Cette année 2015 est une année consacrée à la « vie consacrée » des hommes et des femmes « consacrés » à Dieu. Que voilà beaucoup de « consécrations » ! Et cela demande quelques explications. Si l’on se réfère au langage biblique, en hébreu dans l’Ancienne Alliance, et en grec dans la Nouvelle Alliance, « consacrer » signifie toujours « rendre saint, sanctifier ».
Un temps, un lieu, un objet peuvent être consacrés à Dieu.
Un temps :
le repos du septième jour, le Shabbat.
Un lieu :
le temple de Jérusalem, et, dans ce temple, plus encore le « Saint des Saints », ce qui signifie le lieu le plus saint.
Un objet :
l’autel du sanctuaire, le chandelier et tout ce qui est nécessaire au culte. Et dans tous ces cas, c’est toujours Dieu qui consacre.
La consécration par excellence, celle de l’homme
Dans l’Ancienne Alliance, Dieu veut que le premier-né lui soit consacré. Marie et Joseph se conforment à ce rite, lors de la présentation au temple. Plus largement encore, Dieu veut que ce soit l’homme qui lui soit consacré.
« Vous serez pour moi des hommes saints »
lit-on dans le livre de l’Exode (Ex 22, 30), car faits à l’image de Dieu. Et non seulement, mais tout le peuple que Dieu s’est choisi :
« Vous me serez une nation sainte » (Ex 19, 6).
C’est que Dieu lui-même est saint :
« Soyez saints parce que je suis saint » (Lév 19, 2).
Dieu est source et seule source de toute sainteté.
Dans la Nouvelle Alliance, l’apôtre Paul rappellera avec force à la communauté de Corinthe que l’Église de Dieu est une Église sanctifiée, « consacrée », et que ceux qui la composent, le Peuple de Dieu, se doivent d’être saints, consacrés au Seigneur.
Le consacré par excellence, Jésus
Dans l’Église, l’appel à la sainteté, à la consécration à Dieu, trouve sa source et sa justification en Jésus lui-même. C’est lui que le Père a consacré et envoyé dans le monde (Jn 10, 36). Jésus, révélation du Père est saint comme son Père est saint. C’est ce que les apôtres ont bien compris :
« Nous, nous avons cru et nous avons connu que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6, 69).
Tous les chrétiens sont appelés à la sainteté…
Le Concile Vatican II l’affirme à plusieurs reprises.
« Les baptisés sont consacrés pour être une demeure spirituelle et un temple saint… pour porter témoignage du Christ sur toute la surface de la terre et rendre raison de l’espérance qui est en eux ».
Mais en reconnaissant aussi que
« tous ne marchent pas par le même chemin ».
On peut donc dire, au sens large, que tous les chrétiens sont des « consacrés ». Mais dans un sens plus habituel, et avec une signification plus restreinte, l’appel à une « vie consacrée » ne peut concerner qu’un petit nombre, dans la mesure où la consécration va jusqu’à une exigence totale, d’un don total et de l’être et de l’action.
… mais certains plus particulièrement
Dans ce sens plus précis, plus « technique », si l’on peut dire, la première des « consacrées » et la plus parfaite, est la Vierge Marie. C’elle qui, dit le Concile
« donnant à la parole de Dieu son consentement, devint Mère de Jésus et, épousant à plein cœur, sans que nul péché ne la retienne, la volonté divine de salut, se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l’œuvre de son Fils, pour servir dans sa dépendance et avec lui, par la grâce du Dieu tout-puissant, au mystère de la rédemption ».
Tout le programme d’une vie consacrée se trouve ainsi parfaitement tracé.
Ce n’est pas sans raison que la fête de la présentation au temple marque un temps fort de cette année de la « vie consacrée ». Car, outre le modèle parfait qu’est la Vierge Marie, l’évangile de Luc nous propose aussi celui d’Anne, la prophétesse, qui, nous dit l’évangéliste,
« ne s’écartait pas du temple, participant au culte jour et nuit par des jeûnes et des prières ».
Mais Anne ne se contente pas de cette vie de recluse pieuse :
« Elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem ».
Ainsi donc, Anne peut être considérée comme le modèle de toute personne consacrée qui, à la différence de Marie, n’est pas exempte de péché. Modèle d’une vie toute donnée à Dieu, au service de Dieu et des autres, ses frères et sœurs en humanité.
Les ordres religieux, les communautés religieuses, anciennes et nouvelles, dans leur grand diversité et aux multiples visages, se réclament tous de Fondateurs ou de Fondatrices qui ont vécu une consécration d’une manière plus entière, plus absolue, plus exigeante, et qui sont en quelque sorte une référence. Les uns se réclament de Benoît de Nursie ou de François d’Assise, d’autres de Thérèse d’Avila ou d’Ignace de Loyola, d’autres de Jean Bosco ou de Mère Teresa, d’autres de Jean-Baptiste de La Salle ou de Marcellin Champagnat.
Et dans chacune de ces familles religieuses, il y a des figures émergeantes, des figures de proue, modèles d’une vie consacrée hors du commun. L’Église nous en propose chaque jour, des saints d’autrefois et d’autres plus récents, des modèles pour tous, hommes et femmes, et pour toute génération, et pour toutes les nations. Chacun peut se référer à celles ou à ceux qui ont marqué leur vie et dans leur vie.
Et voilà qui explique le titre énigmatique de cet article. J’ai évidemment pensé à Baudelaire et à son évocation de ses artistes préférés dans ce beau poème qui justement a pour titre « Les Phares ». Ces artistes se sont eux-mêmes « consacrés » à leur art. Mais l’art est aussi un reflet de la perfection divine…
Pour tous les chrétiens, et non seulement pour les « consacrés », pour les « spécialistes en sainteté », les phares sont Marie, Anne la prophétesse, Pierre et Paul et combien d’autres. Et chacun peut nommer les siens, ceux avec lesquels il se sent plus en affinité, ceux dont ils portent les prénoms. Et, à leur suite, dans leur sillage, les « consacrés » d’aujourd’hui sont aussi des « phares », des repères, des ponts entre Dieu et nous. Comme pourrait le dire le poète à leur sujet, il sont « vraiment le meilleur témoignage de notre dignité ».