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La Bible nous apprend à penser… avant de parler

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À entendre comment tu parles, je te dirai qui tu es - "Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur" - "Un coup de fouet laisse une meurtrissure, mais un coup de langue brise les os" - "Quand vous parlez, dites “Oui“ ou “Non“ ; tout le reste vient du Malin" (Publié dans Présence Mariste n°285, octobre 2015)

Le langage, nous disent les dictionnaires, est la manière de s’exprimer et de communiquer avec les hommes. Sans doute… Mais je dirai simplement, en modifiant légèrement la définition, que le langage est la manière de s’exprimer et de communiquer entre les hommes. Le langage exprime d’abord la personne elle-même, le locuteur. Dans la relation à autrui, le langage peut être aussi la meilleure ou la pire des choses. Le langage peut être encore manipulateur, un instrument de perversion. Voilà les trois points que je veux aborder et surtout illustrer en puisant dans les textes bibliques.

À entendre comment tu parles, je te dirai qui tu es

Notre « accent » révèle notre origine. L’apôtre Pierre en fait la douloureuse expérience. Dans la scène de la comparution de Jésus devant le Sanhédrin, Pierre a suivi Jésus, de loin, jusque dans la cour du Grand-Prêtre. Dans les récits évangéliques de son reniement, Marc et Luc disent que Pierre est reconnu par tous ceux qui sont là autour de lui, comme Galiléen. Mais à quoi l’ont-ils ainsi reconnu ? Matthieu est seul à nous l’apprendre :

Bernard Faurie

« Ton accent te trahit » (Mt 26, 73).
Les élèves le savent bien : l’accent particulier de l’un ou de l’autre peut leur valoir des moqueries.

Les enseignants savent aussi qu’un langage de charretier ne révèle pas une grande âme. Le philosophe grec Platon, fait remarquer dans l’un de ses dialogues, Phédon, que
« L’incorrection du langage n’est pas seulement une faute contre le langage même ; elle fait encore du mal aux âmes ».
Un langage ampoulé n’est pas de meilleur augure. Sauf, évidemment, si on s’y livre par simple jeu ou provocation. Dans l’une de ses controverses avec les Pharisiens et leurs scribes, Jésus rétorque que
« ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, mais ce qui en sort » (Mt 15, 11).
Et dans un autre contexte, Jésus dit à ses disciples 
« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6, 45).

Dans la Bible, les livres de Sagesse dénoncent le bavard car
« où abondent les paroles, le péché ne manque pas » (Pr 10, 19), le sot, car « l’homme aux propos stupides court à sa perte » (Pr 10, 8), l’indiscret, car « tel se rend odieux à force de bavarder » (Si 20, 5), le flatteur, car « une bouche enjôleuse conduit à la ruine » (Pr 26, 28).
On pourrait facilement multiplier les citations, mais on retiendra pour en finir qu’il y a
« un temps pour se taire et un temps pour parler » (Qo 3, 7).

Les paroles qui tuent… et celles qui font vivre

Ce sont les paroles malheureuses de certains parents ou même de professeurs excédés :
« Tu es un bon à rien, tu n’y arriveras jamais… »
Là encore les livres bibliques de Sagesse offrent un abondant florilège :
« Un coup de fouet laisse une meurtrissure, mais un coup de langue brise les os » (Si 28, 17).

Jésus parlait généralement à la foule en araméen, la langue qui prévalait en Galilée ; il utilisait l’hébreu dans les lectures et dans les disputes publiques à la synagogue.


Pire encore sont les médisances, les faux serments.
"Quand vous parlez, dites “Oui“ ou “Non“ ; tout le reste vient du Malin" (Mt 5, 37).
Comme en écho la lettre de Jacques reprend :
« Que votre oui soit oui et votre non, soit non, pour que vous ne tombiez pas sous le jugement » (Jc 5, 12).

Mais il y a aussi les paroles qui font vivre. On pourrait aussi puiser largement dans les livres de Sagesse :
« Joie pour un homme dans ses réparties ! Un mot dit à propos, comme c’est bon ! » (Pr 15,23) ;
“Des pommes d’or avec des motifs d’argent, telle une parole dite à propos" (Pr 25, 11).
Mais la parole source de vie est évidemment par excellence la Parole de Dieu. C’est par sa Parole que Dieu crée le ciel et la terre. On peut aussi rappeler que ce que nous appelons habituellement les Dix Commandements, que Moïse écrit au Sinaï sur les tables de pierre, sont les Dix Paroles de l’Alliance.

La parole manipulatrice

Dans la mesure où il ne peut être compris par l’autre, le langage est une marque d’appartenance communautaire. Un professeur n’apprécie pas que des élèves parlent devant lui une langue qui lui est étrangère… La Bible offre un curieux exemple de l’utilisation de la langue comme « code secret ».

La Tour de Babel

Au second Livre des Rois on raconte que le roi d’Assyrie, Sennachérib, a envoyé un émissaire pour « prendre langue » avec les représentants du roi de Juda, Ézéchias, juchés sur les murailles de Jérusalem assiégée. Les porte-parole d’Ézéchias demandent à l’émissaire de Sennachérib de parler en araméen « car nous le comprenons ; mais ne nous parle pas en judéen aux oreilles du peuple qui est sur la muraille ». Cela ressort de la simple tactique stratégique ou plutôt de la guerre psychologique.

Il y a pire, lorsque l’utilisation du langage vise manifestement à tromper et à manipuler. Dans l’antiquité Platon dénonçait les sophistes, ces maîtres à penser au langage fallacieux et séducteur, subtil et mensonger. À sa manière, la Bible nous alerte sur cette dérive du langage dans la fameuse histoire de la tour de Babel.

Dans cette histoire il est question d’une ville, Babylone ; d’une tour, surmontée d’un temple dédié au dieu Mardouk, une ziggourat, et d’une langue, langue universelle. Babylone s’identifiait à sa tour puisque le nom même de Babylone signifie « Porte des dieux ». La ziggourat exaltait la puissance royale et précisément à l’époque de la déportation des Judéens à Babylone, Nabuchodonosor avait entrepris de la restaurer. L’auteur biblique fait le procès de l’orgueil sans mesure, de la soif de puissance, de l’appétit du pouvoir. Il s’insurge contre tout impérialisme, y compris linguistique ! En jouant sur les mots, notre auteur fait de la « Porte des dieux » le « Pays de la cacophonie ».

L Esprit de Pentecôte

À cet épisode biblique fait écho celui de la venue de l’Esprit-Saint à la Pentecôte. Les Juifs venus à Jérusalem « de toutes les nations qui sont sous le ciel » entendent les apôtres leur parler dans leur propre langue (Ac 2, 1-6). On saisit la nuance. Les Juifs rassemblés entendent la parole des apôtres, chacun dans sa propre langue. Il n’est plus question de parler la même langue, mais d’entendre, de comprendre l’autre qui s’exprime dans une autre langue. La parole s’est intériorisée, Dieu parle au cœur. "La variété des langues qui était, à la tour de Babel, signe de dispersion et d’éparpillement, dit saint Cyrille d’Alexandrie, est devenue dans le Christ, signe du rassemblement dans l’unité, par l’Esprit, le gage de l’accès aux réalités d’en haut".

Bernard Faurie
(Publié dans « Présence Mariste » n°285, octobre 2015)

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