Le salut vient des Juifs dit Jésus à la Samaritaine (Jean 4,22).
Quand on se souvient que le mot salut et le nom Jésus ont, en hébreu, même racine, on peut comprendre que le Juif Jésus est lui-même le salut, né d’une femme juive nommée Marie, Miryam. (Luc 1,23)
Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, Paul adresse un vibrant hommage à ceux qu’il appelle ses frères de race selon la chair, les Juifs. Ils sont les fils d’Israël à qui appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte et les pères, eux enfin de qui, selon la chair, est issu le Christ (9,2-5).
L’hommage de Paul rejaillit en premier lieu sur celle dont est né Jésus, Marie née sous la loi, selon l’expression de Paul, une loi dont elle est fidèle observante. En Marie s’accomplit la nouvelle alliance, ce qui fait d’elle le parfait modèle des croyants.
Basilique de l’Annonciation à Nazareth
Miryam, de Nazareth, en Galilée
Miryam. C’est ainsi qu’on l’appelle dans la langue de son pays, l’araméen. Mais ce nom se trouve aussi dans les textes bibliques qu’elle entend lire à la synagogue de son village de Nazareth. Les femmes étaient alors nombreuses à porter ce nom dont elles étaient fières. Marie n’était-ce pas le nom de la sœur de Moïse et d’Aaron ? Six autres femmes dans les évangiles se prénomment aussi Marie.
Les évangiles, qui ne se veulent pas des livres d’histoire, ne nous renseignent pas sur l’enfance de Marie ni sur la vie du jeune couple de Marie et Joseph, sinon que celui-ci est de la lignée du roi David et que tous deux vivent à Nazareth, une bourgade inconnue de l’Ancien Testament bien que son existence soit attestée depuis le 7e siècle avant notre ère.
Quoi qu’en disent les évangiles apocryphes, qui ont inventé de multiples détails sur l’enfance de Marie, entre son père qu’ils appellent Joachim et sa mère, Anne, puis sur ses fiançailles avec Joseph, la biographie de Marie nous est inconnue, mis à part ce que le Nouveau Testament lui-même nous en dit.
On ignore tout, bien sûr, de son apparence physique. Mais on aime à se la représenter très belle. Un pèlerin anonyme du 6e siècle observe que dans la ville de Nazareth, la grâce des femmes juives est telle que nulle part dans le pays on n’en peut trouver de plus belles et elles disent qu’elles doivent cela à sainte Marie qui le leur a accordé, car elles disent qu’elle était leur parente.
Village actuel d’Aïn Karem
A quoi semble faire écho, plus près de nous, Charles Péguy qui parle de celle qui est pleine de grâce.
« Parce qu’elle est pleine de grâce… Parce qu’elle est la plus humble des créatures. Parce qu’elle était une pauvre femme, une misérable femme, une pauvre juive de Judée. » (Le Porche de la deuxième vertu).
Marie, fidèle observante de la loi
On sait en revanche que Marie est apparentée à Elizabeth, l’épouse du prêtre Zacharie, mère de Jean le baptiste. Elisabeth appartient elle aussi au milieu sacerdotal. On peut au moins en déduire que Marie est née dans un milieu très religieux. Il n’est pas inintéressant de noter qu’Elisabeth est aussi le nom de la femme d’Aaron (Ex 6,25). Marie et sa parente Elisabeth portent donc les noms, l’une de la sœur d’Aaron et l’autre de son Epouse…
Marie se montre fidèle observante de la loi de Moïse. Son fils est circoncis huit jours après sa naissance, comme le prescrit la loi (Lévitique 12,3) et reçoit le nom de Jésus, un nom d’abord porté par le successeur de Moïse, Josué, qui a fait entrer le peuple hébreu dans la terre promise.
Trente trois jours plus tard, Marie monte au Temple pour y être purifiée, en conformité avec la prescription de ce même Lévitique (12,1-8), pour y présenter son enfant ainsi qu’il est écrit dans la loi du Seigneur, précise Luc, citant explicitement le livre de l’Exode (13,2) et pour offrir le sacrifice des pauvres : un couple de tourterelles ou deux petits pigeons suivant ce qui est dit dans loi du Seigneur, insiste encore Luc en se référant encore au Lévitique (2,22).
Puis chaque année, Marie, Joseph et l’enfant Jésus montent à Jérusalem pour la fête de la Pâque (Luc 2,41)
Marie, modèle des croyants
Marie est une femme de prière. Luc nous dit des disciples et de Marie, réunis dans le cénacle après l’ascension de Jésus, que tous, unanimes, étaient assidus à la prière (Actes 1,14). La prière de Marie se nourrit de la méditation constante des Ecritures révélées à son peuple. Marie est celle qui retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur dit Luc, par deux fois (2,9 et 5,1). Nul doute qu’elle n’ait mis en pratique, à la lettre, ce que Moïse demandait à Josué :
"Ce livre de la Loi ne s’éloignera pas de ta bouche ; tu le murmureras nuit et jour afin de veiller à agir selon tout ce qui s’y trouve écrit." (Jos 1,8)
Texte en hébreu du Magnificat
Le chant du Magnificat que Luc met sur les lèvres de Marie (1,46-55) en est la parfaite illustration. C’est une sorte de florilège de beaux textes empruntés pour la plupart au cantique d’Anne, dans le 1er livre de Samuel (2, 1-10) et aux psaumes. Mais toutes ces réminiscences se présentent spontanément sur les lèvres de Marie.
Le récit de l’Annonciation (Luc 1,25-38) témoigne aussi de la familiarité de Marie avec les Ecritures. Si Marie est très troublée par la salutation de l’ange Gabriel, elle n’est nullement décontenancée ni effrayée. C’est que les paroles de l’ange tombent, peut-on dire, dans une terre préparée. La salutation « Réjouis-toi » résonne en elle comme en écho aux paroles des prophètes Sophonie (3, 14-15) et Zacharie (9, 9) :
« Réjouis-toi, fille de Sion, car le Seigneur est en toi. »
Marie comprend que la réponse qu’elle va donner l’engage, elle, mais aussi tout son peuple qu’elle représente. Et elle adhère à cette nouvelle alliance de Dieu avec l’humanité comme autrefois les Hébreux, au Sinaï, avaient adhéré à l’alliance de Dieu avec eux :
« Tout ce que Yahvé a dit nous le mettrons en pratique. » (Exode 19, 8)
Marie, la petite juive de Nazareth, accueille la bonne nouvelle du salut au nom d’Israël son peuple et au nom de tout le peuple à naître qui mettra sa foi, comme elle, en ce fils qu’elle va enfanter, Jésus le Sauveur.
Bernard FAURIE
(Publié dans Présence Mariste n°246, janvier 2006)