
Eduquer à la beauté n’est pas le rôle d’un enseignant en arts plastiques et c’est pourtant l’idée que beaucoup d’élèves se font de cet enseignement. En effet, l’art est souvent assimilé au Beau, alors que bien des œuvres et des plus connues ne sont pas agréables à regarder : « mais ce n’est pas beau, madame ! » protestent les élèves devant « Guernica » ou « la femme qui pleure « de Picasso » … « Mais ce n’est pas de l’art ça ! » Disent-ils face à l’installation « Personnes » de Christian Boltanski.

Il est vrai que bien des œuvres de référence au collège ne sont pas forcément « belles », esthétiques, mais elles sont expressives, engagées, etc …et surtout elles font l’histoire de l’art. C’est au collège que l’on apprend pourquoi les artistes font aussi des œuvres dans lesquelles la recherche de l’esthétique n’est pas leur démarche artistique.
a évolué au cours de siècles
Les artistes ne cherchent plus à représenter la beauté des choses : une belle fille, un beau paysage, de beaux fruits avec de belles formes, de belles couleurs ; l’art au cours des siècles a cherché à exprimer des sentiments plus qu’à montrer des personnages, à imager la détresse et la souffrance, l’injustice plutôt que de reconstituer en image un moment de guerre, une victoire. Les artistes sont devenus libres et non des talentueux exécutants avec des sujets imposés par leurs commanditaires.
La beauté formelle, n’est donc plus le seul objectif des artistes contemporains, et c’est cette idée qui a guidé mon choix pour une sortie pédagogique : La 15e biennale d’art contemporain de Lyon, où sont présentées des œuvres réalisées spécialement pour ce lieu, les anciennes Usines Fagor (important site industriel lyonnais). Les installations, sculptures, vidéos, performances que nous y avons vues sont à la fois visuelles, sensibles, mais aussi politiques, poétiques, historiques, symboliques, philosophiques et sociales.
Ces œuvres d’art regardent notre monde, interrogent le spectateur…Et même si ces questions restent sans réponses ou en ont d’innombrables ; l’important est bien de s’interroger devant des œuvres qui nous parlent, et pas seulement de les contempler. Les élèves qui ont vécu cette expérience en sont ressortis avec des questions et surtout une découverte d’un langage artistique qui a la volonté d’ouvrir les esprits de chacun. C’est là que se trouve la beauté de ces œuvres, dans leur engagement, dans leur volonté de communiquer avec le spectateur, de les faire entrer dans les œuvres, de s’y installer même, d’y participer aussi. La beauté de ces œuvres, c’est vouloir être accessibles.

Montrez La Joconde a des élèves ; la plupart la trouvent plutôt laide et vieille, mais ils connaissent tous ce fameux tableau ; et s’ils vont un jour au musée du Louvre, ils iront le voir et feront certainement un selfie avec elle, parce qu’elle est populaire ! Donc ils n’admireront ni la subtilité du dessin, ni l’étrange composition du tableau, ni le mystérieux sfumato, mais s’approprieront ce tableau en posant devant, comme un arrière-plan !
Et oui si Léonardo savait ça !… Eh bien, à mon avis, il serait peut-être bien flatté, et même étonné de voir que plus de 500 ans après sa création, son tableau, attire des personnes de tous âges et que son image se retrouve sur tous les réseaux sociaux, certes en arrière-plan, mais encore là et partout sur la planète !
Dans un cours d’arts plastiques, la beauté plastique n’a pas beaucoup sa place puisque les élèves sont des apprenants à qui l’on doit enseigner : des techniques pour pouvoir s’exprimer à travers le volume, la peinture, le dessin, la photographie, la vidéo ; des notions didactiques, l’histoire de l’art pour façonner leur culture artistique….tout ça avec 1 heure de cours par semaine durant 4 ans…c’est beaucoup et cela ne suffit pas forcément pour en faire des artistes, mais leurs productions artistiques sont bien souvent étonnantes par le fait que s’exprimer à travers les arts plastiques ne leurs pose pas de problème, ils sont décomplexés, puisqu’ils ont appris et compris que l’art peut ne rien représenter, peut montrer des choses inesthétiques, dénoncer des faits graves, mais aussi parler de la vie quotidienne.

du travail collaboratif
Sculpter avec du carton, peindre avec des fourchettes, faire des productions artistiques éphémères, créer en collectivité, coopérer pour trouver une solution à une demande, les conduit à devenir libres et ouverts et à s’extraire de l’idée qu’il faut faire des productions agréables à regarder pour s’exprimer. C’est alors que réfléchir ensemble, faire, fabriquer, débattre pour un projet artistique prend toute sa dimension et c’est surement là que la beauté se trouve : dans la beauté du geste.
Collège les Maristes, Bourg-de-Péage