Les familles spirituelles : un nouveau visage d’Église ?

« Vous serez mes témoins ! » (Présence Mariste N° 261, octobre 2009)

"Voici que je me tiens à la porte et je frappe’’ (Ap. 3, 20)

Le chrétien vit aujourd’hui sa foi, enraciné dans l’Église, Peuple de Dieu et Corps du Christ. L’évolution de la société fait que la paroisse, présente aux moments importants de la vie, est moins qu’avant le lieu de sa quête d’identité spirituelle.

Il s’alimente à d’autres sources selon ses propres aspirations : les pèlerinages et les nombreux témoins de la foi que sont les fondateurs des communautés religieuses. « Il y a une manière originale d’incarner l’Évangile chez un saint et un bienheureux, une manière qui touche les cœurs et les esprits, et beaucoup de laïcs sont sensibles à ce témoignage », constate Mgr Ricard.

C’est pourquoi, invités par les Supérieurs Majeurs de France à Lourdes en 2007, plus de 1 500 laïcs et religieux, liés à plus de 200 congrégations ou monastères sont venus partager et approfondir les enjeux sur le thème « Les familles spirituelles : un nouveau visage d’Église ? Vous serez mes témoins. »

Voici deux points de vue : celui d’un frère et celui d’une laïque

L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FORMES D’APPARTENANCE
Avant Vatican II, les religieux s’estimaient propriétaires du charisme de leurs fondateurs. Même dans le cas de branches laïques comme les Tiers-Ordre, celles-ci étaient largement subordonnées aux religieux.

Délégués maristes à Lourdes

Le Concile, en contestant la hiérarchisation des états de vie qui a pu prévaloir dans le passé, fonde la dignité du chrétien sur la grâce du baptême, commune à tous. Ainsi le laïc est appelé à prendre une part plus importante dans l’Église.

À Lourdes, nous avons constaté l’émergence de nombreuses formes nouvelles d’appartenance d’un laïc à une famille spirituelle : partage de la spiritualité et/ou de la mission, formes de vies, groupe sympathisant, engagements personnels et même vie en communauté mixte, religieux-laïcs. Ainsi l’Église paraît comme un vitrail où les colorations données par les charismes offrent de multiples nuances. Pour les religieux la question est posée : sont-ils les seuls héritiers du charisme ? Pourquoi les laïcs, en se l’appropriant, n’en découvriraient-ils pas d’autres facettes pour leur état de vie ? Face à des risques de dérive, qui pourra reconnaître, authentifier ces nouvelles pousses ?

Joie de prier ensemble

L’exposé de la théologienne, Marie-Jo Thiel, met en avant la démarche des premiers disciples de Jean-Baptiste qui « suivirent Jésus » (Jean 1,37). Pour elle, les congrégations pourraient : accueillir et accompagner : on constate du renouveau alors qu’on voulait du renfort. Former et vérifier : tout ce qui est neuf n’est pas évangile. Construire ensemble : la communauté offrant un bain nourricier.

Sœur Marie-Hélène Martin, Supérieure Générale des Ursulines de Jésus, constate : « Alors que la transmission du charisme nous semble fort ralentie à l’intérieur des pays de l’hémisphère Nord, nous le voyons porté par d’autres que nous, de manière authentique. C’est une heureuse surprise pour nous et cela ravive notre espérance. »

Mgr Ricard, dans son homélie, concluait : « N’est-ce pas la réalisation de cette aspiration prophétique de Moïse : »Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes !" (Nb. 11, 29)"

Frère Henri RÉOCREUX

UN MÊME BAPTÊME, UNE MÊME MISSION
Depuis quelques années, malgré une forte sécularisation dans nos pays occidentaux, des relations nouvelles se sont tissées entre religieux, prêtres et laïcs et a fait naître une autre manière d’être ensemble. C’est une réalité de plus en plus évidente ; nous sommes tous consacrés à Dieu par notre baptême et tous appelés à vivre une même mission. Avec Vatican II, l’époque dans laquelle le laïc vivait dans l’ombre des autres états de vie est terminée.

Eucharistie à l’église Saint Pie X

Dans le document du XXe Chapitre Général des Frères Maristes « Choisissons la vie », il est écrit que le charisme du fondateur, Marcellin Champagnat, aura un meilleur avenir si « nous élargissons l’espace de notre tente, si nous marchons ensemble, Frères et laïcs, pour partager la vie : spiritualité, mission, formation… »

Je relève, avec Mgr Ricard, que le besoin d’appartenir à une famille spirituelle répond à de nombreuses motivations :

  • Un désir de ressourcement et de spiritualité : au cœur d’une société peu porteuse, beaucoup éprouvent le besoin de se ressourcer et de se trouver face à Dieu et à eux-mêmes dans les valeurs évangéliques fondamentales qui caractérisent une famille spirituelle.
  • Un désir de répondre concrètement à un appel universel à la sainteté qui se concrétise dans la découverte de la vie d’un Saint, d’un fondateur, de son charisme et de la façon dont une famille spirituelle le met en œuvre.
  • Un désir d’accompagnement spirituel et de formation qui permet de découvrir dans la famille spirituelle un lieu de partage, donc un lieu d’écoute, rare de nos jours.
  • Un désir d’ouverture sur l’universel à travers la dimension missionnaire vers d’autres continents.
  • Un désir de partager une mission commune : faire connaître et aimer Jésus Christ, et témoigner de l’Évangile dans sa vie quotidienne. Dans l’Institut des Frères Maristes, le charisme de Marcellin Champagnat imprègne la mission de nombreux laïcs qui s’engagent à fond dans les établissements scolaires, l’éducation, et la proximité des enfants et des jeunes les plus pauvres…
    Frères et laïcs, boire à la source commune

    Cette réalité pose la question de l’identité de chacun : du religieux et du laïc. On pourrait craindre une perte de l’identité, de la confusion, mais il est important de mettre en valeur ce qui rassemble, ce qui enrichit. Ce qui rassemble, c’est l’appel à suivre Jésus par son baptême et ce qui enrichit est un véritable apport mutuel : les religieux apportent le souffle spirituel de leur vie en communauté et les laïcs, leur façon de vivre le charisme dans leur vie quotidienne, la famille, leur profession. Ils le déploient à leur manière. Chacun reçoit et donne.

Mme Mireille Étier, théologienne canadienne, écrit : « Nous sommes ensemble appelés à être appelants par le témoignage de notre vie, par la Parole partagée et à construire des relations de type fraternel dans le respect des différences. »

Annie GIRKA
(paru dans Présence Mariste N° 261, octobre 2009)

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