Les Assises de l’école (décembre 2001), la Biennale de la Formation (mai 2002) et le Congrès de l’O. I. E. C. à BRASILIA (avril 2002) constituent une série d’événements importants pour l’évolution de l’Enseignement Catholique de France en lien avec l’immense mutation mondiale en cours.
Nous remercions M. Paul MALARTRE, Secrétaire Général de l’E. C. d’avoir accepté de répondre à nos questions, malgré les multiples activités de sa lourde responsabilité afin de nous aider à mieux comprendre le chemin à parcourir.
Présence Mariste : Deux de ces rencontres sont nationales, la troisième est mondiale. Pouvez-vous mettre en évidence, pour les lecteurs de Présence Mariste, leurs aspects les plus importants.
Paul MALARTRE : Pour ce qui est des Assises, on peut dire qu’elles se résumaient en deux questions :
- Comment penser l’établissement scolaire autrement, en constatant aujourd’hui le décalage qui se creuse entre les attentes de la société et des jeunes par rapport à l’école, et les réponses qu’elle peut y apporter.
- Aujourd’hui qu’inventeraient nos fondatrices et fondateurs ? Nous avons observé tout long de l’histoire de l’E. C. que nos fondatrices et fondateurs ont émergé justement en des temps où il y avait un décalage très fort entre le système éducatif de notre pays ou d’autres pays et les attentes et défis éducatifs à relever. C’était cela nos Assises finalement : essayer d’être à notre tour des pionniers.
Ne pas dissocier formation pédagogique
et formation de la personne
Pour la Biennale de la formation, l’important était d’arriver à ne pas dissocier la formation pédagogique, de la formation de la personne dans tous ses aspects aussi bien intellectuels que relationnels, sociaux, spirituels, religieux. La formation n’est pas seulement une technique. L’E. C. se doit de l’organiser pour que tous les personnels puissent non seulement acquérir des compétences mais aussi comprendre le PROJET GLOBAL de l’E. C. pour mieux s’y engager.
Le Congrès mondial de l’OIEC à Brasilia, comme à Rome en 1994 et à Jaïpour (Inde) en 1998, avait pour but de développer au niveau mondial l’ouverture des écoles catholiques à tous et surtout aux victimes de toutes sortes de pauvretés ; tout en conciliant accueil et annonce explicite d’un Projet Educatif éclairé par l’Evangile. Question capitale, pour l’E. C. dans tous les pays du monde !
Finalement, la convergence éducative est assez nette dans la réflexion de ces trois rencontres.
P.M. Des chantiers nouveaux ont été lancés, pouvez-vous en évoquer les grandes caractéristiques ?
Paul MALARTRE : Le premier, qui découle des Assises, c’est le décloisonnement. Décloisonner : les horaires de certaines matières pour les annualiser ; les diverses disciplines, trop étanches entre elles, pour arriver à l’interdisciplinarité ; les relations entre les personnes au sein de la communauté éducative ; la collaboration école/famille dans l’intérêt de l’élève.
Nous avons ouvert le chantier de la mixité
Dans la foulée, nous avons ouvert le chantier de la mixité. Car, il n’est pas spontané que garçons et filles grandissent ensemble, sans un nécessaire discernement et accompagnement. Nous sommes dans un domaine que nous n’avons pas assez réfléchi.
C’est pourquoi nous travaillons en lien avec les revues OKAPI et PHOSPHORE de Bayard Presse. Nous avons commandé deux hors séries.
Pour PHOSPHORE : Halte au sexisme, car nous pensons qu’il y a une certaine forme de sexisme, qu’on le veuille ou non.
Pour OKAPI : Garçons et filles :vivre ensemble au collège. Il ne s’agit pas de revenir en arrière mais, au contraire, de se donner les moyens de réussir la mixité.
Pour les relations entre l’école et la famille, il n’y a pas de texte institutionnel concernant les parents dans l’Ecole Catholique.
Nous nous sommes mis au travail pour préciser cette place des parents dans la spécificité de l’Enseignement Catholique.
De plus, nous engageons une réflexion pour interroger, au cours de l’année 2003-2004, l’ensemble des établissements et des diocèses sur la place de la parole à l’école : la parole des élèves, des parents, des personnels… Cela suppose une réflexion assez large concernant les personnes au sein d’un établissement.
Enfin, suite à la Biennale, nous travaillons à une Charte pour la formation qui précisera comment s’organise la formation dans l’E. C. pour mettre en œuvre les orientations données tant à l’échelle nationale que régionale.
Ces chantiers poursuivent une finalité unique : être innovants afin d’éduquer les jeunes à vivre dans un contexte en profonde mutation. Oui, offrir une réponse pertinente, fondée sur un sens chrétien de l’homme, aux attentes éducatives actuelles.
P.M. Quelles perspectives nouvelles pour l’Ecole Catholique du XXIe siècle ?
Paul MALARTRE : Pour ce qui est de l’E. C. français, c’est la volonté de se situer de plus en plus comme partenaire du service public d’éducation. C’est le sens du contrat avec l’Etat et la mission que l’Eglise confie à l’E. C.
Mais comment être situé comme partenaire associé, sans être un enseignement parallèle ou pire, concurrent, et apporter notre contribution originale ? Nous venons de le vivre à propos de la mixité. Les responsables de l’Education Nationale ont également mis en route une réflexion sur ce sujet.
L’école catholique, une terre de mission
Parmi les perspectives nouvelles, il y a la situation que les sociologues constatent : une famille sur deux, aujourd’hui en France, inscrit l’un de ses enfants dans l’E. C. L’école catholique sera de plus en plus en terre de mission et dans une situation inédite d’ouverture à tous.
Comment ne pas tomber dans un une forme de relativisme religieux ? Comment ne pas diluer un caractère propre, c’est-à-dire un projet éducatif éclairé par un sens évangélique de la personne ?
Enfin, dernière perspective nouvelle, devenir toujours plus tête chercheuse dans les domaines éducatifs et pédagogiques. Là, ce n’est plus retrouver seulement l’intuition fondatrice de l’E. C mais essayer d’anticiper les questions éducatives qui se poseront en termes nouveaux.
Les enseignants disent souvent que l’on change aujourd’hui de plus en plus vite de générations d’enfants et de jeunes. Cela signifie que, à partir de la permanence du caractère propre, il nous faut sans cesse adapter le lien entre l’enseignement et éducation au sens de la vie. MISSION PASSIONNANTE !
Propos recueillis par les FF B. Méha et M. Bergeret
(Publié dans « Présence Mariste » n°235, avril 2003)