1903 : Prélude et fugue aux congrégations

En France, le laïcisme militant inspira toute la politique de la Troisième République de 1878 à1918.

Dès le Moyen-Age on assiste à la querelle des réguliers et des séculiers. Les Jésuites, fondés au XVI° siècle, promoteurs de l’enseignement secondaire moderne, ne seront que difficilement admis par l’Eglise, l’Etat et la société française.
L’idéal de l’Etat et de l’Eglise est donc plutôt l’ordre, tandis que les congrégations ont des perspectives dynamiques et réformatrices, inquiétantes pour les tenants de l’ordre établi. Plus celui-ci est autoritaire, plus il tend à supprimer les congrégations. Pour être admises, celles-ci doivent donc faire la preuve qu’elles consentent à s’intégrer au dispositif politique ou ecclésiastique.
Ainsi, les Frères Maristes, fondés en 1817, devront attendre 1851 pour être reconnus par l’Etat. Avec Rome, ce sera encore plus long, puisque les tractations dureront de 1860 à 1903.

« Ecrasons l’Infâme »

Dès la fin du XVIIIe siècle, les ordres religieux furent la cible principale des adversaires du christianisme, mais également des milieux monarchistes autoritaires qui leur reprochaient leur étroite fidélité à la papauté.

Les premières étapes de la lutte contre les congrégations furent la suppression des Jésuites (au Portugal dès 1759 ; dans toute l’Eglise en 1773) ; la création de la commission des Réguliers qui, de 1766 à 1781, supprima neuf congrégations et plus de quatre cents couvents, l’abolition des voeux perpétuels par l’Assemblée Constituante (13 février 1790) et la suppression de toutes les congrégations (12 octobre 1792).

Reconstituées à partir du Premier Empire et sous la Restauration, les congrégations masculines furent soumises, en France, à une autorisation par voie législative (loi de 1817), tandis que les congrégations féminines pouvaient être autorisées par simple ordonnance (loi de 1825).

Cependant, des congrégations non autorisées se multiplièrent en France au cours du XIXe siècle.

Le Cléricalisme, voilà l’ennemi !

La compagne anticléricale contre les congrégations commença en 1843 par les cours de MICHELET et de QUINET au Collège de France, qui étaient dirigés contre les Jésuites.

A l’étranger, des mesures légales furent prises en Italie (loi de 1866), En Allemagne (lois de 1872 et de 1875 : c’est le Kulturkampf de Bismarck), en Russie et en Suisse.

En France, après la politique conservatrice et cléricale de « l’ordre moral » définie en 1873 par le duc de BROGLIE et dont MAC-MAHON fut l’incarnation, le laïcisme militant inspira toute la politique de la Troisième République de 1878 à1918.

Fidèle au programme tracé par GAMBETTA qui déclara à la Chambre dans la séance du 4 mai 1877 : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi !… » Jules FERRY ouvrit la lutte officielle par les décrets du 29 mars 1880 visant les congrégations non autorisées et dissolvant la Compagnie de Jésus, suivis de la loi du 30 octobre 1886 qui décidait le remplacement par des maîtres laïcs des 3.000 Frères des Ecoles chrétiennes et autres Religieux ainsi que des 15.000 religieuses des écoles publiques.

Vers la séparation de l’Eglise et de l’Etat

Une nouvelle étape de cette lutte s’ouvrit au lendemain de l’affaire DREYFUS, au cours de laquelle de nombreux catholiques, notamment les Assomptionnistes de « la Croix », s’étaient distingués par la virulence de leur passion antirépublicaine.

WALDECK-ROUSSEAU, président du Conseil de 1899 à 1902, arriva au pouvoir en pleine agitation nationaliste et posa le problème des congrégations. Dans son grand discours de Toulouse (octobre 1900), prononcé sous l’égide de la Dépêche, il stigmatisa les « moines ligueurs » et les « moines d’affaires » en dénonçant leur richesse, le « milliard des congrégations », et les divisions morales qu’elles introduisent dans la jeunesse française : les « deux jeunesses ».

Après avoir prononcé la dissolution des Assomptionnistes (24 janvier 1900), il fit voter la loi du ler juillet 1901 qui, tout en proclamant la liberté entière d’association, soumettait les congrégations à un statut spécial.

Cette loi fut interprétée dans un sens agressivement anticlérical par l’ancien séminariste Emile COMBES (refus de 54 sur 59 demandes d’autorisation de congrégations masculines, mars 1903 ; interdiction de l’enseignement à tous les congréganistes, autorisés ou non, mars 1904) En même temps les biens matériels des religieux furent vendus dans des conditions discutables.

« Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie »

C’est par leur retour patriotique pour défendre le sol natal et leur participation volontaire aux sanglants sacrifices de la Grande Guerre que les congrégations exilées furent réintégrées grâce à « l’Union sacrée » dans la nation française.

La haine du « boche » remplaçait désormais la haine du curé ; le monde sombrait dans une folie meurtrière où toute une jeunesse sortie de l’école avec Dieu ou de l’école sans Dieu allait périr.

Henri PRABIS
( St Joseph Les Maristes - Marseille)

(Publié dans « Présence Mariste » n°234, janvier 2003)

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