"Jean-Baptiste Epalle est né à Marlhes (Loire) en 1808. C’est probablement le jeune Champagnat qui fut à l’origine de la vocation missionnaire du petit Jean-Baptiste. Séminariste, Marcellin Champagnat faisait le catéchisme aux enfants de son hameau du Rosey. Il expliquait qu’à l’autre bout du monde il y avait des païens qui ne connaissaient pas le Christ. Prenant une pomme, représentant le globe terrestre, il leur disait :
“ Nous sommes ici, et de l’autre côté de la terre, il y a des enfants qui n’ont jamais entendu parler du Christ ”.
Parmi les élèves de l’abbé Champagnat, un enfant particulièrement attentif : Jean-Baptiste Epalle.
Cette réflexion d’époque s’explique bien par le fait de la découverte alors récente de l’Océanie. Les récits des explorateurs du Pacifique parvenaient jusque dans les endroits les plus reculés de France : Cook et Bougainville étaient venus en Mélanésie quelques années auparavant !

Avec un autre compatriote, Etienne Chaurain, Epalle rejoint la Société de Marie naissante. Il devient donc Père Mariste et, de suite, missionnaire. Début 1839, il quitte Le Havre, s’arrête à Futuna où il rencontre Pierre Chanel. De juillet 1839 à octobre 1842, Jean-Baptiste Epalle est en Nouvelle-Zélande où il seconde Mgr Pompallier. Il revient en Europe en 1843 pour décrire les grandes difficultés des missions catholiques - en Nouvelle-Zélande, il a accueilli les restes du Père Chanel -. Il explique combien le Pacifique est vaste. Il faut le diviser en plusieurs diocèses qui seront pourtant immenses. Lui-même se voit confier la responsabilité de la Micronésie et de la Mélanésie, diocèse plus grand que toute l’Europe !
Janvier 1845, Mgr Epalle quitte Londres avec sept prêtres et six Frères, dont le Père Chaurain, témoin privilégié de l’arrivée aux Salomon. A Sydney, les Maristes s’embarquent sur le « Marian Watson ». Une escale obligée : Balade, au nord de la Calédonie.
Le 21 novembre, à Balade, dans la joie de leur rencontre avec leurs confrères, les religieux célèbrent ensemble la fête de la Présentation de la Vierge Marie.
Puis, cap sur la Mélanésie inconnue ! Le 2 décembre 1845, le « Marian Watson » arrive en vue de San Cristoval, au sud des Salomon. Les missionnaires sont bien accueillis. Le 6 décembre, ils atteignent l’île Isabelle. Mgr Epalle a confiance. Pendant trois ans, il a vécu au milieu des populations de Nouvelle-Zélande. Il connaît le prestige du chef et de l’habit. Aussi, habillé en évêque, il descend sur la plage où se trouvent de nombreux indigènes. Ceux-ci, attentifs, regardent le missionnaire, admirent l’anneau épiscopal qu’ils lui demandent. Refus bien compréhensible.
Soudain, le coup de casse-tête est donné.
Attaqué par derrière, le prélat tombe, mortellement frappé. Il meurt trois jours plus tard. Mgr Jean-Baptiste Epalle, premier évêque de cette région est enterré dans la petite île inhabitée de Saint-Georges. Tout comme ses confrères, Mgr Epalle était certainement prêt au martyre. Et, en cette époque de renouveau de l’Eglise, il avait rencontré de futurs saints qui l’avaient certainement inspiré sur sa route missionnaire : le Bienheureux Marcellin Champagnat à Marlhes, saint Pierre Chanel à Futuna et saint Julien Eymard en Europe en 1843. La suite ne fut guère plus facile. La malaria et l’hostilité des populations locales contraignent les maristes à quitter l’archipel et à abandonner les restes de leur premier évêque.
Un demi-siècle plus tard, en 1898, Mgr Vidal, vicaire apostolique de Fidji, conduit une équipe de trois prêtres, un Frère et neuf catholiques fidjiens à Rua Sura, petite île située près de Guadalcanal. L’un des soucis des missionnaires est de retrouver les traces des pionniers de la première évangélisation ; ils reconnaissent les précieux restes de Mgr Epalle qui sont transférés à Rua Sura. Et le petit noyau, aux îles Salomon méridionales, devient multitude : 2 000 catholiques en 1912, 5 000 en 1922. Mais les terribles combats et bombardements qui ont sévi à Guadalcanal en 1942 ont anéanti les reliques de Mgr Epalle qui avaient été déposées dans la chapelle de l’évêché.
Lors de son voyage apostolique en Mélanésie, en mars 1984, Jean Paul II déclarait :
“ Nous te louons, Seigneur, parce que tu as daigné jeter les yeux sur les humbles commencements des efforts missionnaires aux Iles Salomon… Quand bien même ce pays a été dévasté par les horreurs de la seconde guerre mondiale, tu ne l’as pas abandonné, mais tu as déployé la force de ton bras, élevé les humbles et rassasié de biens les affamés…
D’après un article du Père Jean Yves RIOCREUX
(Publié dans « Présence Mariste » n°205, octobre 1995)