Il y a 3 ans « Présence Mariste » a publié un dossier intitulé « Impossible communication ? ». (Présence Mariste N° 215, 2° trimestre 1998)
Notez bien le point d’interrogation ! La communication n’est pas impossible, certes, mais c’est un exercice difficile et cela en dépit des nouveaux moyens dont on dispose. Depuis 1998 bien des choses ont évolué, des tendances que l’on pressentait se sont confirmées. Utiliser Internet est devenu chose courante, dans les entreprises, dans les écoles mais aussi dans beaucoup de familles. Après tous ces changements il valait la peine de revenir sur la question.
Cet article ne se veut pas un plaidoyer en faveur d’Internet, on voudrait seulement souligner que ces nouvelles technologies, - elles ne sont plus si nouvelles pour beaucoup – apportent du nouveau dans le domaine de l’information et de la communication. Les personnes qui découvrent Internet, dans un premier temps s’émerveillent non sans raison devant les possibilités qui nous sont offertes. Il devient plus facile et moins coûteux de communiquer avec ses amis même s’ils sont à l’autre extrémité de la planète ; par ailleurs on a le sentiment de disposer d’une source de données quasi illimitée.
Reprendre la parole, devenir actifs…
Un autre aspect de cette technologie mérite d’être relevé, c’est son côté interactif. Le téléspectateur ou l’auditeur de radio doit se contenter le plus souvent de maugréer dans son coin quand il n’est pas d’accord avec le discours qu’on lui sert. Si droit de réponse il y a encore ce n’est plus vrai que pour la presse écrite, semble-t-il.
Que de personnes sont devenues méfiantes envers la télévision après des expériences malheureuses ! Elles avaient accepté de parler devant une caméra en s’efforçant d’être vrais. Mais quelle déception lors de la diffusion de l’émission en constatant ce qu’on a fait de leurs propos lors du montage ! Avec quels moyens réagir alors lorsqu’on se trouve devant cette sorte de trahison ?
Il semblerait qu’on entrevoie une issue devant cette sorte de monopole des grands médias. C’est ce que M. Bruno Devauchelle, soulignait dans une conférence donnée en novembre 2000 à Saint-Étienne devant une assemblée d’enseignants et de responsables d’établissements scolaires primaires et secondaires. Voici ce qu’il dit :
« …nous sommes en train de sortir d’une société de l’information pour entrer dans une société de la communication (…) nous entrons dans une époque au cours de laquelle la parole peut être reprise par ceux qui, devant les »grands« médias traditionnels apparus au cours du XX° siècle, ne l’avaient pas (…) La télévision et la radio, malgré diverses tentatives pour donner la parole aux auditeurs, l’ont en fait confisquée… ».
« Reprendre la parole » grâce à la messagerie électronique, à la discussion en direct dont les jeunes sont friands et que les Anglais appellent « chat », mais bien plus encore par les sites Internet qui se multiplient. « Le développement rapide des sites Internet personnels, comme celui des sites d’établissements scolaires montrent que le besoin d’échanger est très fort, au-delà de la relation individuelle. » (Bruno Devauchelle)
« Tout ce que vous aurez dit dans les ténèbres… »
Attirons l’attention sur un dernier point. On sait que depuis l’avènement de la radio et de la télévision il est difficile de cacher les choses qu’on voudrait tenir secrètes. Les journalistes jouent le rôle de guetteurs et attirent l’attention sur certains évènements que des gouvernements voudraient dissimuler ou habiller de manière présentable. Contrôler ce type d’information devient de plus en plus difficile à mesure que les victimes apprennent à se servir d’Internet.
Qu’on se rappelle le rôle joué par ce média lors des évènements du Chiapas au Mexique il y a quelques années. Autre exemple : Michel TAURIAC dans son livre « Vietnam, le dossier noir du communisme » explique que ce pays continue à persécuter les Catholiques tout en prétendant le contraire pour se concilier les bonnes grâce de l’Occident. Mais ses dirigeants n’ont plus les mains libres à cause d’Internet. Et beaucoup d’autres exemples pourraient être cités. On se prend à penser à la parole de l’Evangile :
« Rien, en effet, n’est voilé qui ne sera révélé, rien de caché qui ne sera connu » .( Mt 10, 26)
Des têtes bien faites plutôt que bien pleines !
S’en tenir à ces aspects positifs des « nouvelles technologies » serait fort incomplet. Comment passer sous silence tous les problèmes nouveaux qui se posent ? Ces nouvelles possibilités ne vont pas sans nouvelles responsabilités ! Ceux qui se plaisent à « surfer » sur le « web » savent qu’on y côtoie le meilleur et le pire. Les informations y abondent mais que valent-elles ? Qui va nous aider à faire le tri ?
On ne peut s’aventurer en haute montagne sans prendre un bon guide. De même celui qui veut tirer profit d’Internet ne peut se passer d’une bonne méthode et d’un solide esprit critique. Les pièges et traquenards y abondent. C’est bien regrettable mais ce merveilleux outil a été très vite colonisé par certaines personnes peu fréquentables.
Inutile de s’appesantir ! Pédophilie, pornographie, racisme, terrorisme … il y a tant à faire pour ceux qu’on charge d’assainir le « réseau des réseaux » ! Et leur tâche est des plus difficiles : comment localiser les délinquants qui se jouent des frontières. Un journaliste de radio ou de télévision ne peut se conduire de manière irresponsable, ce n’est pas le cas de ceux qui créent un site qui peut disparaître du web du jour au lendemain non sans avoir occasionné des dégâts. C’est un point à ne pas perdre de vue !
Il serait fâcheux de terminer sur cette note pessimiste. Ce ne sont pas les outils qui sont mauvais, c’est le cœur de l’homme ! Inutile de rêver au bon vieux temps où l’on ne connaissait pas tous ces problèmes. On voudrait revenir en arrière que ce serait impossible. Beaucoup de ceux qui liront ces pages consacrent leur vie à l’éducation des jeunes. Ils savent dans quelle direction il faut avancer. Ils sont convaincus qu’il est indispensable de travailler à préparer des « têtes bien faites » plutôt que des « têtes bien pleines ». Plus que jamais, il faut le dire, « science sans conscience est ruine de l’âme ! »
fr Bernard Méha
(Publié dans « Présence Mariste » n°230, janvier 2002)