AUJOURD’HUI nous constatons avec joie la vitalité du jumelage des deux villes de, Mindelheim et Bourg-de-Péage, jumelage proposé par le maire, M. Henri Durand, en accord unanime avec les Péageois et accepté d’emblée par la ville allemande ; jumelage dont les avantages sont multiples au niveau des relations avec tout ce que cela suppose d’échanges, de rencontres et surtout d’amitiés… C’est si beau l’amitié … la vraie …
Les origines des relations entre Bourg-de-Péage (ville de la vallée du Rhône) et Mindelheim (cité bavaroise), remontent à 1928 et se situent dans les Etablissements des Frères Maristes dans ces deux villes.
DES PREMIERS CONTACTS…
A cette date, M. Aimé Durand, industriel en chapellerie à Bourg-de-Péage, dont les trois fils, Aimé, Paul (aujourd’hui docteur en médecine et maire de Tain -l’Hermitage) et Henri (maire et conseiller général de Bourg-de-Péage) furent élèves chez les Frères Maristes, rendit visite au Frère Céas Paulin, directeur de l’Institution Sainte-Marie, pour lui demander si, parmi les différentes institutions de Frères Maristes, un établissement, en Allemagne, pourrait recevoir son fils Paul afin qu’il perfectionne ses connaissances en langue allemande. Le Frère Directeur s’étant renseigné auprès de son collègue de Mindelheim eut le plaisir d’informer M. Aimé Durand que son fils Paul serait reçu dans cette cité bavaroise.
Paul Durand est retourné à plusieurs reprises en Bavière ; fervent alpiniste, il avait établi des relations amicales avec deux familles : le percepteur Bentèle et le dentiste Trapp.
La guerre coupa ces relations. Toutefois, en 1953, Paul Durand, apprenant que son frère Henri se rendait en touriste au Tyrol et en Bavière, insista afin qu’il -rende visite aux deux familles qu’il connaissait.
C’est ainsi que M. Henri Durand, alors maire de Bourg-de-Péage, fut reçu très aimablement par ces familles et fut frappé du côté agréable et accueillant de cette région. Il noua lui-même des amitiés avec la famille Trapp et suggéra des échanges pour ses fils lorsqu’ils seraient étudiants.
En 1958, Georges Durand, fils aîné de M. Henri Durand, aujourd’hui avocat et adjoint au maire de Romans, séjourna dans cette famille, suivi, quelques années après, par son frère Hubert.
En 1958, également, le maire de Bourg-de-Péage, frappé, au cours de sa visite à Mindelheim, par les grandioses festivités qui se déroulaient dans cette ville : réception de plus de cent fanfares et harmonies souabes, chercha à prendre contact avec l’administration de cette ville pour établir des relations entre sociétés musicales, pour commencer.
Il trouva, en la personne de Franz Krach, alors bourgmestre de Mindelheim, un européen convaincu, magnifiquement secondé par Julius Strohmayer, alors receveur municipal, et aujourd’hui bourgmestre.
Dès 1960, les contacts, qui étaient restés au niveau spontané et personnel, se transformèrent en contact officiel.
A ce moment, les Français et les Allemands faisaient un grand pas vers la conciliation et aboutissaient à une entente cordiale d’intérêt et de paix. C’est alors que M. Henri Durand, membre de l’Assemblée Nationale, profita de cette bonne ambiance pour élargir cette amitié en créant un jumelage effectif : l’humour des Bavarois correspondant si bien à la bonne humeur des Français du Midi.
AU JUMELAGE EFFECTIF
La première lettre officielle du maire de Bourg-de-Péage à son collègue de Mindelheim date du 14 mars 1961. A la proposition du jumelage est jointe une invitation à une visite officielle d’une délégation de Mindelheim à Bourg-de-Péage. La réaction heureuse ne se fit pas attendre ! Le 21 mars, les édiles de Mindelheim décidèrent, à l’unanimité, de faire le jumelage tant désiré.
Et la première délégation de Bourg-de-Péage arrivait le samedi 8 avril 1961. La soirée se déroula harmonieusement. On échangea des cadeaux et un banquet suivit.
Le lendemain, dimanche, la Stadtkapelle donna un concert au château de Frundsberg ; l’après-midi on visita la ville. Le soir, la réunion se déroula dans une ambiance des plus amicales.
Mais, pour ne pas en rester à de simples paroles, on décida immédiatement d’organiser, pour les jeunes, des échanges de séjour, ce qui, depuis, en a prouvé sans cesse les précieux avantages.
Et, avec regret, les Péageois rentrèrent chez eux le lundi 10 avril. « Le Dauphiné Libéré » , enthousiasmé par les scènes vraiment émouvantes de cette première rencontre, relata tout cela. Les Péageois furent surtout émerveillés de la qualité de l’organisation, de l’accueil et des contacts humains. Bien entendu, M. le Maire remercia, dans une lettre élogieuse, ses collègues bavarois.
Et ce fut le tour de la délégation de Mindelheim qui arriva cette même année, le 6 juillet 1961. Ce jour-là - au soir - il y eut une grande réception à la mairie. Le 7 juillet ce fut la visite d’une usine de chaussures, à Romans, et de caveaux dans les environs de Tain - l’Hermitage. L’après-midi, on se retrouva à l’Aéro-Club de Romans. Nos invités survolèrent la région de Bourg-de-Péage. Il y eut, enfin, le dépôt d’une gerbe au monument aux Morts, au cimetière, scène pleine de signification, qui se renouvelle actuellement. En soirée, une représentation de gala du Ballet National Tchèque termina joyeusement la journée au terrain des sports.
Le lendemain, 8 juillet, grande réunion, à la salle des fêtes de Bourg-de-Péage. Aux morceaux de musique de la fanfare péageoise succédèrent ceux de l’orchestre à plectre de Romans-Bourg-de-Péage et le groupe folklorique « Empi et Riaume » présenta des danses pittoresques. Mais, le summum de la soirée ce fut lorsque la Stadtkapelle monta sur le podium et qu’Henri Durand, au son de la fanfare, perça un tonneau de bière, amené de Mindelheim. Il régna une telle ambiance que les pessimistes - qui ne croyaient pas à une réconciliation entre les deux peuples - devinrent optimistes…
Et, le dimanche 9 juillet 1961, les autorités signèrent les documents officiels du protocole d’amitié : - Nous, Henri Durand, maire de Bourg-de-Péage, et Franz Krach, bourgmestre de Mindelheim, prenons l’engagement solennel de maintenir des liens permanents entre les municipalités de nos villes, de favoriser, en tous les domaines, des échanges entre leurs habitants, en vue de développer, par une meilleure compréhension mutuelle, le sentiment vivant de la fraternité européenne, de conjuguer nos efforts afin d’aider, dans toute la mesure de nos moyens, au succès de cette nécessaire entreprise de paix et de prospérité : l’unité européenne… »
L’exécution des hymnes nationaux termina la cérémonie. Après le déjeuner, les hôtes allèrent à Valence, embarquèrent sur un bateau et naviguèrent sur le Rhône jusqu’à l’usine Blondel, de Bollène-Mondragon - promenade impressionnante pour tous les participants -. Et ce fut avec peine que le jour suivant on se sépara de la ville jumelle si accueillante.
DES JOURNEES INOUBLIABLES
Le premier échange de jeunes fut des plus encourageants. Accompagnés par deux Frères du Collège des Maristes, douze lycéens de Mindelheim arrivaient à Bourg-de-Péage, le 14 juillet 1961, pour y séjourner pendant trois semaines. La réception fut magnifique : on offrit aux jeunes Allemands un séjour riche en nouveautés : des voyages à la Grande Chartreuse, puis dans l’Ardèche pittoresque, enfin dans le Vercors, tout cela alternant avec des heures de repos à la piscine moderne de Bourg-de-Péage.
Ces premiers - ambassadeurs - de Mindelheim revinrent à la maison bavaroise tous enchantés ; ils emmenaient avec eux douze jeunes Français qui allaient, en échange, vivre trois semaines en Bavière. De son côté, Mindelheim rendit leur séjour aussi agréable que possible, par des voyages à Ottoneuren, au lac de Constance et aux châteaux royaux. Jamais Mindelheim n’avait vu, dans ses murs, autant d’hôtes que du 11 au 15 août 1962.
Le samedi matin, 11 août, trois voitures de Mindelheim partirent pour Constance pour accueillir les hôtes français : quatre cars et de nombreuses voitures privées - soit les officiels avec leurs épouses, la fanfare Sainte-Cécile, les joueurs de cor le groupe folklorique « Empi et Riaume » -, en tout plus de 300 visiteurs.
Au Kolhlberg, au croisement de la route nationale et de celle qui mène à Erkheim, les membres de l’Automobile-Club de Mindelheim attendaient nos amis, et, ainsi, une colonne, longue de plusieurs kilomètres, s’étendit jusqu’à Mindelheim : une voiture française, une voiture allemande… De nombreux anciens combattants avaient les larmes aux yeux…
En ville, des gens heureux, des drapeaux, de la musique, comme si on allait revoir des amis que l’on attendait depuis des années…
Le soir même, sous la tente de la fête de la bière, il y eut une soirée bavaroise pour montrer à nos hôtes quelle ambiance la Stadtkapelle pouvait créer.
Le lendemain, dimanche 12 août, à 8 h. 30, un service religieux fut célébré et notre chorale surprit nos hôtes avec une messe de Mozart merveilleusement interprétée. A 10 h. 30, grande fête au théâtre municipal. Le préfet de Souabe présidait. On remit des cadeaux, les protocoles d’amitié furent échangés, les hymnes nationaux retentirent puis une fête sensationnelle se déroula au temple des muses de Mindelheim. Après le banquet, nos hôtes présentèrent, en soirée, un programme de choix ; le groupe folklorique « Empi et Riaume - eut un énorme succès.
Le lundi 13 août, on donna quartier libre : visite des musées, des écoles, de l’hôpital moderne, ou bien contacts personnels avec les habitants de Mindelheim.
Le mardi 14 août, la plupart allèrent visiter Munich et le mercredi 15 août, fête de la Vierge, le Père Escoffier, notre dévoué curé, célébra la messe de l’Assomption, pendant que les joueurs de cor exécutaient une mélodie inédite.
Mais il fallait penser au retour… Devant l’hôtel de ville, la télévision bavaroise fit son apparition pour filmer les danses du groupe folklorique français et les deux fanfares se retrouvèrent dans la salle du Kolping pour le déjeuner.
Carnaval à Mindelheim
Puis sonna l’heure des adieux. A 15 heures, tous se rassemblèrent de nouveau sous la tente de la bière ; de nouveau les hymnes nationaux résonnèrent, et, à 15 h. 20, sur la place de la Croix-Rouge envahie par la foule, la caravane géante française se mit en route ; on pouvait croire que c’étaient de vieux amis qui prenaient congé. Le « Dauphiné Libéré » , sur des pages entières, relatait l’accueil inoubliable, le climat merveilleux de Mindelheim. La ville jumelle avait tout fait pour rendre les séjours de ses hôtes aussi agréables que possible. Le conseil de la ville de Mindelheim fit un compte rendu de cette visite et décida qu’à chaque manifestation officielle l’on hisserait, à côté du drapeau de Mindelheim, le drapeau aux couleurs de Bourg-de-Péage.
UNE AMITIE SANS FRONTIERES
Oui, nous constatons, aujourd’hui, la vitalité du jumelage Bourg-de-Péage-Mindelheim…
Depuis douze ans, en effet, se sont poursuivies et même intensifiées les cordiales relations liant les deux communes. En plus des contacts officiels, nous notons de plus en plus des échanges entre les sociétés culturelles et sportives, entre des groupes de jeunes des deux villes organisés par les municipalités, et aussi les liens d’amitié se font plus spontanés et plus étroits entre de nombreuses familles.
Aux dires du maire de Bourg-de-Péage et de nombreuses personnalités, les Frères Maristes ont grandement facilité ces relations.
A Mindelheim, nombreux sont les Péageois qui, en visitant le Maristenkolleg, furent surpris de la façon parfaite dont les Frères allemands parlaient correctement le français.
Il faut dire que, de 1937 (période où ils furent expulsés d’Allemagne) à 1945, ces Frères enseignèrent notre langue française dans nos écoles du Liban.
En terminant, nous rapportons un fait qui montre l’esprit de fraternité du jumelage :
En août 1971, - L’Impartial - de Romans-Bourg-de-Péage publiait la lettre suivante adressée à M. le Maire de Bourg-de-Péage par un habitant de Montpellier :
« Fin juillet 1971, je roulais en voiture avec ma famille (six enfants) en direction de Salzbourg. J’aime rouler de nuit, mais, lorsqu’à 6 heures du matin, je voulus faire le plein d’essence à Mindelhein toutes les stations étaient fermées. Nous n’avions pas de monnaie allemande. « Pendant que je réfléchissais, une voiture s’arrêta près de moi ; le chauffeur s’approcha et me demanda pourquoi je ne pouvais aller plus loin. Il m’emmena à une autre pompe à essence : elle était aussi fermée…
Venez donc chez moi prendre le petit déjeuner… dit-il.
« Ce n’est pas possible ! on ne débarque pas à 6 heures du matin, avec six enfants, chez les gens. »
« Mais si, mais si, ma mère sera contente de vous préparer quelque chose…
_ « Nous fûmes reçus comme des rois : pain, beurre, confiture, café, cacao pour les petits ! Tout cela avec une gentillesse énorme ; puis il nous dit qu’il doit partir à son travail. Je le remercie, vous pensez bien, aussi chaudement que possible, et c’est alors qu’il m’a répondu :
« C’est tout naturel, notre ville est jumelée avec Bourg—de-Péage, en France ! Alors quand un Français se trouve en panne chez nous : c’est bien normal que nous l’aidions, ou alors à quoi bon faire un jumelage !…
« Et il partit travailler… nous laissant avec sa mère. Nous avons passé là presque deux heures que nous ne sommes pas près d’oublier ! »
Sous l’égide de Marie, Reine de la Paix, les Frères Maristes sont heureux d’avoir participé à l’heureuse réussite de ce jumelage et avoir ainsi apporté leur contribution au rapprochement et à l’amitié de deux grandes nations européennes.
Bourg-de-Péage, ce 8 décembre 1972.
« Frère BONAVENTURE dit "Tchaou" ! du service d’accueil des Maristes à 26300 Bourg-de-Péage »(Dans Voyages et Missions n°117 - avril-mai 1973)
« Voyages et Missions » est devenu « Présence Mariste » à partir du n°137 en octobre 1978.