« C’était un matin d’octobre 1951, mes valises à peine posées, à la communauté des Frères, à Marlhes, que j’entrais dans la grande salle où m’attendaient 43 élèves de la « La Petite Classe ». On l’appelait ainsi et c’était par là que l’on commençait, pour pouvoir, le cas échéant, gravir les échelons. Je ne me souviens pas d’avoir eu le stress, mais combien j’étais heureux : mon rêve de 12 ans de devenir « Frère enseignant » se réalisait enfin !
Les petits ruraux de MARLHES de 5 et 6 ans …
… étaient « adorables ». Ils attendaient leur nouveau maître avec des regards encore pleins de candeur et d’interrogation en espérant que Frère Marcel serait gentil et leur apprendrait au plus vite à savoir lire, écrire et compter, bases essentielles, mais déjà accompagnées d’éléments plus ludiques…

Classe de CP à Marlhes en 1952-1953
Toute mon attention portait sur cet apprentissage, en essayant de n’oublier personne : les plus grands aidant parfois les autres, sous le regard vigilant du maître chargé de coordonner l’ensemble des activités.
Accrochées aux murs, les cartes de lecture …
… soigneusement modulées, servaient de point de base. Sur chacune : des lettres, des dessins, puis des mots jalonnaient ce premier parcours, avant de pouvoir, enfin, recevoir le livre sanctionnant l’évolution encourageante de l’élève et ses progrès en cours d’année. Il y avait aussi les modèles d’écriture, au tableau et sur les premiers cahiers ; ceci faisait partie de la préparation du maître.
Je revois encore ces têtes blondes ou brunes penchées sur leur cahier plume « sergent major » en main, langue tirée, produisant leur premier chef-d’œuvre. Parfois une malencontreuse tache d’encre déclenchait une grosse crise de larme… On comptait avec jetons et bûchettes ; c’était une discipline agréable, appréciée des élèves.
L’école était belle, toute neuve, avec sa façade en granit taillé. Les fenêtres cintrées rompaient avec la monotonie des structures traditionnelles. Elles étaient ouvertes à perte de vue sur les prés, les champs et les forêts.
La dimension éducative n’était pas oubliée.
Il fallait être attentif pour parfaire, développer et élargir le sens social et communautaire. Tout n’était pas gagné d’avance, bien sûr, et le besoin d’ouverture était un objectif primordial.
Pour nous aider dans ce sens, nous avions la chance de voir passer des groupes de Frères étrangers, de couleur et d’ethnies diverses. Ils venaient, eux aussi, se ressourcer dans le pays natal de Marcellin Champagnat.
C’était déjà la « planète monde » qui s’ouvrait dans notre village et notre école.
Le catéchisme se déroulait à l’école.
Nous étions d’ailleurs la seule école du village. Un fond religieux existait ; on priait en famille et la pratique dominicale restait un point fort.
L’important était de faire découvrir aux enfants la présence d’un Dieu proche, attentif aux petits et aux pauvres et plein d’amour.
Tout au long de mon parcours d’enseignant, de 1951 à 1997, la société et le monde scolaire ont beaucoup changé, parfois dans l’instabilité des réformes et de leurs applications inachevées.
La tâche de l’éducateur est devenue plus complexe. Cependant beaucoup d’acteurs de l’éducation sont restés en recherche, proches des jeunes, pour leur permettre de trouver des repères d’une vie réussie et épanouie.
Frère Marcel ARNAUD
(Publié dans « Présence Mariste » n°249, octobre 2006)
Suite à la publication de cet article voici une photo
qui nous a été transmise par M. Jean-Baptiste ROYON

Un jeudi de patronage dans les années 53-54
vers le barrage de ST GENEST MALIFAUX en construction