P. M. Que signifie pour vous l’expression « Cœurs nouveaux pour un monde nouveau ? » qui a servi de fil conducteur à toute la démarche de ce Chapitre ?
Cela signifie que nous avons devant nous un monde qui a énormément changé en quelques années et qui continuera encore à changer. Comment pourrons-nous, comme Institut mariste, donner la réponse qu’on attend de nous, si nous ne nous mettons pas également dans cette dynamique de changement ? Les réponses d’hier ne nous servent plus pour aujourd’hui. Personne n’aime le changement ; nous préférons tous rester dans nos habitudes de confort et de commodité. Pourtant si nous voulons être fidèles à l’Esprit, cette parole : « Avec Marie, partons en hâte vers une terre nouvelle » est, on ne peut plus, claire.
Je crois qu’il ne s’agit pas seulement d’un déplacement physique ; c’est le cœur qui doit aussi être impliqué. Les pèlerins qui vont à Saint Jacques de Compostelle disent que marcher suppose pour eux un changement de mentalité, un authentique cheminement intérieur. C’est la raison pour laquelle nous parlons, nous aussi, de cœurs nouveaux.
En définitive, être fidèles à notre mission aujourd’hui nous oblige non seulement à des adaptations superficielles, mais encore à un profond changement du cœur. C’est la meilleure chose que nous puissions offrir au « monde nouveau » dans lequel nous vivons déjà.
P. M. Quelles seront les priorités de votre gouvernement ?
Le 21e Chapitre général nous a déjà fixé les priorités que nous devons suivre pendant les huit prochaines années, telles qu’elles sont formulées dans le document final.
Je les résumerais par deux paroles « fortes » déjà utilisées par la CLAR (Conférence Latino-Américaine des Religieux), il y a quelques années : mystique et prophétie.
Mystique : prendre au sérieux un processus de développement personnel dans ce domaine. Il s’agit de cultiver l’oraison, la méditation, le silence. C’est beaucoup plus que des pratiques de dévotion ; c’est quelque chose de plus « mature » et profond, qu’on appelle Sagesse, contemplation, mystique ou changement du cœur… Il y a eu des changements profonds dans la manière de comprendre et d’exprimer la spiritualité, et souvent nous sommes restés désorientés, sans savoir exactement comment agir concrètement. C’est le moment de se mettre en marche, de prendre les moyens pour croître dans ce domaine. Je crois sincèrement que c’est sur ce point que se joue notre avenir.
Prophétie : Tout d’abord, la prophétie d’offrir le visage marial de l’Église : l’Église de Pentecôte, réunie autour de Marie. Frères et laïcs nous voulons construire une communauté chrétienne fraternelle, où tous ont la parole, où tous se soutiennent, où tous se sentent coresponsables de la mission.
Et la prophétie d’une mondialisation différente de celle que promeuvent les grandes capitales. Comme Institut international, mous participons déjà à une certaine mondialisation. Cependant la nôtre demande de mettre l’accent avant tout sur les plus faibles, surtout les enfants et les jeunes qui sont exclus.
Une mondialisation qui signifie un partage effectif et réel des biens et des personnes à travers le monde. Notre présence récente à Genève, face aux Nations Unies, pour la défense des droits des enfants et des jeunes, veut être un signe manifestant qu’effectivement « un autre monde est possible ».
P. M. Quels « rêves » faites-vous pour la Congrégation ?
Rêver, c’est gratuit… si bien que j’ai pas mal de rêves !
Mon rêve le plus fort serait d’être reconnu dans l’Église et dans la société comme des spécialistes non seulement dans l’éducation, mais aussi dans l’évangélisation et dans la défense des droits des enfants et des jeunes.
J’espère que dans les prochaines années nous ferons un effort pour que ce « rêve » devienne réalité.
P. M. Quel rôle assignez-vous aux laïcs dans notre Institut mariste ?
Celui que lui a donné l’Esprit Saint ! Je me rappelle ce qui m’impressionna, pendant la célébration du 19e Chapitre général : entendre un laïc parler de « sa vocation mariste ». Si nous parlons réellement de vocation, alors nous parlons d’un don de l’Esprit, de la même façon que nous le disons de la vocation d’un Frère mariste.
Je crois que nous devons être ouverts là où l’Esprit veut nous conduire. Et je ne crois pas que ce soit aux Frères de dire aux laïcs ce qu’ils doivent faire… Dans certains cas, des personnes parlent de « lien avec l’Institut », alors que d’autres parlent de « lien avec le charisme mariste ». Ce sont probablement deux positions tout à fait valides, bien qu’elles conduisent à des conséquences différentes.
Le chemin parcouru jusqu’à ce jour par l’Institut par rapport aux laïcs est très positif ; si bien que je suppose qu’il n’a qu’à croître et à s’approfondir.
P. M. Quelle place doit occuper aujourd’hui la figure de Marie dans la vie Mariste ?
« Le Père Champagnat a voulu nous donner le nom de Marie pour que nous vivions de son esprit » ; disent nos Constitutions.
Il s’agit de voir Marie comme « ressource ordinaire » et comme celle avec qui nous partageons nos joies et nos peines ; mais surtout, elle est notre source d’inspiration, notre modèle dans la suite de Jésus, notre compagne de route.
J’ai déjà dit qu’il s’agit, avant tout, de montrer ensemble, Frères et laïcs, le visage marial de l’Église. C’est important aujourd’hui, alors que tant de personnes perçoivent seulement les traits d’une Église autoritaire et machiste. Marie était présente à l’Église de la Pentecôte et, avec elle, nous nous sentons invités à construire une Église prophétique, accueillante, miséricordieuse, fraternelle, où tout le monde puisse parler et être écouté…
Traduit par Frère Michel Morel
(publié dans Présence mariste N° 262, janvier 2010)