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Les Frères Maristes et la Révolution industrielle au XIXe siècle

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Les Frères quitteront la plupart de ces écoles industrielles en 1903. Cette fin d’un contact avec le paternalisme de la grande industrie, et une classe ouvrière très politisée et syndicalisée est ambivalente.(Présence Mariste n°293, octobre 2017)

F. André Lanfrey

Lorsque Marcellin Champagnat fonde les Frères Maristes pour l’éducation dans le monde rural, les relations ville-campagne sont déjà intenses. À Marlhes, son village natal, les femmes pratiquent la rubanerie, commercialisée par les marchands de Saint-Étienne. La Valla, lieu de fondation en 1817, est dans l’orbite de la ville industrielle de Saint-Chamond toute proche : on y fabrique des clous pour les négociants en gros. Le long du Gier, jusqu’à Saint-Chamond, toutes sortes d’usines et d’ateliers utilisent la force motrice de l’eau. En face même de la maison de L’Hermitage, de 1816 à 1839, M. Patouillard travaille le textile. Quant à la ville de Saint-Chamond, elle fait partie de la région de Saint-Étienne, haut-lieu de la révolution industrielle. Ainsi, très tôt, l’Institut et ses écoles se trouvent au milieu des mines et usines, notamment à Firminy (1837), Izieux (1838), Saint-Jean-Bonnefonds (1844)…

Plusieurs écoles seront même fondées par des sociétés minières et industrielles soucieuses de procurer à leurs ouvriers les services nécessaires à leur bien-être et leur stabilité : logements, hôpital, église, école…

Les premières écoles d’usines

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Ainsi, en 1832, M. Génissieux et compagnie obtiennent trois Frères pour l’usine métallurgique de Terrenoire. MM. Thiolière et Neyrand, bienfaiteurs de Champagnat, ayant établi l’usine de Lorette sur les communes de Saint-Paul en Jarez, Farnay et Saint-Genis-Terrenoire, ils obtiennent en 1834 trois frères pour l’école de garçons, en offrant des conditions financières très favorables. « Le P. Champagnat les accepta sans peine ; il en eût accepté de moindres, si cela eût été nécessaire, pour témoigner sa reconnaissance à ses bienfaiteurs insignes ». Ces usines donneront naissance aux communes de Terrenoire et Lorette et leurs écoles, d’abord privées, joueront le rôle d’écoles communales.

Régions industrielles et réseaux scolaires

Surtout à partir des années 1850-60, l’Institut installe des écoles dans des dizaines de centres industriels et miniers, petits et grands. Parfois, les industriels se contentent de subventionner les écoles paroissiales ou communales. Mais les patrons des compagnies importantes veulent leurs propres écoles en faisant appel à ces sociétés d’éducation que sont les congrégations.

Ces centres industriels peuvent être isolés, comme les forges d’Allevard en Isère, Sainte-Foy-l’Argentière dans le Rhône, La Voulte en Ardèche. Mais fréquemment ils fonctionnent en réseaux liés à une compagnie. Par exemple, dans la vallée du Rhône, les écoles de Lafarge, Le Teil, Meysse appartiennent au cimentier Lafarge bien connu encore aujourd’hui. Dans le Gard, au nord d’Alès, région de mines et de métallurgie, les Frères sont employés par deux compagnies : les forges de la Loire et les mines d’Alès. À Bessèges (22 Frères, 750 élèves) et Rochessadoule (9 Frères, 260 élèves) il y a même une école appartenant à chacune d’elles. Dans les alentours, les frères enseignent à Molières, Le Martinet, Robiac, Meyrannes, Salindres. Ainsi, régions industrielles et fondations maristes coïncident assez bien.

L’Institut installe des écoles dans des dizaines de centres industriels et miniers

Dans les Bouches-du-Rhône, surtout à partir de 1852, les Frères s’installent dans une quarantaine de communes et paroisses. Certes, les écoles de Compagnies (Fuveau en 1872 ; La Bourine en 1867) y sont rares mais il y aura en fin de siècle plus d’une vingtaine d’écoles privées à Marseille et dans sa banlieue : un espace éminemment industrialisé. Le réseau des écoles y ressemble à celui de la région stéphanoise, sauf qu’à Marseille la ville elle-même est plus largement investie.

En Saône-et-Loire, à partir de 1857, les Frères sont installés dans un vaste quadrilatère minier et industriel constitué par les pôles Blanzy-Montceau-les-Mines (Compagnie Chagot, 6 écoles) Montchanin, Le Creusot, (Schneider), Montcenis. L’effectif total est d’environ 2.500 élèves.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, régions très urbanisées et industrialisées, la Compagnie minière de Marles assure la gestion de trois établissements  : Marles (1852), Auchel (1881), Rimbert (1885). En Belgique sont signalées les écoles de Montceau-sur-Sambre (1858) et Gohissard (1863). La liste des écoles cite d’autres centres sur lesquels nous sommes mal renseignés  : Fourmies (1876), Courrières (Pas-de-Calais) (1887)…

Un service scolaire devenu plus compromettant et pénible

Teinturerie Gillet à Izieux

Les compagnies paient bien, régulièrement, et offrent des locaux bien adaptés. C’est loin d’être toujours le cas dans les autres établissements privés ou communaux. Mais il en sort très peu de vocations et les compagnies exigent des services annexes, tels que cours du soir ou activités culturelles ; et elles exercent un contrôle étroit voire tatillon. En dépit d’accords avec la congrégation, elles ont tendance à traiter les Frères comme des employés. Les écoles subissent aussi les contrecoups de leurs évolutions : crises, fusions, faillites… Surtout, il y a la politique : à partir de 1870, en bien des centres industriels, les Conseils municipaux deviennent hostiles aux compagnies et à tous ceux qui relèvent d’elles. Ils créent des écoles laïques. Montceau-les-Mines sera particulièrement touchée par une lutte ouverte entre la municipalité et la compagnie, avec grèves dures et même des violences anarchistes. Parfois les compagnies renoncent à leurs écoles, mais la plupart les maintiennent comme écoles privées, souvent dans un climat de guerre scolaire.

Les ruptures et les continuités : 1903…

Les Frères quitteront la plupart de ces écoles industrielles en 1903 car les Compagnies, redoutant d’employer d’anciens congréganistes, voudront engager un personnel laïc. Cette fin d’un contact avec le paternalisme de la grande industrie, et une classe ouvrière très politisée et syndicalisée est ambivalente : un échec partiel, mais aussi la sortie d’une impasse politico-religieuse. En effet, le milieu ouvrier étant divers et loin d’être massivement irréligieux, l’Institut continuera d’exercer ses fonctions éducatives dans la plupart des régions industrielles évoquées plus haut, au sein d’un réseau d’écoles « libres » paroissiales et de pensionnats, moins étoffé qu’avant mais loin d’être négligeable.

F. André Lanfrey
(Publié dans « Présence Mariste » n°293, octobre 2017)

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