La famille, une bonne nouvelle ?

La recherche d’un bonheur dans la construction d’une famille apparaît comme un objectif de vie fondamental. ( « Présence Mariste » n°252, juillet 2007)

Josiane PASCAL est animatrice en pastorale pour l’école de l’Évangile, elle assume diverses responsabilités au sein de la communauté vie chrétienne (CVX) et achève des études de droit canonique qui l’ont déjà conduite à entrer en relation avec l’officialité régionale de Lyon. Dominique est juge aux affaires familiales dans une juridiction de la région. Il fait partie de l’équipe d’animation de l’école de l’Évangile et assume également une responsabilité dans la communauté vie chrétienne.

De nombreuses enquêtes d’opinion montrent qu’une majorité de nos concitoyens, les jeunes en particulier, placent la famille en tête des valeurs fondatrices, structurantes de tout homme, la recherche d’un bonheur dans la construction d’une famille apparaissant dès lors comme un objectif de vie fondamental.

Dans ce même temps, le nombre de divorces ne cesse d’augmenter (un mariage sur deux à Paris, un sur trois en régions), le nombre des mariages ne cesse de stagner voire de diminuer, la natalité, globalement, a considérablement baissé, même si la France a connu une embellie récente et d’ailleurs relative.

Le repas constitue un moment privilégié de la vie familiale

Les fondements anthropologiques de la société eux-mêmes sont discutés, contestés, remis en cause, présentés comme « discriminants ». Ainsi, du mariage unissant nécessairement un homme et une femme, ainsi, de la parenté et de la filiation qui seraient dissociables de la réalité de l’altérité (complémentarité) sexuelle.
Paradoxes ? Signes d’un désir plus fort que l’air du temps ? Marques d’une dimension surnaturelle du mariage et de la famille ?

En relisant notre histoire

Mariés, parents de trois grands enfants, autonomes ou en voie d’autonomie, entourés de sœurs et frères plus âgés, mariés, parents et grands-parents, et d’amis dans des situations similaires, nous sommes à l’âge où la vie permet à la fois la relecture d’un passé (dans le deuil nécessaire d’une vie familiale quotidienne à la maison) et le discernement de ce qui nous fait tenir (hier comme aujourd’hui) au-delà de tous ces attachements auxquels nous tenons pourtant tellement.

Notre histoire conjugale, depuis près de 30 ans, est avant toute histoire familiale. Celle de familles qui nous ont fait l’un et l’autre, et vis-à-vis desquelles nous avons acquis distance, autonomie et amour en vérité (y compris dans l’acceptation de leurs insuffisances ou de leurs limites), celle de la famille que nous avons fondée ensemble, établie sur l’engagement de notre mariage, accomplie dans la transmission de la vie à trois enfants, eux-mêmes arrivant aujourd’hui à l’âge d’une nouvelle fondation familiale possible.

Dans tous ces trésors de vie, que trouvons-nous, que voyons-nous ?

Que les souvenirs les plus forts sont ceux d’une enfance heureuse, entre un père et une mère, aux côtés de frères et sœurs, au milieu de cousins ou cousines.

Tendres souvenirs d’un temps fondamental d’enfantement à la vie sociale, dans la sécurité affective, la stabilité d’un système de valeurs de référence, éventuellement discutable, mais structurant par son existence et sa persistance mêmes.

Que les crises de l’adolescence, vécues par nous-mêmes, mais aussi par nos enfants ou nièces, neveux, enfants d’amis, se sont d’autant mieux transformées en semences de vie libre que des parents étaient présents, envers et contre tous les caprices ou contradictions, tenant bon dans le vent parfois décoiffant de cet âge, acceptant d’être les remparts contre lesquels il est possible de se heurter, sans les vaincre.

Que ces crises, mais encore des différends ou disputes, ont pu permettre de générer des relations nouvelles, équilibrées entre des enfants jeunes adultes et des parents pas encore trop vieux.

Que la tendresse entre générations, de grands parents à petits-enfants, peut-être un refuge provisoire, le lieu de confidences, d’ouverture à des savoirs non écrits au jardin, à l’atelier ou en promenade, autour d’un jeu de société, dans des temps gratuits de vacances ou de week-end.

Que les relations entre frères et sœurs, pas toujours aussi faciles que cela, peuvent aussi être facteur de stabilité, de sécurité, dans une filiation commune de valeurs, de culture, de traditions, de coutumes…

En regardant autour de nous

Mais que constatons-nous aussi dans la réalité de notre monde ? Le sacrifice de plus en plus lourd de l’enfance sur l’autel des nouvelles idoles de l’accomplissement personnel, de l’individualisme triomphant, du refus de tout engagement dans la durée.

Quelles conséquences pour notre société tout entière que ce délitement du mariage, du couple parental, et plus généralement de la famille ?

Combien d’enfants aujourd’hui sans cadre de vie stable, sans lieu d’attachement et d’enracinement, sans l’assurance de retrouver au quotidien une maman ou un papa, au moins pour le bisou du soir, sans moment gratuit partagé en famille pendant des vacances ou des fins de semaine ?

Combien d’enfants seuls, terriblement seuls, pendant que des mères exténuées occupent des emplois précaires et peu rémunérés pour tenter de joindre les deux bouts ?

« La famille permet au petit d’homme de grandir dans le désir et l’amour partagés »

Combien d’enfants grandissant seuls, comme des herbes folles, sans un adulte à qui parler, à qui s’opposer, à qui se confier, ou à aimer tout simplement ?

De plus en plus d’enfants sont en échec scolaire.

De plus en plus d’enfants font l’objet d’un suivi social, médical, psychologique, et tous les besoins sont, nous le savons, loin d’être couverts.

Quelle est donc cette société qui n’aime ses enfants que dans les publicités et pendant les temps festifs de consommation frénétique, tel celui des fêtes de fin d’année ?

Alors oui, la famille est, encore et toujours, bonne nouvelle pour tout homme et pour le monde.

« Origine et fondement de la société humaine… Cellule première et vitale de la société… » , la famille permet au petit d’homme de naître et de grandir dans le désir et l’amour partagés, d’y éprouver sa différence, sa singularité, son caractère unique, sans trop de peurs ni d’angoisses, mais aussi d’y découvrir le conflit non définitif, la différence qui n’exclut pas, la conscience de soi sans isolement mortifère.

Une enfance heureuse en famille, une adolescence accomplie, dont on a pu sortir, permettent de quitter un jour cette famille, pour aller vers soi-même , sans rien renier ni oublier, en écrivant son propre code de valeurs sur des fondations en grande partie héritées, directement ou indirectement, de cette famille même.

Parce qu’elle seule permet à l’homme de connaître concrètement qu’il n’est pas sa propre origine, et que sa vie, reçue, lui donne aussi une responsabilité inscrite dans une communauté, la famille est vraiment bonne nouvelle aujourd’hui comme hier, et demain comme aujourd’hui, au-delà des modes, des orgueils humains et de la tentation immémoriale de se prendre pour Dieu lui-même.

Josiane et Dominique PASCAL

(Publié dans « Présence Mariste » n°252, juillet 2007)

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