Paul Privat a été un fou d’écologie pendant 20 ans comme membre du Conseil national des Verts. Comme beaucoup, il a cru que l’écologie et la politique n’allaient pas de pair et qu’il fallait une indépendance. Son action politique a été très longue et elle reste encore très intense. Aujourd’hui, il en conclut qu’il n’y a pas de réelle écologie, sans réels moyens d’information, et donc sans débat démocratique. Voici ses réflexions.
De l’écologie au développement durable
475 millions de Chinois vont atteindre un niveau de vie comparable au nôtre. Puis viendront les Indiens, les Indonésiens, les Brésiliens. Dans cette immense évolution, vers toujours plus de consommation de tout, de productivité pour tout, l’écologie a-t-elle encore un avenir ? On parle maintenant de développement durable.
On peut tout à fait déplacer des centaines de milliers de m3 de terre pour des aménagements discutables, dilapider des centaines de milliers de litres de gazole, d’euros… personne ne s’en émeut, si au bout du compte on nous promet un développement durable ! Ainsi nous assistons dans un petit coin de France du département de la Loire (à Saint-Chamond) à l’émergence du principe que pour économiser l’énergie, réduire la pollution… il faut limiter la pénétration en ville des véhicules à moteur. On installe donc des feux tricolores partout, on déplace de quelques mètres une voie de circulation, on dilapide beaucoup d’énergie en travaux impressionnants. Ce qu’on va y gagner… personne n’en sait rien ! Bref ! On développe durable !
Écologie et démocratie participative
Maintenant l’émergence très puissante des communautés de communes va encore renforcer cet aspect environnemental, sauf que l’importance de ces collectivités territoriales, dont les élus se cooptent entre eux, permet de moins en moins aux citoyens de s’exprimer ou de s’opposer. On dépasse ainsi le cadre de la démocratie communale, à échelle humaine, en offrant, par exemple, la compétence des PLU (plan local d’urbanisme) à ces grosses entités anonymes. Nous n’avons pas fini d’entendre parler du développement durable en voyant des projets se réaliser loin, bien loin du respect écologique de protection de l’environnement.
Écologie et information
L’entrée des écologistes en politique n’a rien changé à la démocratie d’expression écrite. Les majorités au pouvoir, quelles qu’elles soient, dans toutes les collectivités territoriales, ont conservé ou se sont appropriée la totalité ou presque de l’information dans les bulletins, revues ou le grand affichage. En face, la presse locale souvent docile s’adapte assez bien à cette répartition de l’information. Les écologistes intégrés dans ces structures ne s’émeuvent pas de cette ségrégation. Ils s’en accommodent même fort bien. Ainsi va le développement durable. Il dure sans contestation possible. Puisque l’information n’est pas du tout équitable, la contestation des projets ne l’est pas non plus.
La représentation proportionnelle, au fond, n’a pas changé grand-chose en dehors des enceintes territoriales. La démocratie participative est une image d’Épinal puisque la population n’est informée que d’une façon fractionnaire sur les grands projets, et qu’aucune opposition n’a les moyens d’information pour développer des contre-projets.
Contre-pouvoir des citoyens et information
Une évolution des politiques doit s’appuyer sur une réflexion en amont d’un projet. Un contre-pouvoir des citoyens nécessité une information équitable. Ainsi, politique et écologie font assez bon ménage. Lors des dernières élections législatives tout s’est bien passé à la Chambre des députés et au Sénat. Ma conviction est qu’il ne peut pas y avoir une écologie forte avec une information faible, voir inexistante. Et puis, quand bien même cela serait, la pensée écologiste est-elle aussi large qu’on pourrait le croire ? J’avais écrit, il y a quelques années « l’économie prisonnière des écologistes ». Maintenant sont-ils prisonniers du pouvoir ? L’émergence d’une nouvelle pensée est-elle pour demain ?