PM 305

Sport, pouvoir et politique

Le sport, une pratique millénaire

Marie-Agnès Reynaud

En parallèle à un travail physique, en général épuisant, contraint par les nécessités de la vie telle que la recherche ou la production de la nourriture, l’être humain s’est adonné à des activités physiques soit individuellement soit collectivement, souvent lors de compétitions, et cela depuis 3000 ans avant J.C.

Bien qu’il désigne donc une réalité très ancienne, le mot sport est assez récent : importé d’Angleterre au XIXe siècle, il vient de l’ancien français desport, qui signifie amusement et fait référence à un temps de loisir.

Le besoin de sport, une aubaine pour le pouvoir

Les pouvoirs politiques ont su tirer parti de ce besoin humain de « récréation » pour seconder la mise en place de leurs objectifs, respectables ou contestables.

Piazza_Armerina-Villa del Casale sports féminins

Sport et politique de santé

Selon les époques et les pays bien sûr, les pouvoirs en place se préoccupent de la bonne santé de leurs citoyens, au moins d’une partie de la population, et s’attribuent les mérites d’une politique de santé. Les thermes romains ont, jusqu’au IVe siècle, permis à toute une population d’entretenir à la fois une hygiène corporelle et une cohésion sociale. Très prisés du peuple, ils sont facteurs aussi de reconnaissance envers le pouvoir.

Aujourd’hui, l’état français par le biais de la Sécurité Sociale, finance des activités sportives dans des programmes de soin après un cancer ou de lutte contre l’obésité.

Sport et classes sociales

Le sport peut être un marqueur de classes sociales ou permettre un échange entre elles. Au Moyen Age, la pratique des tournois reste l’apanage des nobles ; par contre l’aristocratie partage avec le peuple la même passion pour la soule ou le jeu de paume, sport roi en France du XIIe siècle au XVIIIe siècle.

Sport et idéologie du plus fort

Dans l’Antiquité, la cité guerrière de Sparte imposait aux femmes de pratiquer une activité physique intense afin d’être des mères capables de donner naissance à des enfants robustes qui deviendraient de valeureux soldats.

Le sport, outil de propagande au service des idéologies totalitaires, connaît le même sort lors de la deuxième guerre mondiale. Le maréchal Pétain promeut le sport en tant que formation à la discipline et éducation à l’esprit d’équipe et au goût de l’effort.

Sport, opium du peuple

Le pouvoir politique ne s’intéresse pas seulement à ceux qui pratiquent un sport : il porte également un grand intérêt aux spectateurs. Ainsi dans la Rome antique, les combats de gladiateurs et les courses de chars sont payés par des magistrats ou des empereurs pour asseoir leur popularité ; gladiateurs et auriges sont des sportifs de très haut niveau qui doivent retenir les spectateurs sur les gradins des heures durant.

Aujourd’hui, le football est le sport le plus populaire dans le monde et, avec une audience estimée à 4 milliards de personnes, le plus retransmis par la télévision : une façon efficace de détourner l’attention des supporters des problèmes sociaux, économiques.

Sport et élections

Aucune loi n’a jamais obligé les élus locaux à subventionner les associations ou à construire et mettre à leur disposition des équipements sportifs ; mais tous le font, parce qu’ils savent qu’elles sont une vitrine de leur intérêt pour leurs administrés qui sont aussi leurs électeurs !

Sport et soft power

Le soft power est le pouvoir d’un État à influencer les relations internationales en sa faveur par un ensemble de moyens autres que coercitifs, ce qui constitue également un facteur de puissance. Dès lors, les grandes compétitions internationales apparaissent de plus en plus comme d’incroyables caisses de résonance politique. « Nul doute que les compétitions sportives, et en particulier les Jeux Olympiques, reflètent la réalité du monde et constituent un microcosme des relations internationales » affirme le président du CIO en 1975.

Les événements sportifs de portée planétaire permettent à certains pays d’exister aux yeux du monde ; c’est le cas de la Jamaïque, petit pays de 2,7 millions d’habitants et géant de l’athlétisme avec 12 médailles aux JO de 2012.

D’autres nations s’en servent pour asseoir leur domination. Les JO d’été de 2008 en Chine ont marqué le retour du pays au premier plan international. Les JO d’hiver en 2022 doivent « verdir » l’image de Pékin qui assure donner la priorité au développement durable dans ses choix d’installations.

Les rassemblements sportifs internationaux, très médiatisés, ne sont pas seulement des démonstrations de force ou des échanges mercantiles ; ils sont aussi l’occasion de défendre une politique de paix ou du moins d’apaisement des tensions diplomatiques.

La participation de la Corée du Nord aux Jeux olympiques d’hiver de 2018 en Corée du Sud a permis un rapprochement entre les deux pays qui sont encore officiellement en guerre.

Le sport, un outil de protestation aux mains des citoyens

Jesse Owens 1936

Sportifs et spectateurs ne sont pas toujours les faire-valoir du pouvoir ; ils peuvent dénoncer des politiques qui ne correspondent pas à leurs convictions.

En 1936, pour protester contre l’antisémitisme, plusieurs athlètes refusent de participer aux Jeux olympiques de Berlin ; Jesse Owens dénoncera la prétendue supériorité aryenne prônée par Hitler en remportant quatre médailles d’or et en refusant de faire le salut nazi sur le podium. 2020 : des sportifs américains refusent de jouer leur match ou mettent le genou au sol pour protester contre le racisme et les violences subis par les Noirs américains.

Le plaisir de pratiquer un sport ou d’admirer une performance sportive n’endort donc pas forcément la conscience du sportif-citoyen qui peut influer sur les décisions politiques.

Marie-Agnès Reynaud
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