Je contemple le mur de pierre sur lequel repose le bâtiment d’origine sur une assise de rocher taillé par Champagnat. Il est le symbole du dépassement des difficultés et des contrariétés qu’il rencontra pour réaliser son projet éducatif grâce à sa ténacité, sa persévérance et sa confiance en ses petits frères, en Jésus et Marie…
Comme architecte, j’estime que, pour réformer l’espace fondateur, il faut pénétrer au cœur de l’Institut pour rendre visible cette grâce que j’appelle le « charisme mariste », et la projeter vers l’avenir. Soudain, en contemplant ces murs, jaillit de mon cœur une inspiration inattendue. Saisi d’émotion, je vois comment mettre en valeur le rocher dans La Salle bleue et la salle du 2e étage. L’expression poétique et plastique de la roche travaillée, encadrée et éclairée délicatement, exprimera symboliquement la foi de Marcellin dans son projet. La lecture, jusqu’alors voilée, conduira au Seigneur qui bâtit la maison (Ps 126) ; ainsi, l’expérience des pionniers (1824), nous la vivrons nous aussi au XXIe siècle !
Il est inévitable et nécessaire d’interpréter le passé au présent et de le projeter dans l’avenir, en lisant et en comprenant son caractère profond. La beauté, vécue comme expression du besoin humain de communiquer, me renvoie philosophiquement à la manifestation du transcendant, car par l’esthétique j’arrive à l’équilibre, la mesure, la symétrie, l’harmonie, et par la neuroscience j’identifie comme beau ce qui m’émeut… En commençant le chantier, j’ai pris en compte ces aspects.
Bien que le bâtiment à partir duquel je devais retrouver et révéler la présence de Champagnat, ait été a priori peu attrayant, je devais, grâce à une expérience immédiate cognitive et sensible, « créer » de la beauté.
Le nouveau bâtiment, fondé sur les postulats de l’architecture moderne (Le Bauhaus, 1920), symbolise la révolution que le XXIe siècle exige des Maristes de Champagnat, disciples de Jésus. Le message est très actuel : de grands espaces vitrés, ouverts à la beauté de la vallée, avec une structure de conception simple et des formes géométriques basiques, contrastant avec le bâtiment originel construit par Champagnat, et Le Rocher, de facture plus classique.
Cette conception a permis de remodeler et de contraster des espaces : la Cour Saint-Joseph (lumière et vide, espace bouleversant) ; l’appartement privé de Champagnat, d’une beauté sereine, qui émeuvent les cœurs disposés à se laisser toucher. Transparence : caractéristique essentielle de l’être mariste.
À l’Hermitage, la belle composition architecturale rend visible l’invisible. En harmonisant mon travail créatif d’architecte, d’artiste et de mystique ; en rompant, par les symboles, les limites temporelles existantes, je lève le rideau et montre ce qui est caché. Aujourd’hui, celui qui se promène sur le site manifeste et perçoit la beauté, trouvant intérieurement l’espérance profonde en quelque chose de meilleur qu’il doit rechercher. Les symboles, bien agencés, avec soin et mesure, permettent de se déplacer d’un lieu dans un autre (per visibilia ad invisibilia), sans se laisser enfermer dans les images.
L’Hermitage : Lieu qui humanise, point de Rencontre de mon mystère avec le Mystère.