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Ils sont « inclassables ». On les a insérés dans la troisième partie de la Bible où l’on a rassemblé les Écrits aussi différents que sont les Psaumes, le Cantique des cantiques, les livres d’Esther, de Ruth, de Daniel, d’autres encore… Mais pourquoi parler de cette littérature de sagesse ?
Des livres de « civilité »
Ces livres sont déjà en quelque sorte, dans l’Antiquité, des livres de civilité. On en trouve non seulement dans la Bible mais aussi dans toute la littérature du Moyen-Orient, de la Mésopotamie à l’Égypte et à la Grèce.
Les auteurs bibliques y font d’ailleurs allusion et ne manquent pas de s’en inspirer. L’auteur du livre des Rois nous dit que « La sagesse de Salomon surpassa la sagesse de tous les fils de l’Orient et toute la sagesse de l’Égypte. » (1R 5,10). « Les Grecs cherchent la sagesse », écrit l’apôtre Paul aux gens de Corinthe (1Co 5,22). Les livres de sagesse ont un lien évident avec l’éducation en ce sens qu’ils développent longuement les rapports du père avec ses enfants, du maître avec ses disciples.
La source de la sagesse
Dans les livres de sagesse du monde antique, la sagesse est d’origine royale. Elle dicte la conduite d’un homme de cour. Le point commun de ces livres avec les livres bibliques est qu’ils enseignent à se conduire droitement et intelligemment dans les diverses circonstances de la vie. Mais dans la Bible, la source de la sagesse est ailleurs. « La sagesse d’où provient-elle ? » s’interroge Job (28,12). La réponse est dans le Siracide : « Toute sagesse vient du Seigneur » (1,1) Telle est aussi la pensée de l’auteur des Proverbes : « C’est le Seigneur qui donne la sagesse » (2,6). À quoi fera écho l’apôtre Jacques, dans le Nouveau Testament : « Si la sagesse fait défaut à l’un de vous, qu’il la demande à Dieu, elle lui sera donnée. » (1,5).
Le fondement de la sagesse
Il est dans l’amour de Dieu et dans l’amour des hommes. Il est dans l’amour que Dieu porte aux hommes dès l’aube de la création. « Il fit les cieux avec sagesse car éternel est son amour » chante le psaume 136 et dans l’amour que les hommes réciproquement portent à leur créateur. Dans le langage biblique cet amour est appelé crainte du Seigneur. Il faut comprendre : craindre de ne pas répondre à cet amour. "La crainte du Seigneur, voilà la sagesse, s’écarter du mal, c’est l’intelligence" dit encore Job en faisant l’éloge de la sagesse (28,28). La littérature de sagesse insiste sur cette crainte du Seigneur, expression qu’il faut donc interpréter de manière positive.
« La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse » disent en chœur le Siracide (1,14) et l’auteur du livre des Proverbes, qui ajoute : « et l’intelligence est la science des saints » (9,10).
« La sagesse c’est le livre des commandements de Dieu, c’est la Loi qui existe pour toujours » dit le prophète Baruch (4,1). La sagesse est effectivement identifiée à la Loi, à la Thora : « La Loi que Moïse nous a prescrite » dit le Siracide (24,23). Le fondement de la sagesse est donc aussi dans l’amour que les hommes doivent se porter mutuellement. On se souvient de la règle d’or énoncée en Matthieu 7,12 :
« Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse » (Pr 3,13)
La sagesse est « un esprit ami de l’homme… elle est pour les hommes un trésor inépuisable » (Sg 1,6 ;7,14). Ses bienfaits sont innombrables. Le livre du Qohélet ne tarit pas à ce sujet. Avec la sagesse, Dieu donne à l’homme science et joie (2,26). Elle transfigure celui qui la possède : « La sagesse d’un homme illumine son visage et la dureté de son visage en est transformée » (8,1). Et aussi : « Mieux vaut la sagesse que la puissance… mieux vaut la sagesse que des engins de combat » (9,16.18). La sagesse est un héritage à transmettre, « elle fait vivre ceux qui la possèdent » (7,12).
Jésus enfant modèle de sagesse
J’imagine que certains vont contester en objectant que la conduite de cet enfant de douze ans qui fausse compagnie à ses parents n’est pas très exemplaire ! On peut répondre à cela que c’est pour la bonne cause : « Ne saviez-vous pas, dit Jésus à ses parents, qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais l’évangéliste Luc a pris soin d’encadrer son récit de deux observations qui le précèdent et le suivent immédiatement. « Quant à l’enfant, écrit-il d’abord, il grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse, et la faveur de Dieu était sur lui. » (2,40) Puis, l’incident passé : « Jésus progressait en sagesse et en taille et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes » (2,52). Autant dire qu’il ne faut pas se méprendre sur le sens de cet épisode qui n’a rien d’une incartade.
Quoi qu’il en soit, la sagesse n’est pas l’apanage des cheveux blancs et je me plais à rapporter, en conclusion, les paroles d’Elihou, dans le livre de Job : « Je suis un jeune, moi, et vous, des vieux. Aussi craignais-je et redoutais-je de vous exposer mon savoir. Je me disais : »l’âge parlera, le nombre des années enseignera la sagesse« . Mais en réalité, dans l’homme, c’est le souffle, l’inspiration du Puissant, qui rend intelligent. Être un ancien ne rend pas sage, et les vieillards ne discernent pas le droit ».
C’est pourquoi je dis : « Écoute-moi et je t’exposerai mon savoir, moi aussi. » (32,6-9).
Bernard FAURIE
(paru dans Présence Mariste N° 265, octobre 2010)
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