Dieu se dit dans la beauté

La Bible, une œuvre littéraire qui s’inscrit dans le domaine artistique

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La Bible s’ouvre par le récit de la création : un hymne à la beauté. Le texte est ponctué par cette exclamation cinq fois reprise : « Et Dieu vit que cela était bon/beau », le mot hébreu tov signifiant à la fois bon et beau. Bonté et Beauté sont synonymes.

Et si, dans la Bible, Dieu se révèle beauté, il n’est pas surprenant que la Parole de Dieu soit source de beauté. Bien des artistes s’y sont abreuvés.

Paysage autour de Séphoris en Galilée (Israël)

Il est trop connu que la Bible a été une source inépuisable d’inspiration pour les artistes chrétiens. Je porterai donc mon regard ailleurs. Je dirai que la Bible a été source d’inspiration également dans le judaïsme, que les récits bibliques sont ouverts au monde de l’art et que la Bible elle-même est une œuvre littéraire qui s’inscrit dans le domaine artistique.

« Tu ne te feras pas d’idoles » (Exode 20,4)

En s’appuyant sur ce texte, certains auteurs avancent imprudemment que « en raison de cette interdiction de reproduire en image Dieu, l’homme et les créatures vivantes, l’art hébraïque est essentiellement aniconique et il est dépourvu de représentations figuratives » [1] .

Synagogue de Séphoris (IIIe siècle) mosaïque représentant le sacrifice d’Isaac


Certes, il n’y a pas d’images de Dieu dans le judaïsme, de même qu’on ne prononce pas le nom divin. Mais le texte parle de représentations idolâtriques, de reproductions sculptées ou en métal fondu, comme le veau d’or…
Des scènes bibliques sont peintes dans les fresques de la synagogue de Doura-Europos (3e siècle) : Moïse sauvé des eaux par la fille de Pharaon, le prophète Samuel oignant David roi, par exemple. Sur la mosaïque de la synagogue de Bet-Alpha (6e siècle), on voit Abraham s’apprêtant à sacrifier son fils Isaac ; et sur celle de la synagogue de Gaza, des animaux : flamant rose, zèbre, lionne et lionceau. L’histoire d’Esther et le récit de la sortie d’Egypte ont particulièrement inspiré les miniaturistes qui ont orné d’enluminures superbes le Rouleau d’Esther, qu’on lit à la synagogue pour la fête de Pourim, et la Aggadah de Pâque qu’on lit en famille au soir de la Pâque juive.

« Que tes demeures sont aimées, Seigneur Sabaot » (Psaume 84,2)

Au temps de Moïse, la construction, au désert, de la Tente de la rencontre et de l’Arche de l’alliance fait l’objet des plus grands soins. Les travaux en sont confiés à Beçalel « que le Seigneur a rempli de l’esprit de Dieu pour qu’il ait sagesse, intelligence, connaissance et savoir-faire universel : création artistique, travail de l’or, de l’argent, du bronze, ciselure des pierres de garniture, sculpture sur bois et toutes sortes de travaux artistiques. » (Exode 35,30-33). Ce même Beçalel construit le chandelier à sept branches et tous les objets du culte. Quant à cette partie du vêtement appelée pectoral, il est précisé que c’est un « travail d’artiste » (Exode 28,15).

L’Occident célèbre Dieu surtout par ses cathédrales


Le Temple de Jérusalem bâti par Salomon fut à n’en pas douter un monument grandiose. Salomon le voulait « grand et admirable ». Malheureusement il fut entièrement détruit par Nabuchodonosor en 587 avant Jésus Christ et il n’en reste aucun vestige. Pour la construction, le roi de Tyr, Hiram, apporte son concours en fournissant et en acheminant les bois de cèdres du Liban. Salomon sollicite encore « un spécialiste qui travaille l’or, l’argent, le bronze, le fer, la pourpre, le carmin et le violet, et qui connaisse la sculpture ». Ce spécialiste, du nom d’Hiram, lui aussi, ouvrier sur bronze, plein d’habileté, d’intelligence et de savoir-faire" (1 Rois 7,14) est appelé à collaborer avec les spécialistes qui sont en Juda (2 Chroniques 2,6). Et c’est lui qui réalise tous les objets du culte.

« De tout votre art, accompagnez l’acclamation » (Psaume 33,3)

Il est évidemment difficile de se faire une idée de la valeur littéraire des récits bibliques dans leurs traductions. Pourtant, on reste particulièrement sensible à la poésie des psaumes.

L’Orient surtout par ses magnifiques icônes


Ces psaumes sont chantés sur un accompagnement d’instruments de musique, en chœurs alternés. « Criez de joie pour Dieu notre force, acclamez le Dieu de Jacob. Mettez-vous à jouer, faites sonner le tambour, avec la cithare mélodieuse, avec la harpe. Sonnez du cor au mois nouveau, à la pleine lune, pour notre jour de fête. » (Ps 81,1-4).

Même dans une traduction, le rythme de certains versets demeure bien perceptible :
"Quand je vois tes cieux, œuvre de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu’est donc l’homme pour que tu penses à lui, l’être humain pour que tu t’en soucies." s 8,4-5).

On tombe sous le charme mystérieux de certains autres :
« Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains. Le jour en prodigue au jour le récit, la nuit en donne connaissance à la nuit. Ce n’est pas un récit, il n’y a pas de mots, leur voix ne s’entend pas. Leur harmonie éclate sur toute la terre et leur langage jusqu’au bout du monde. » (Ps 19,2-5).

Certaines strophes témoignent d’une construction recherchée comme cette première strophe du psaume 37 qui joue sur le parallélisme dans le premier verset, puis sur une symétrie inversée des termes dans le second ; ce qu’en terme savant, on appelle un chiasme :

1 "Ne t’enflamme pas contre les méchants
ne fais pas de zèle contre les criminels
2 car ils se faneront aussi vite que l’herbe
et comme la verdure, ils se flétriront."

Il est des versets qui traduisent en images de profondes aspirations mystiques : « Comme une biche se penche sur des cours d’eau ainsi mon âme penche vers toi, mon Dieu » (Ps 42,2) ou « Dieu, c’est toi mon Dieu ! Dès l’aube je te désire ; mon âme a soif de toi ; ma chair languit après toi dans une terre desséchée, épuisée, sans eau » (Ps 63,2) et d’autres, la plainte poignante des exilés : « Là-bas, au bord des fleuves de Babylone, nous restions assis tout éplorés en pensant à Sion. Aux saules du voisinage, nous avions pendu nos harpes. » (Ps 137,1-2).

La Beauté est l’un des attributs de Dieu. Mais il n’y a guère que les mystiques qui s’en souviennent. « Tard, je vous ai aimé Beauté si ancienne et si nouvelle ; tard, je vous ai aimée. C’est que vous étiez au-dedans de moi et, moi, j’étais en dehors de moi. » (Saint Augustin, Confessions 10,27)

Bernard FAURIE
(paru dans Présence Mariste N° 264, Juillet 2010)[/bleu]

[1Chiara de Capoa. L’Ancien Testament, repères iconographiques. Ed. Hazan, p.8

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