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Silence qui nous fait vivre !

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Ce silence, c’est le lieu du tout en puissance. C’est le lieu de tous les possibles, lieu expurgé des contraintes et des convenances de la pensée… C’est le lieu de la poésie, et de la véritable création, celle du gratuit et de la générosité… C’est le lieu du sens ! (Présence Mariste n°304, juillet 2020)

A propos du bruit
Michel Duchamp

Nous vivons dans le bruit, bruit d’une actualité toujours plus proche et sans recul, bruit de nos angoisses devant des avenirs incertains, de nos stress devant les jugements des autres et de nos propres jugements ; bruit de nos envies de consommation, de nos jalousies et de nos colères, bruit de notre irrépressible volonté de pouvoir et de domination.

Tout simplement, le bruit de notre vie, de notre existence, de nos soucis et de nos joies, de nos espoirs et de nos déceptions.

Le bruit de nos projets, de ce « je » qui veut vivre, qui veut être reconnu et qui veut être aimé… De ce « je » qui toujours construit un futur ou regrette un passé, qui ne se contente jamais du présent. …

Nous sommes tous faits comme cela, ce sont nos vies !

Enfin, c’étaient nos vies… Jusqu’à ce qu’un virus remette les comptes à zéro, et foudroie cette société fondée sur tout cet assourdissant brouhaha. Que sont devenues nos certitudes et les prétendus fondements de la société ? Ce qui était impossible se passe et donc devient possible : nous pouvons vivre autrement que sous la coupe de la finance, et de la rentabilité. Et revenir à l’essentiel : nous.

Le silence toujours présent, en arrière-plan du bruit… Le vrai moi

Des semaines de confinement ! Et de silence !
Mais ce silence est bien plus que l’absence de bruit …

Et il existe bien sûr indépendamment de tout confinement forcé, au plus profond de nous-mêmes. Il est ce qui reste lorsqu’on enlève toutes nos constructions mentales, toutes nos structurations et tous nos jugements… Il est le vide de tout cela ! Mais il n’en est pas pour autant le néant…

Nous croyons trop souvent que Dieu n’écoute pas nos questions ;
C’est nous qui n’écoutons pas ses réponses
. (François Mauriac)
Marc Chagall, la création de l’homme.
Photo : Marc Chagall

On l’a tous déjà découvert : l’expérience de la maladie, du décès d’un proche, d’un départ à la retraite et des ruptures qu’il entraîne, ou tout simplement le désir de se retrouver, on peut être sans faire ! On peut être, tout court… sans se projeter et construire des palais. Il n’y a plus alors d’avenir, ni plus de passé, il n’y a que le présent… Il n’y a qu’être là, ici et maintenant comme on dit au yoga, sans penser, sans analyser, sans construire… C’est tout simplement être là pour voir et pour sentir… Même pas pour observer… Être là pour voir, seulement… Sans recherche de notoriété et de reconnaissance, et encore moins de profit…

Le silence, lieu de tous les possibles…

Ce silence, c’est le lieu du tout en puissance. C’est le lieu de tous les possibles, lieu expurgé des contraintes et des convenances de la pensée… C’est le lieu de la poésie, et de la véritable création, celle du gratuit et de la générosité… C’est le lieu du sens !

C’est ce que Paul appelle l’amour : « J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, … s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante… L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. L’amour ne passera jamais » (Paul aux Corinthiens)…

C’est le contraire de notre bruit de tous les jours ! De l’agitation et des calculs qui font notre existence… Mais c’est tout de ce que je suis vraiment… Car sans lui, je ne suis rien !

Le silence fait partie intégrante de la communication et sans lui
aucune parole riche de sens ne peut exister
. (Benoît XVI)

Au milieu de ce silence, je ne suis pas seul ! L’amour a besoin d’un autre, a besoin des autres… « Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, pour l’homme, il ne trouva point d’aide semblable à lui. Alors l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit ; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. » (Gn 2, 20-22). Dans ce second récit de la création, en créant Ève, plus que la femme, c’est l’autre que Dieu crée ! Il fait de l’homme un humain, en lui donnant l’autre, et la parole pour qu’il se révèle à lui, et qu’ils se répondent, le je et le tu ! (D’après Marie Balmarie, la Divine Origine, 1993)

Grandir ensemble, voilà l’essentiel ! Ne pas grandir seul, ne rien faire qui asservisse l’autre en le mettant à mon service, ne rien faire sans l’autre… La parole qui m’unit à l’autre n’a rien à voir avec le bruit… Elle a sa part dans le silence qui me fonde… Voilà la conviction que je retrouve au fond de moi-même et qui donne tout son sens à la vie…

Ce silence, ce n’est pas la mort, c’est la vraie vie, celle qui est le levain du vrai progrès de l’humanité… Silence qui accompagne les développements de l’humain, mais qui peut aussi hurler contre les injustices de la vie, les avilissements de l’homme ou de la nature et les injures à l’esprit du bien !

Les grandes villes du monde, réduites au silence

Retrouver ce silence, en moi, au fond de moi, même au milieu du bruit, au milieu des autres… N’y a-t-il pas un récit, dans la vie de Marcellin Champagnat, où l’on voit le saint fondateur, à la recherche des soutiens officiels de la Monarchie de Juillet, calme et serein dans les rues bruyantes de Paris, profondément ancré dans sa conviction que son Institut est une œuvre de bien.

Retrouver ce silence, avec l’autre, comme le bateau retrouve son port… Pour repartir vers d’autres aventures…
Sur d’autres bases…

Quelles leçons allons-nous tirer de ces expériences uniques que nous avons vécues ? Quel monde va surgir du silence que ce drame sanitaire nous a imposé ?
Un monde meilleur, c’est sûr  !

Michel DUCHAMP
(Publié dans « Présence Mariste » n°304, juillet 2020)

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