Yaoundé est une bien jolie ville
Yaoundé, capitale du Cameroun, est une bien jolie ville à 700 rn. d’altitude, tout en petites collines, les villas et même les cases d’indigènes sont disséminées sous les palmiers et les bananiers. Il ne fait pas trop chaud en cette saison. La chrétienté est florissante. Une cathédrale très vaste, déjà ouverte au culte, est en train de se terminer. Elle peut contenir 5.000 personnes et se remplit quatre fois le dimanche. En semaine, elle est déjà animée dès 5 heures du matin.

Les préparatifs à Yaoundé
Le dimanche 24, je suis l’invité de la famille Charbonnère. L’après-midi, nous faisons un tour dans la brousse. Nous voyons beaucoup de « broussards » français, la plupart exploitants forestiers. Ils estiment beaucoup les Pères, comme ils disent, leur rendent service autant qu’ils peuvent, ne mettent pas les pieds à l’église qu’ils ont cependant aidé à construire et dont ils sont fiers.
Les autres jours, je ne travaille pas toujours dans ma chambre, je fais des tours en ville et dans les environs. La plupart des gens saluent en disant en leur langue « Loué soit Jésus-Christ », mais je ne sais pas comment il faut leur répondre. Mardi 26, je vais visiter à 4 km d’ici, l’important établissement des Frères des Ecoles Chrétiennes : une résidence importante située au sommet d’une colline. Tout autour : un juvénat, un collège, une école normale, d’immenses terrains. Je visite, j’interroge, je recueille des indications précieuses.
Pas de nouvelles de Berbérati !
Mercredi 27, c’est grande fête au pays : l’anniversaire du ralliement du Cameroun à de Gaulle : gerbe au monument aux morts, défilé, musique, beaucoup de bruit. Mais moi, je commence à m’inquiéter Il y a une semaine que j’ai débarqué ! Pas de nouvelles de Berberati ! Le camion neuf est-il arrivé ? Je songe à télégraphier. Cela peut se faire par radio, mais la poste est fermée, jour férié.

Ils vont exécuter un morceau pour nous
A peine de retour, M. Charbonnère vient me voir, il avait reçu, la veille, un télégramme : le camion est en route. Tout ira bien maintenant s’il ne pleut pas, car, lorsqu’il pleut, il faut que les véhicules lourds s’arrêtent et attendent 4 heures après que la pluie a cessé. Et nous sommes à la saison des pluies. De fait, dans le courant de l’après-midi, le Frère Directeur m’accoste dans la rue, le camion venait de me dépasser. Il était chargé de manioc, fret intéressant pour aider à payer les frais de déplacement. C’est encore M. Charbonnère qui nous reçoit tous. Nous sommes quatre : deux Frères Capucins et deux Frères Maristes.
Le camion est chargé, nous voilà en route
Le surlendemain 29, les commissions sont faites, le camion est chargé, et nous voilà en route. Par moments, il pleut un peu. C’est une question d’interprétation. Il nous faudra quand même trois jours pour parcourir les 700 km. La route devient de plus en plus mauvaise à mesure qu’on s’éloigne de la ville, le camion est bien chargé et penche parfois dangereusement. La vitesse de pointe est de 40 km. La piste chemine à travers la forêt ou la savane. Ce n’est pas une région de gros gibier : ni lions, ni panthères pas même de singes. Seulement de petites bêtes et des serpents.

Enfin le collège
Les villages sont très espacés et construits à proximité d’un marigot, bain public municipal. Les enfants s’en donnent à cœur joie, les grandes personnes se tournent pudiquement à nôtre passage. Le soir nous nous retirons dans une des rares missions qui jalonnent la route, ce qui nous permet de constater ce qu’est la vie des missionnaires dans ces régions. Les uns ont au moins l’avantage de vivre et de travailler en équipe, mais d’autres sont tout seuls, se dépensent à des œuvres multiples et ne notent pas toujours les résultats de leurs peines.
Le dernier jour, 31, les villages sont en fête, des danses se préparent, un groupe exécute un petit numéro pour nous et demande des cigarettes en récompense. Des femmes se mettent spontanément à faire des mouvements rythmiques dès que notre camion paraît. On dirait que la frénésie de la danse a saisi toute la population.
Enfin, nous entrons dans la mission de Berbérati
Enfin, à 7 heures du soir, il fait déjà nuit noire, nous entrons dans le magnifique domaine de la mission de Berbérati où nous sommes joyeusement accueillis par les Confrères déjà sur place, par les Pères, par Monseigneur. La journée se termine autour d’une belle table bien garnie pour la circonstance. Puis c’est la visite de notre école toute neuve à la lumière blafarde des lampes à pétrole, le merci au Seigneur, le repos. La voyage aura duré 31 jours.

Les premiers élèves
Quand on ne veut qu’arriver, on prend l’avion , quand on veut voyager, on chemine par les routes, les mers, la voie ferrée, la piste…
F. Paul-Eugène Claussner
(Publié dans « Voyages et Missions » n°55, Noël 1958)