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La langue parle le monde

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La langue est un vecteur formidable qui permet de tisser des liens, de partager des informations, des savoirs, des émotions, d’exprimer des cultures et des identités. (Présence Mariste n°285, octobre 2015)

Stéphanie Rabin-Séchet

Le français est l’une des rares langues à être enseignée dans les établissements scolaires de tous les pays et à bénéficier du statut de langue officielle ou de travail dans les organisations internationales. Les évolutions du monde lui sont favorables : d’après l’Observatoire de la langue française, à l’horizon 2050, la planète comptera plus de 750 millions de locuteurs francophones. La langue est un vecteur formidable qui permet de tisser des liens, de partager des informations, des savoirs, des émotions, d’exprimer des cultures et des identités.

Pour certains élèves français, le français, justement, n’est pas une langue, LEUR langue mais une matière. Pour eux, le cours de français est vécu comme un lieu où on découvre un nouveau texte littéraire, un nouvel auteur, où on explique du vocabulaire, où on analyse un point de grammaire. La langue n’est pas toujours identifiée comme un outil de communication mais comme une matière à valider, un moyen d’obtenir des notes.

Rendre l’apprentissage du français attractif est tout l’enjeu du professeur de français. En effet, la motivation est déterminante dans l’apprentissage et si elle n’existe pas c’est au professeur de la susciter. L’enseignement du français doit être original, créatif, dynamique. Il doit être un instrument de découverte de la diversité culturelle française et être novateur et visible. Il doit participer à l’enrichissement intellectuel de l’élève et, au-delà, à la construction de sa personnalité : l’étude du français structure la pensée, développe non seulement des savoir-faire mais également des savoir-être, façonne l’individu. Bref, étudier le français doit être considéré comme un atout, une chance.

Pour tous les locuteurs francophones, la langue est un vecteur formidable
Photos : Fotofolia

Les usagers font la langue

Et c’est justement parce que la langue française est une langue à facettes que cette perspective est possible. Le français, avant d’être une matière, est avant tout une langue qui sert à exprimer des pensées, des sentiments, une vision du monde et qui porte sa part d’humanisme.
C’est une langue plurielle soumise à des codes et des normes qui varient en fonction des périodes historiques et des nombreux métissages linguistiques auxquels elle a été et est toujours confrontée. Chaque communauté élabore sa propre norme du français. Inutile de préciser que la norme du Québec n’est pas celle de Belgique ou de Suisse. Tout comme le langage urbain/des banlieues ou le langage sms ont des normes et des codes qui leur sont propres. Quand les élèves discutent par sms ou messagerie instantanée, ils s’expriment à l’écrit avec la spontanéité de l’oral, ponctuant leur discours d’abréviations, de néologismes ou d’émoticônes qui sont les signes d’une créativité lexicale. De même que lorsqu’ils sont confrontés au genre épistolaire, ils progressent en expression écrite, enrichissent leur lexique et doivent faire preuve de patience et se révéler à l’autre.

Les élèves, en faisant l’expérience de la norme et en participant aux projets pédagogiques qui leur sont proposés par leurs enseignants, enrichissent leur capacité expressive en appréhendant un espace de réflexivité où ils peuvent comprendre des contextes, interpréter des situations et développer des idées. La compréhension d’un langage est le fruit d’une construction sociale.

Certains puristes se plaignent des dégradations du français parce qu’ils confondent la langue et les compétences de ses usagers. Les usages de la langue reflètent l’état de la société. Les usages du français sont multiples et la langue française est un outil que chacun peut utiliser à sa manière. Il y a quelques années, Alain REY, en observateur averti de la langue française, proposait ces aphorismes dans l’une de ses chroniques du Français dans le monde, la revue internationale des professeurs de français : "la pluralité des usages enrichit la langue ; la pluralité des contacts de langue enrichit les cultures ; la pluralité culturelle limite les dégâts du “modèle unique ? et de la “pensée unique” ".

Une langue à vivre et à partager

Car, l’enseignement de la langue ne se limite pas aux savoirs linguistiques mais il a comme objectif fondamental la transmission de valeurs extralinguistiques : le développement personnel, l’esprit critique, la tolérance, l’ouverture aux cultures, la valorisation du plurilinguisme et de la diversité culturelle, la citoyenneté, etc. Comme le souligne le linguiste Pierre MARTINEZ formé aux lettres classiques et au FLE, l’apprenant doit non seulement intégrer des compétences communicatives et un comportement culturel mais aussi « une manière d’être, des comportements culturels souvent indissociables de la langue, car inscrits dans la langue même. » L’apprentissage de la communication est ainsi placé sous le signe de l’activité sociale inhérente à tout groupe humain.

Le Français porteur d’humanisme
Photo : Fotofia

Vue de l’étranger, la langue française est très souvent associée aux valeurs universelles des Droits de l’Homme. Par conséquent, l’intégration de ces objectifs dans un enseignement novateur constitue une ouverture à des contenus parfois inhabituels en classe, suscite des tâches originales et une réflexion sur des valeurs citoyennes. Ainsi le français est ressenti non plus comme une simple matière mais comme une langue à vivre et à partager.

Il s’agit donc de concevoir l’enseignement du français comme un projet éducatif qui fait réfléchir aux valeurs fondamentales de notre société en s’inscrivant dans une démarche pédagogique ludique et sérieuse à la fois et en y associant les talents des élèves et le professionnalisme des enseignants. La langue est le ciment de notre société et notre société et ses évolutions impriment leur marque sur la langue. C’est ainsi que la langue parle le monde, celui de la rue, de notre monde intérieur et de notre propre réalité, celui des autres dans toute leur Altérité. Comme l’affirme Benveniste, la société n’est possible que par la langue.

Stéphanie RABIN-SÉCHET
Directrice adjointe de l’ILCF Lyon
L’ILCF est spécialisé dans l’enseignement du français à un public étranger. Il fait partie de la Faculté de Lettres et Langues de l’Université Catholique de Lyon. L’équipe enseignante ILCF est composée d’une équipe pédagogique spécialisée dans l’enseignement du français langue étrangère.

La méthode d’enseignement est basée sur l’approche communicative et suit la progression du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.

L’ILCF Lyon est centre officiel d’examens reconnu par le ministère de l’Éducation nationale et par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris. Il délivre plusieurs types de diplômes et certifications.

L’ILCF a obtenu le label Club UNESCO en 2015.

(Publié dans « Présence Mariste » n°285, octobre 2015)

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