Qui va sur le net chercher des renseignements concernant Jean-Olivier Allègre tombe sur des articles qui évoquent sa passion pour les montres. « Dès ma plus tendre enfance, confesse-t-il, j’ai été attiré par les montres. J’ai toujours été fasciné par le temps qui passe. Mon père m’a offert ma première belle montre pour mes 18 ans. Il l’avait fait refaire sur les bases d’un calibre datant de 1869… C’est-à-dire mon année de naissance plus un siècle ! C’était tout simplement génial ! »
Mais réduire la pensée et l’action de Monsieur Allègre à celle d’un collectionneur passionné de montres serait réducteur. Pour Présence Mariste, il a bien voulu parler de son parcours. Quand le métier devient passion.
Présence Mariste : Monsieur Allègre, pouvez-vous nous dire quels chemins vous avez empruntés avant d’en arriver à votre travail de consultant en entreprise ?
Jean-Olivier Allègre : D’abord, je veux dire que j’ai été profondément marqué par un de mes professeurs de philosophie quand j’étais en terminale B, sciences économiques. Ce fut une année déterminante. Notre professeur avait une pratique très « vivante » de la philosophie. Je découvrais le lien avec l’existence, avec le réel. J’aurais aimé faire des études de philo ; la figure de Socrate me plaisait. Mes parents se montrèrent réticents sur les débouchés d’études philosophiques. J’ai suivi alors deux années d’études économiques, avant de pouvoir me consacrer pleinement à la philosophie.
PM : Puis vous êtes revenu à la philo ?
Oui, à la catho de Lyon où j’ai étudié pendant cinq ans. Là, j’ai été particulièrement marqué par les cours du Père Gire. Je me suis passionné pour les philosophes présocratiques. Je cherchais à faire le lien entre la pensée et la vie. Je réfléchissais à ce qu’on fait ensemble, comment on construit la cité, comment on peut passer du consensus imposé au consensus discuté. L’enseignement à la catho était très dynamique.
PM : Et après la catho ?
Pas génial ! J’ai connu deux années difficiles. « Avec la philo, on ne sait rien faire » clamait-on dans le monde de l’entreprise. L’ANPE décréta même que j’étais « réfractaire au travail ». Mais un psychologue, consulté alors, me trouva « normal ». À l’ANPE toujours, je me retrouvai dans un groupe de réflexion sur la construction du projet professionnel et m’orientai vers le conseil de management en entreprise.
PM : Et vous avez trouvé du travail ?
Oui, je suis entré dans un cabinet qui faisait de la formation en management ; mais j’étais toujours « atypique », dans ma démarche à dominante philosophique. Je m’interrogeais sur les valeurs en entreprise, et en quoi elles pouvaient être des leviers de motivation et de performance. Ma pratique n’étant pas comprise, j’ai quitté le cabinet.
PM : Et alors ?
Nous étions en 2002. C’est alors que j’ai créé Parrhésia, Conseil en Culture d’Entreprise et Management. Je revendiquais ma posture de philosophe. Il s’agissait pour moi de conseiller les dirigeants et d’articuler questionnement philosophique et problèmes concrets afin de construire des projets d’entreprise. Puis j’ai partagé ce projet avec Sophie Girard qui a rejoint le cabinet en 2003 et qui a mis toute son énergie et son sens de la relation au service de la réussite de Parrhésia, dans une pratique de partage des valeurs, du sens du service client et de la volonté de réaliser le meilleur pour nos clients dans chacune de nos interventions. Ensemble, nous avons une vraie complémentarité.
PM : Parrhésia ? Qu’est-ce que ça veut dire ?
La Parrhésia, chez les Grecs, touchait le domaine de la vie dans la Cité, et du rapport au détenteur du pouvoir. Sur la place publique, les philosophes disaient ce qu’ils avaient à dire ; ils étaient capables de se mettre en danger, pour rester eux-mêmes.
Pour les chefs d’entreprise, il s’agit souvent d’une démarche paradoxale. Ils font appel à Parrhésia mais ils peuvent très bien ne pas être d’accord avec cette démarche « philosophique ». Mais je considère que c’est un bon signe quand un chef d’entreprise fait appel à nous ; cela signifie qu’il commence à se poser des questions, qu’il a une réelle maturité concernant les relations humaines.
PM : Mais fondamentalement, qu’est-ce qui vous anime ?
J’ai toujours aimé faire sortir la philosophie des enceintes feutrées de l’Université. L’espace de l’entreprise est très intéressant pour réintégrer la philosophie dans la vie professionnelle. Beaucoup de questions se posent aux chefs d’entreprise. Nombre d’entre eux sont dans cette interrogation : faire passer des valeurs et pas seulement des savoir-faire.
PM : Vaste besogne ! comme eût dit le Général De Gaulle.
Certes ! Mais je ne désespère pas d’utiliser les outils qu’offre la philosophie pour renouveler les méthodes de management en entreprise.
PM : Mais qu’est-ce qui peut bien pousser un chef d’entreprise à faire appel à vous ?
Il n’y a pas de copier-coller possible. Même si les questions que se posent les entreprises sont souvent les mêmes, il n’y a jamais deux situations identiques. Le manager a besoin d’une analyse adaptée à la situation de sa propre entreprise. Il s’agit d’aider les personnes à articuler un chemin entre les questions qu’ils se posent et ce qu’ils sont capables de faire. Un de nos concepts-clé est celui de « coopération » : être en mesure de créer une œuvre ensemble où chacun a un rôle à jouer ; révéler le potentiel des personnes et les aider à le réaliser.
PM : Sur le site de Parrhésia, vous avez placé cette pensée de Lao Tseu : « L’homme de bien n’exige pas de l’autre qu’il soit parfait. Il l’aide à accomplir en lui ce qu’il a de meilleur ».
C’est explicite ; ça n’appelle pas de commentaire. Mais ce serait bien que vos lecteurs aillent consulter notre site : www parrhesia.fr
En collaboration avec F. Michel MOREL