Communauté chrétienne au sein d’un quartier bigarré

« Dans l’Église, il n’y a pas d’étrangers, il n’y a que des frères »

Je suis curé sur le « quartier sensible » de Montreynaud à St Etienne.
Ce dimanche de septembre, il n’y a pas la grande foule à la messe… J’ai en tête les 2/3 de la population du quartier d’origine maghrébine ou turque, de religion musulmane. On partage plus ou moins la vie du quartier, mais ils ne sont pas à l’église. C’est normal !

L’assemblée d’un dimanche ordinaire

Il y a quelques Français d’origine, peu nombreux, vieillissants. La population de souche française a massivement quitté le quartier ces dernières années. Parmi ceux qu’on identifie comme français, de fait il s’agit aussi d’européens qui ont leurs racines ailleurs : Portugal, Espagne, Italie, Pologne, signes de vieilles migrations aujourd’hui digérées.

La communauté croyante accueille de nombreux Noirs africains

Je remarque la présence discrète de quelques vietnamiens, de la génération des « boat people ». Les enfants ont grandi, les jeunes complètement francisés sont partis, restent les plus anciens, avec cependant encore deux ou trois familles avec des jeunes enfants.

D’un premier regard, on se rend compte que notre communauté croyante accueille de nombreux « noirs » africains. Ce sont des demandeurs d’asile, accueillis sur la paroisse depuis quelques années. Certains, régularisés ou non, se sont installés ici, d’autres viennent de toute la ville, nous sommes leur communauté d’accueil.

Ils rajeunissent considérablement notre assemblée et le babillement des petits nous réjouit. Voilà notre communauté bigarrée…

Pouvons-nous vivre ensemble ? Pouvons-nous faire Église ensemble ?

Faire Église, dans nos diversités ethniques et culturelles, est une exigence qui ne se discute même pas. « Dans l’Église, il n’y a pas d’étrangers, il n’y a que des frères. » Cette phrase de Mgr Brunin qui était venu nous voir il y a quelques années, nous a profondément marqués, et nous essayons de la mettre en pratique. Chez nous, l’étranger est chez lui…

Cela n’empêche pas d’être parfois surpris par des manières de vivre, par l’expression de leur foi, par leur conception de l’Église. Oui nous sommes frères, mais certainement pas identiques. Comment faire pour que chacun ait pleinement sa place sans que « l’autre » se sente oublié ou défavorisé ? Nous devons être attentifs aux susceptibilités.

La vie de quartier

Elle représente un tout autre défi, bien plus difficile à relever. Notre quartier est montré du doigt, surtout par ceux qui n’y sont jamais venus. L’étranger qui vit là, massivement, au risque de faire un ghetto, est assimilé automatiquement à l’image du délinquant. L’exclusion par le logement, le travail, l’argent, essaie de ne pas s’afficher mais est une terrible réalité. Alors comment s’étonner des rancœurs ? Comment s’étonner que des jeunes sifflent l’hymne national, « symbole de la République », alors que les principes fondamentaux de cette République : « Liberté, Égalité, Fraternité » ont tant de mal à être mis concrètement en œuvre par une société qui a tendance à se verrouiller et à se protéger de l’autre ?

Mgr Jean-Luc Brunin à gauche, lors d’une intervention à St Etienne. Il est président du Comité épiscopal français des migrations et des gens du voyage


À l’intérieur même de la diversité ethnique, les difficultés, les oppositions sont nombreuses. Les Africains ne comprennent pas la casse faite par les jeunes Maghrébins. Pour eux, voir brûler une voiture est quelque chose de scandaleux. La population maghrébine s’inquiète, par ci par là, de l’arrivée des Africains sur le quartier, comme s’ils venaient remettre en cause leur pré carré !…

La différence, source de richesse ?

On a tendance à l’affirmer : oui, elle peut l’être. N’ayons pas peur de reconnaître qu’elle n’est pas toujours facile à accueillir et à vivre et qu’elle peut être source de difficultés.

Cette situation et ces questions ne sont pas la propriété privée de notre quartier et des quartiers sensibles.

Ce sont des questions posées à toute notre société française. Leur prise en compte et les réponses à donner sont des éléments essentiels pour construire un avenir paisible et heureux pour tous.

À notre place, comme Église de Jésus-Christ, c’est ce que nous voulons vivre et servir.

Père Gérard RIFFARD
(paru dans Présence Mariste N° 258, janvier 2009)

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