Durant les agapes, quelques mots échangés dans la langue du pays provoquent étonnement et sympathie. Les langues se délient, on parle du pays, le Cambodge, des voyages que chacun peut y faire et d’où l’on revient souvent déçu de ne pas retrouver le pays tel qu’on l’a quitté. Reviennent également les souvenirs des années noires sous le régime des Khmers Rouges entre 1975 et 1979, la fuite éperdue dans la forêt, les camps de réfugiés en Thaïlande et le départ pour la France.
Les jeunes, eux, rares dans ce genre de rencontre, se sentant peu concernés, écoutent sans rien dire.
Ces fêtes et réunions avec des migrants asiatiques, je les ai vécues depuis plus de vingt ans, contacts avec des coutumes curieuses, des langues difficiles, une religion inconnue, le bouddhisme, et avec des hommes et des femmes venus de l’autre bout du monde porteurs de leurs richesses et de leurs souffrances.
Peu à peu, les rencontres façonnent le regard
De longs moments vécus ensemble dans les camps de réfugiés d’abord, puis au Cambodge et maintenant en France avec ces familles de migrants m’ont appris à regarder et surtout à ne pas juger. Pour que la rencontre soit vraie et fructueuse, je crois qu’il faut beaucoup d’humilité, se garder de comparer, prendre du temps et tenter de discerner ce qui se cache derrière la façade.
Au fait, qu’ai-je donc tant découvert dans mes fréquentations avec Asiatiques, Africains, Maghrébins, Polonais et autres ?
Une vérité toute simple et toute banale, celle que nous sommes tous issus de la même pâte humaine faite d’amour, de désir de paix et de rencontres amicales. J‘ai aussi appris que toutes les religions n’avaient au fond qu’un seul et même objectif : apporter aux hommes des réponses aux grandes questions sur la vie, la souffrance et la mort et ainsi procurer paix et espérance.
La fréquentation du bouddhisme dans les pagodes et aussi au dojo zen de Champs sur Marne est un exercice très apaisant ; je m’y rends fréquemment avec un plaisir sans cesse renouvelé. Pour le chrétien que je suis, la fréquentation du bouddhisme m’apporte beaucoup. M’ouvrant à l’universalité, je me sens encore plus catholique comme le dit si justement Maurice Pivot : « L’Eglise est catholique non seulement par une dynamique d’ouverture à tous les peuples, mais parce qu’elle a besoin de tous les peuples pour manifester le vrai visage du Christ ressuscité. »
La rencontre comme moyen d’évangélisation…
Méditer sur le regard de Jésus, se laisser imprégner par lui est une source d’enseignement sans cesse renouvelée : sa rencontre avec la Cananéenne (Marc 7-24 et ss) m’étonnera toujours. Je n’aurai jamais fini de méditer ce passage où Jésus se laisse transformer au contact de cette étrangère qui lui fait remarquer qu’elle aussi a droit au partage du gâteau qu’il est venu apporter par son incarnation. Si cette femme étrangère est arrivée à changer le regard de Jésus, combien dois-je moi aussi me laisser transformer dans les rencontres, par les richesses et les sourires de tous ceux qui m’entourent à condition, bien sûr, que je fasse le pas pour aller vers eux… Comme Jésus a si bien su le faire durant toute sa vie.
Y arriverai-je totalement ? Il me faudra bien toute ma vie et, comme le diraient mes amis bouddhistes, il me faudra probablement encore bien d’autres vies après pour y parvenir !
Frère Bernard VIAL
Lagny sur Marne (77)
(paru dans Présence Mariste N° 258, janvier 2009)