Le grand commentateur de la Bible que fut le juif Rachi explique que le souffle de Dieu plane, telle une colombe sur son nid. C’est en effet le sens du verbe planer ici utilisé en hébreu. Rachi vivait au Moyen-Âge. Il truffe son commentaire de mots de son temps qui font le bonheur des philologues de la langue française. Pour décrire le vol de la colombe au-dessus de son nid il emploie notre vieux verbe “acoveter”. Le souffle de Dieu couve la création comme la colombe couve son nid avec une attention et un soin maternels.

Dieu, créateur de la terre, renouvelle sa création à chaque printemps…
Photo F. Louis Richard
Une création si belle dans un monde de sérénité

La création est si belle que Dieu lui-même est content de lui. Dieu se dit dans la beauté. “Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon”. Et la beauté de la création révèle la grandeur de Dieu. C’est ce que dit l’auteur du livre de la Sagesse : “La grandeur et la beauté des créatures conduisent à contempler le créateur”. (Sg 13, 5).

Tout dans cette création vit en harmonie : le firmament, les plantes, les animaux et l’homme, partie intégrante de la création, mais à qui tout cela est confié. L’homme est appelé à dominer la terre, à soumettre “les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tout ce qui remue sur la terre” mais cette domination est pacifique. Et, par exemple, l’homme, qui appartient à l’animalité, est créé… végétarien ! Le péché des hommes viendra gâcher cette belle harmonie.

Pourtant viendront des temps nouveaux qui restaureront la création dans sa splendeur première et sa sérénité :
“Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira”
(Is 11, 6).
Ainsi nous vivrons tous en harmonie dans la maison commune.

Dieu sépare l’eau de la terre (Michel-Ange - Plafond de la chapelle Sixtine
Un hymne à la joie

C’est animé par un sentiment de joie qu’il faut lire ce texte tant est merveilleuse l’œuvre de la création. Un sentiment de joie qui s’exprime dans le chant et la louange. J’ai fait référence à ce chant de nos assemblées chrétiennes « Que tes œuvres sont belles ». Mais la plus belle œuvre musicale est bien cet oratorio de Joseph Haydn, « La Création », dont le chœur final proclame : 
“Que toutes les voix chantent le Seigneur ! Que toutes ses œuvres le louent ! Faisons retentir un chant de louanges en l’honneur de son nom !”

Dans la liturgie juive, le premier chapitre de la Genèse est chanté lors de la fête de “Simhat Torah”, la fête de “la joie de la Torah”, quelques jours après la fête de “Rosh Hashana”, la fête du “Nouvel An”, à l’automne. Alors on porte le rouleau de la Torah dans la synagogue en laissant exploser sa joie dans les chants et les danses.

Une joie qui s’origine dans le jaillissement de la lumière, la première création de Dieu. Il est une expérience à faire : on peut lire les trois premiers versets de la Genèse en les considérant indépendants les uns des autres. On peut au contraire lire ces trois versets d’une traite, dans un seul souffle qui s’épanouit dans les derniers mots : “Et la lumière fut !” Cette interprétation est séduisante, bouleversante, et c’est elle que Joseph Haydn a retenu dans son oratorio.

La résurrection de Jésus avec Marie de Magdala

Par ailleurs, chacun des six jours de la création est ponctué par cette expression : “Il y eut un soir, il y eut un matin…” On nous explique qu’à l’époque où le texte a été écrit, en Babylonie, cinq siècles environ avant notre ère, on comptait les jours à partir du soir. L’écrivain biblique a adopté cette manière de faire, mais sans doute avec quelque arrière-pensée. Imaginez que le texte dise : “Il y eut un matin, il y eut un soir !”… Ainsi Dieu content de sa journée irait prendre un repos bien mérité. Mais l’œuvre de la création ne débouche pas dans la nuit, elle se poursuit dans la lumière du jour. Elle est victoire sur la nuit, sans cesse en devenir et dans une perpétuelle jeunesse. “Le jour sort de la nuit comme d’une victoire” dit Victor Hugo. La création est une naissance et une perpétuelle renaissance. En Genèse 2,4, les mots hébreu et grec signifient “génération” et André Chouraqui traduit très justement : “Voici les enfantements des ciels et de la terre en leur création”.

Autrefois, je me demandais pourquoi l’Église nous faisait lire ce premier chapitre de la Genèse lors de la nuit pascale. On avait bien dû m’expliquer… Le rapprochement et le symbolisme est évident. Jésus sort de la nuit du tombeau et inaugure une ère nouvelle :
“Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates pour aller l’embaumer. Et, de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé…”
(Mc 16, 12).

Bernard Faurie
(Publié dans « Présence Mariste » n°289, oct 2016)

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