Une femme providentielle
Le Seigneur va se servir d’une femme toute dévouée à la cause mariste : la comtesse de La Granville. Elle a déjà confié l’école de filles aux Religieuses de l’Enfant-Jésus, fondées à Lille par la mère Nathalie Doignies. En août 1842, Frère François lui promet trois Frères. L’école sera d’abord un externat dans une ferme, donc avec beaucoup d’espace.
Dès 1846, on peut y mettre le noviciat qui déjà avait été ouvert à Saint-Pol. En 1852, la comtesse envisage de donner toute la propriété aux Frères. Elle est tellement mariste de cœur qu’elle sera l’objet d’une faveur exceptionnelle. Le Frère François, pourtant rigide dans son refus de laisser entrer les femmes dans l’enceinte de l’Hermitage - une Soeur de la Sainte Famille dira qu’il était « barre de fer » à cet égard admet la comtesse à une session du Chapitre Général de 1854. Par respect pour la règle, elle sera introduite par l’aumônier de la maison.
Le comte et la comtesse de La Grandville.
Elle va faire d’autres donations, si bien qu’elle se classe, sans comparaison possible, même avec les Thiollière et les Neyrand de la région de Saint-Chamond, comme la plus grande bienfaitrice de l’Institut. Frère Avit estime qu’on peut parler, à propos de ses générosités, d’une valeur de 500.000. francs, à une époque où le salaire journalier moyen est d’environ trois francs.
En 1900, la Province comptait plus de 500 Frères
et 70 écoles en France et en Belgique
Beaucamps devient un centre de formation des Frères si réputé qu’il sera question vers 1850, d’y transporter l’école normale de Douai. A sa mort, en 1865, la pieuse comtesse pouvait bénir le Seigneur, car la petite graine plantée en 1842 avait prodigieusement poussé. La Province comptait 330 Frères, 53 écoles et 13.000 élèves.
En 1900, la Province comptait plus de 500 Frères et 70 écoles en France et Belgique. Un exemple parmi d’autres : Halluin. Les Frères y arrivent en 1856. En 1876, ils étaient les seuls instituteurs de la ville. L’école Sainte-Marie avait 210 élèves, celle de Colbras-Molinel 460 et au Mont d’Halluin 130. « Les classes étaient gratuites, surpeuplées d’enfants pauvres, venant presque tous en sabots ».
Après la Belgique les Frères s’installent en Grande Bretagne
L’on sait comment les événements de 1903 favorisèrent l’implantation des Frères Maristes dans les différentes parties du monde. Mais bien avant cela, d’autres Provinces étaient nées de Beaucamps. « Notre Province de Beaucamps a été fondée par des Frères pionniers qui venaient de la Loire, de l’Ardèche, de la Lozère et du Rhône, dit le Frère Norbert Queste, mais ce que Beaucamps a reçu sera généreusement rendu en d’autres contrées… »
En octobre 1851, M. Quiblier, prêtre du diocèse de Lyon, ancien missionnaire, vient à Beaucamps demander des Frères pour la paroisse de Spitalfieds, quartier de Londres habité par des ouvriers irlandais catholiques. Il amenait deux jeunes pour être formés au Noviciat.
Le Frère Louis Bernardin ira en compagnie du Frère Patrick, juger de la situation. Huit jours après, ils rentrent à Beaucamps. Un premier contingent de Frères part avec les Frères Gaétan, Patrick et Procope.
Frère John, né en Irlande, fait la classe en France
et devient Provincial des Iles Britanniques
Le Frère Norbert écrit : « La Province d’Angleterre et d’Irlande fut bâtie sur un fondement solide… pendant bien des années les Novices furent formés à Beaucamps, même après l’autonomie de cette province ».
Une mention particulière est faite du Frère John. Né à Cork en Irlande, il vint au Noviciat de Beaucamps à 17 ans. Il fit ensuite la cuisine à Annoeullin, puis fit la classe à Lens et à Beaucamps. Directeur de St-Andrew à Londres, il fut envoyé en Australie à cause de sa santé. Provincial des Iles Britanniques, il en devint l’Assistant Général en 1900.
Le Frère Norbert dit encore : « Par voie de filiation, on peut dire que les Provinces d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’Afrique du Sud remontent à celle de Beaucamps ; elles ont été fondées et entretenues par des Frères ayant fait leur Noviciat à Beaucamps ou à Arlon (Belgique) ».
En Belgique, en 1903, on comptait une douzaine d’écoles
Les archives de l’Institut signalent une première école ouverte à Fleurus en 1856. On en comptait une douzaine en 1903 avec notamment la grande maison d’Arlon que le chroniqueur considère comme un second Beaucamps. « … nous y trouvons l’influence, l’esprit et les traditions de Beaucamps. » !
Le Noviciat d’Arlon forma des Frères pour l’Allemagne et divers secteurs missionnaires. Cette maison favorisa les vocations venant de Lorraine. Beaucoup de Frères français se formèrent à l’enseignement en suivant les cours de l’Ecole Normale d’Arlon.
En nombre croissant, les aspirants à la vie mariste, venant du Palatinat, de Bavière, de Westphalie peuplèrent ce noviciat.
Des fondations en Allemagne : Recklinghausen, Furth
Au printemps de 1914, la congrégation acquit un séminaire à Recklinghausen pour en faire un juvénat. Transformée en hôpital, cette maison accueillit plus de 7.000 blessés de guerre.
Ensuite, le juvénat reprit son essor. Un Noviciat et un Scolasticat s’ouvrirent à Furth et un autre Juvénat à Mindelheim. Pour satisfaire les exigences officielles, les Frères suivaient les cours d’une Ecole Normale à Straubing et logeaient chez les Carmes.
En 1920, le district d’Allemagne est détaché de la Province de Beaucamps. Les maisons se multiplient malgré les difficultés. En 1937, la Province comprenait 260 Frères, 35 novices et 14 maisons.
A la suite des événements politiques, les Frères s’implantèrent en Hollande, en Autriche, en Suisse, au Liechtenstein, à Poznan en Pologne.
Fr. Gabriel MICHEL avec Fr. Achille SOMERS
(Publié dans Présence Mariste n°190, janvier 1992)