Le pape François invite à réfléchir sur l’engagement et la participation des jeunes dans l’Église, lors d’un synode qui se tiendra à Rome en octobre prochain.
Le terme “synode” semble bien convenir au thème de réflexion proposé. Il nous vient du grec qui joint deux mots : “sun, avec” et “odos, chemin”. Un synode est à la fois une assemblée et un compagnon de voyage. Et donc, dans un synode, il y a des accompagnants et des accompagnés qui les uns et les autres marchent sur le même chemin. Où l’on voit le lien entre les aînés et les jeunes. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les aînés ne sont pas des maîtres, car comme le dit saint Augustin, il n’y a qu’un maître, le maître intérieur, Dieu qui parle au cœur : « Nous parlons mais c’est Dieu qui instruit, le maître de tous est celui qui habite en nous tous. » Les aînés sont plutôt des moniteurs, et cette fois au sens latin du mot “monitor”, celui qui guide, conseille. Au théâtre c’était le souffleur.
Ce retour à l’étymologie n’a pour but que de rappeler le rôle des uns et des autres et en gardant bien à l’esprit que l’Église de demain, ce sont les jeunes qui la feront.
« Dieu parle par le biais des plus jeunes » dit le pape François. L’Ancien Testament en donne des exemples dans les récits de vocation d’Abraham, de Moïse, de Samuel, de David, des prophètes Isaïe, Jérémie … ; et le Nouveau Testament dans l’annonciation à la Vierge Marie ou l’appel de premiers disciples. Il n’est pas étonnant que ces récits s’impriment profondément dans nos mémoires. Ils ont un parfum de jeunesse, d’inattendu. Ils sont porteurs de promesse et d’avenir.
Le récit de la vocation de Samuel, dans le livre qui porte son nom (1S 3), est familier. La scène se passe dans le temple de Silo où « le petit Samuel servait le Seigneur en présence d’Éli ». Dans la nuit, Samuel entend une voix et, croyant que c’est le grand prêtre Éli qui l’appelle, « se rend en courant près d’Éli et lui dit : “Me voici” ». Ainsi Samuel se révèle dans sa spontanéité et sa confiance, d’autant plus que « Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur. » Le Seigneur appelle encore Samuel une deuxième et une troisième fois. Éli joue maintenant son rôle de “monitor” : « Il comprit alors que le Seigneur appelait l’enfant. Éli dit à Samuel : “Retourne te coucher.” Et s’il t’appelle, tu lui diras : Parle Seigneur, ton serviteur écoute. »
Samuel devient “juge” en Israël, c’est-à-dire qu’il a la charge de gouverner le peuple et il a mission, de la part du Seigneur, d’appeler le jeune David à la royauté. Samuel se rend à Bethléem dans la maison de Jessé. Et là, il aperçoit d’abord le fils aîné, Éliav, et « certainement, se dit-il, le messie du Seigneur est là. Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille. Il ne s’agit pas ici de ce que voient les hommes ; les hommes voient ce qui saute aux yeux mais le Seigneur voit le cœur. » Après avoir fait défiler devant lui les sept fils de Jessé, Samuel interroge : « Les jeunes gens sont-ils au complet ? Jessé répondit : “Il reste encore le plus jeune ; il fait paître le troupeau.” Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher… Le Seigneur dit à Samuel : “Lève-toi, donne-lui l’onction, c’est lui.” » (1 S 16, 4-13)
La scène de l’annonce à Marie de la naissance de Jésus, dans l’évangile de Luc (1, 26-38), est dans toutes les mémoires, les peintres en ayant fait aussi un sujet de prédilection.
« L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu à une jeune fille. Cette jeune fille s’appelait Marie. L’ange entra auprès d’elle et lui dit : “Sois joyeuse, toi qui a la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi.” »
Marie ne se démonte pas : où l’on voit qu’elle vit constamment dans la présence de Dieu. Simplement « elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. » Et ce n’est pas tout à fait sans condition que Marie donne son assentiment. Elle veut comprendre : « Comment cela se fera-t-il ? » L’ange l’ayant mis au fait du projet divin :
« Marie dit alors : “Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi comme tu l’as dit” ».
Que la réponse à un appel n’aille pas de soi, on en a un bel exemple dans la vocation de Moïse. Moïse discute âprement, pied à pied, et tente d’esquiver. Ses objections pleuvent : « Qui suis-je pour aller vers pharaon et faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? … S’ils me disent : “Quel est son nom, que leur dirai-je ?…" Mais voilà, ils ne me croiront pas, ils diront : “Le Seigneur ne t’est pas apparu !…." Je t’en prie, Seigneur, je ne suis pas doué pour la parole… »
Et à bout d’arguments :« Je t’en prie, Seigneur, envoie le dire par qui tu voudras ! » (Ex 3, 11-4,13) Finalement Moïse obtempère, mais après quel combat, un cœur-à- cœur, comme on parle d’un corps-à-corps.
Car c’est bien d’une affaire de cœur qu’il s’agit. Une vocation, c’est une élection, un choix d’amour gratuit de la part de Dieu auquel l’élu est invité à répondre. Dans le langage biblique, cette relation d’amour est exprimée par le verbe “connaître” qui désigne d’abord une relation charnelle : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme » dit Marie à l’ange Gabriel. Mais une vocation implique aussi une relation privilégiée, un choix d’amour. C’est ainsi que Dieu explique son choix d’Abraham : « J’ai voulu le connaître afin qu’il prescrive à ses fils et à sa descendance d’observer la voie du Seigneur en pratiquant la justice et le droit ; ainsi le Seigneur réalisera pour Abraham ce qu’il a prédit de lui » (Gn 18, 19). Et de même le choix de Jérémie : « Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais ; avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré, je fais de toi un prophète pour les nations. » (Jr 1,5).
Nous sommes tous appelés à œuvrer en Église dans cette relation d’amour.