L’Ecole Marcellin Champagnat de Marlhes, plus communément appelée « l’école des Frères », peut, à juste titre, revendiquer plusieurs privilèges exceptionnels : une des toutes premières fondations du Père Champagnat, puisqu’elle fut ouverte à la rentrée 1819, la première en France à porter le nom de ce grand éducateur de la jeunesse, originaire du pays, elle ne connut pas moins de cinq bâtiments successifs au cours de ses cent-cinquante ans d’existence.
Une école ouverte par le Fr Louis
C’est le Frère Louis, belle figure des humbles origines maristes, qui vint l’ouvrir, à la demande de M. ALLIROT, curé de la paroisse, prétendant qu’il avait le droit d’être servi le premier par son ancien paroissien. Il y fit vite merveille, en ces temps héroïques d’ignorance et de déchristianisation, malgré l’extrême précarité des locaux et du mobilier. Car la toute première école, comme La Valla, puis l’Hermitage, était fondée sur la pauvreté, voire la misère : la maison était malsaine et l’eau suintait de toutes parts. C’est là que le Vénérable Frère François occupa, en 1821, le modeste emploi de cuisinier de la petite communauté.

Les premiers débuts
Comme nul n’est prophète en son pays, les relations avec M. le Curé se brouillèrent vite, particulièrement à l’occasion du départ du Frère Louis, appelé à la direction du Noviciat :
« Votre supérieur est un homme sans expérience, sans capacité, sans intelligence. Sa conduite, en vous ôtant d’ici, malgré mes observations, en est une preuve. D’ailleurs, je le connais depuis longtemps ».
C’est exactement le jugement que le Père Champagnat portait sur lui-même : mais les saints ne se mesurent pas avec des critères seulement humains.
Comme les réparations indispensables tardaient indéfiniment, M. Champagnat se résolut à retirer les Frères de Marlhes, au bout de quelques années.
L’école ne fut reprise qu’en 1833, à l’arrivée du nouveau pasteur, M. Claude DUPLAY. Elle occupa tour à tour un deuxième local, depuis longtemps démoli, puis un troisième bâtiment, qui devint l’école communale, et, enfin, une quatrième bâtisse, au hameau de l’Orme, près du bourg.
Après les vicissitudes de la sécularisation (1903-1904), en vue de répondre toujours mieux aux nouveaux besoins d’une population de 1.500 âmes, un audacieux projet prend corps : construire une nouvelle école. Ce sera la cinquième et, sans doute, la dernière.

Une entreprise audacieuse
Malgré les difficultés et les restrictions de la guerre, les bonnes volontés — et elles sont nombreuses — se lèvent et l’on passe aussitôt à l’exécution : sur un terrain cédé par M. Jean TARDY, Mgr BORNET procède à la bénédiction de la première pierre, le 23 mars 1943. Grâce au dévouement inlassable et à l’habileté ingénieuse de M. le Curé MONTEUX, de vénérée mémoire, avec l’aide précieuse du maire COURBON LA FAYE, les travaux sont menés bon train et l’on voit rapidement s’élever, en beau granit du pays, un gracieux bâtiment aux lignes sobres et pures, conçu par l’architecte MANHAUDIER, réalisé par l’entreprise OLAGNON (qui construira, quinze ans plus tard, la chapelle du Rosey), coiffé par le charpentier BARRALON, tandis que M. TARDY pose portes et fenêtres.
Inauguration solennelle le 23 avril 1944
Ainsi, grâce à de subtiles tractations (où sable et ciment étaient parcimonieusement échangés contre beurre et bas-beurre…) dont M. MONTEUX avait le secret, grâce surtout à la miraculeuse et constante protection du « type du Rosey », patron obligé de cette école, l’inauguration solennelle, par le Cardinal GERLIER, pouvait avoir lieu le 23 avril 1944, soit treize mois après le début des travaux. Et le 6 octobre suivant, le Frère Michel-André (M. VOLLE), nouveau directeur, assisté des FF. CHAVAS, PION et GUILHOT, présidait, avec son sourire habituel, à la rentrée de cent minois ébahis. Une nouvelle ère de travail en profondeur, d’apostolat, d’éveil des vocations et de succès scolaires commençait pour cette école de Marlhes, à l’ombre de « la cathédrale des montagnes » .
Au cours de cette première année scolaire, en mai 1945, Mgr BORNET, évêque de Saint-Etienne, revient inaugurer la plaque commémorative ainsi conçue :
« Pour l’éducation chrétienne de ses enfants, la paroisse de Marlhes a érigé cette école, bénite le 23 avril 1944, par S.E. le Cardinal GERLIER, et dédiée au Bienheureux Marcellin CHAMPAGNAT, Fondateur des Frères Maristes, né au Rosey, en 1789 ».
Et maintenant …
Sur cette magnifique lancée, l’école se développe, s’embellit et se complète. Au fil des années, le nombre des élèves augmente sensiblement pour atteindre, aujourd’hui, dans les quatre classes primaires, 120 élèves, dont 80 pensionnaires étrangers à la commune, heureux de s’ébattre dans ce beau cadre de montagnes.
Fidèle à ses solides traditions, l’école Champagnat poursuit sa tâche éducative, tout en s’adaptant au renouveau pédagogique et en développant le secteur des loisirs : dans ces altitudes, les classes de neige, parfaitement intégrées, peuvent se dérouler à deux pas de la maison, et de multiples sports sont possibles.

Bien que les années, surtout en ce domaine difficile et mouvant, se suivent et ne se ressemblent guère, on ne peut que souhaiter à l’école Champagnat de Marlhes de poursuivre joyeusement l’œuvre entreprise avec passion par le petit berger du Rosey, dont la réponse hésitante à l’appel de Dieu fut à l’origine d’une si prodigieuse aventure, et de susciter, comme par le passé, de nombreuses vocations de Prêtres, de Sœurs et de Frères.
C’est à cela que s’emploie, avec conscience et dévouement, l’équipe enseignante actuelle, sous la direction du Fr. Joseph SAMUEL, secondé par les FF. MAGAND, BOSLAND, FALCONNIER et Mlle DARNON, sans oublier le Frère VOLLE, qui fait chanter tous les instruments de musique, les suppléant, à l’occasion, par un joli filet de voix aux sonorités méridionales…
Frère Paul BOYAT
(Publié dans « Voyages et Missions » n°110, mai 1971)