PM 305

La philo en 6e ? C’est très naturel

Annie Girka

Proposer aux élèves de 6e une initiation à la philosophie : ce pari pédagogique post-confinement pouvait sembler un peu fou. Et pourtant, rien de plus naturel pour « ces petits » que de se confronter à ces « grandes » questions que la philosophie ose aborder pour mettre un peu d’ordre et de clarté dans la complexité de nos interrogations existentielles. Des interrogations que les néo-collégiens ont abordé sans peur, sans filtre et avec une audace toute philosophique y compris une question aussi métaphysique que « Pourquoi l’homme existe-t-il ? » car il s’agissait bien de pratiquer la philosophie en jouant le jeu de la pensée méthodique qui avance pas à pas librement et avec rigueur. D’autres questions ont permis d’aborder des préoccupations très concrètes pour ces jeunes âmes : « Pourquoi on a peur ? » « Qu’est-ce qui est beau ? ».

C’est Yves Gerbal, agrégé de lettres modernes et diplômé en philosophie, professeur de longue date et pilier de Saint Jo-les Maristes à Marseille qui a été à l’origine de cette initiative que personne ne lui a imposée mais que la nouvelle cheffe d’établissement, Madame Gaubert, lui avait tout de même « soufflée ». Yves Gerbal n’enseigne plus en collège depuis très longtemps mais avait proposé ses services pour aider lors de la difficile période de déconfinement dans l’établissement auquel il est tant attaché. Habitué aux classes terminales et aux formations post-bac, il redoutait un peu, même avec des classes réduites, les retrouvailles avec cet âge charnière et ces auditeurs si jeunes.

Il a été littéralement « bluffé » par l’écoute, la réactivité, la participation, la culture de ces élèves qui avançaient même parfois trop vite ! Bref, il en est ressorti plus que jamais convaincu que la philo n’a pas d’âge, et les petits élèves sont devenus peut-être un peu plus grands, au moins dans leur tête…

Cette expérience trop brève mériterait, tout le monde en convient, d’être au programme des années futures, à condition de conserver les petits groupes favorables à la mise en mouvement de la parole. Et ce n’est pas Montaigne, le maître penseur de ce professeur, qui dirait le contraire, lui qui écrivait au XVIe siècle dans ses célèbres « Essais » : « On a grand tort de peindre la philosophie comme inaccessible aux enfants et avec un visage renfrogné, sourcilleux et terrible. Qui me l’a masquée de ce faux visage pâle et hideux ? Il n’est rien de plus gai, de plus allègre et peu s’en faut que je ne dise folâtre »

Oui la philosophie est une pratique de l’allégresse, et cela est très naturel quand on a 11ans !

Article recueilli par Annie Girka
« Si on veut conduire les enfants à mieux penser (pas seulement plus, mais mieux), si on accepte l’idée que l’objectif de l’éducation est de rendre les enfants capables de penser par et pour eux-mêmes, alors il importe qu’ils s’engagent personnellement dans l’acte de penser et construisent ainsi, avec le temps et la répétition, la puissance de produire eux-mêmes les résultats. Comme on apprend à marcher en marchant, on apprend à penser en pensant. Dans les deux cas, ce qui est central, c’est le mouvement ».
Michel Sasseville
responsable des programmes de formation en philosophie pour les enfants
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